Chers Amis,
Jésus est baptisé dans le Jourdain. Ceux qui sont allés en pèlerinage en Terre Sainte connaissent les méandres du Jourdain, et savent à quel point son eau est limoneuse parce qu'elle traverse les déserts. Elle traverse le désert pour se jeter en final dans la Mer Morte. C'est symboliquement très puissant, car Jésus descend dans ce limon de notre péché et Il le prend sur Lui. Tout ce que les eaux de l'humanité ont charrié depuis tant de siècles, - les siècles du passé, et d’ailleurs, de l'avenir – tel l'Agneau, dit le prophète Isaïe. « Il a pris sur lui nos misères et porta nos douleurs. »
Une ancienne, très ancienne coutume en Israël, voulait qu'une fois par an, tout le peuple soit convoqué, et on prenait un bouc noir, qui représentait parmi les hommes l'esprit malin, et qui devait alors en subir les conséquences. Le Grand Prêtre déposait alors sur le bouc tous les péchés du peuple, après quoi on le chassait dans les lieux déserts, et il allait périr misérablement ; ou encore on le poussait au bord d'un précipice pour l'y jeter.
Avec Jésus, l'ancien rite devient actualité. L'ancien bouc noir se change, comme disent les textes, en agneau blanc, et par lui, Dieu prend la place du diable. Voici l'agneau de Dieu, qui, comme le bouc émissaire, porte les péchés du monde ; comme lui, il erre dans le désert, et comme lui, il sera un jour au bord du précipice. Il n'y a pas d'autre précipice que la croix. Il se charge de nos péchés par le baptême de l'eau, et après avoir enduré pendant trois ans l'horreur de leurs conséquences, il les plonge dans son baptême de sang. Puis, après les avoir enfouis dans trois jours de mort, Il les transfigure dans le baptême de l'Esprit, qui est la Résurrection.
Mais, et voilà le grand mystère de cette Théophanie : Dans l'eau du Jourdain, nous voyons la Source de toute vie : Le Père. Dans le sang offert de toute éternité par l'agneau, nous voyons l'amour fou de Dieu, révélé dans le Fils et par le Fils. Et dans la Résurrection du Christ, nous voyons la puissance inouïe de l'Esprit.
Nous plongeons aujourd'hui avec le Christ dans ces grandes eaux du Jourdain. Elles nous rappellent notre condition de baptisé. Notre baptême ne se perd pas dans la nuit des temps de notre enfance. Ce n'est pas du passé. Il est ma condition actuelle, essentielle, ontologique. Je suis né créature nouvelle. Il n'y a rien de plus actuel que mon baptême. Il me marque comme un sceau dans la cire (le sceau du disciple), dont le secret de chaque instant est de mourir dans le sang du Christ, et de renaître dans la puissance de l'Esprit.
Je n'ai pas été baptisé ; JE SUIS baptisé. C'est à dire « Plongé » ! Je suis immergé en Christ et, comme l’a dit un jour saint Grégoire de Nysse : « C'est vraiment pour nous, à la fois, le tombeau et la mère. » Nous mourrons à ce qui n'est pas la vie, et nous ne cessons de renaître et d'être accouchés. Cela est tellement inscrit désormais en nous que c'est le sens même de mon souffle.
Je suis un baptistère : en moi, l'expir me plonge dans cette réalité présente au fond de moi qui est le Christ, et, en inspirant, j'émerge de Lui, toujours plus conforme, de l'Image à la Ressemblance. Alors, nous récapitulons en nous et jusque dans notre corps, puisque c'est avec le corps que nous descendons dans l'eau, la mémoire ancestrale de nos cellules : Qui sait encore ce qui habite nos cellules physiques ?
Le passage de la Mer Rouge, les eaux du déluge, le séjour dans le ventre de la baleine, la traversée du Jourdain avec Josué, l'entrée dans la Terre Promise... C'est ça ma vieille mémoire qui habite dans mon corps.
Notre vie est donc une Pâques : au fond de ces eaux, nous avons laissé le péché et la mort ; et ce qui en a émergé est un état de Grâce que nous sommes maintenant, même si nous ne le savons pas : un être de Lumière. Nous sommes des Ressuscités. La joie, depuis, est notre seul critère, et chaque fois que nous prenons conscience de cela, les cieux s'ouvrent et la Voix du Père dit réellement pour moi :
« Tu es mon Fils bien-aimé ! »
Avec toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
http://www.centrebethanie.org/2013/12/lettre-de-bethanie-n-110.html
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