Chers Amis
Ce mois de février ouvre ses portes au « Grand Carême ». A nouveau devant nous ces quarante jours qui, au sein de la tourmente, nous invitent à faire le point : qui suis-je, quel est le sens, le but de ma vie, comment la remettre dans l’axe de « l’unique nécessaire » ? Aucun progrès n’est possible sans prendre les grands moyens !
Entrer en contact avec le Christ, communier à Lui, donc expérimenter le dépouillement infini de Dieu nous fait prendre immédiatement conscience de la maladie dont nous avons le plus besoin d’être sauvés, qui est notre complicité avec nous-mêmes. Notre perpétuel tourment, notre vraie misère c’est que nous collons à nous-mêmes avec un élan sauvage, d’autant plus sauvage qu’il est plus ou moins conscient. Depuis notre rupture originelle avec Dieu nous avons une naissance naturelle, biologique, nous sommes une chose jetée parmi les éléments du monde d’où nous ne cessons de dépendre, nous ne pouvons subsister sans lui. Alors, dans cette fragilité constamment menacée, nous nous affirmons désespérément comme si nous étions la source et l’origine de nous-mêmes et de l’univers.
Chacun veut être « soi » dans un sens unique, chacun veut être le maître de son destin, chacun veut être irremplaçable. Nous revenons toujours à nous-mêmes, à notre histoire, à notre justification, à nos prétentions, à nos comparaisons avec les autres, en leur défaveur bien entendu ! Et pour nous créer un piédestal. C’est là vraiment le mal radical qui corrompt en nous tout ce qui est possible sur le plan spirituel : cette possession de nous-mêmes par nous-mêmes, qui nous rive à un moi dérisoire, infirme, totalement dépendant et qui n’existe qu’en étant contre, par un orgueil qui défend ses positions.
Cela paraît fou, mais c’est pourtant cela qui constitue la plupart du temps notre histoire et qui en tisse chaque instant. Le sentiment du « m’as-tu-vu » nous accompagne à tout moment comme « l’ombre en plein soleil ». C’est notre état pathologique permanent, ce besoin maladif d’être reconnu, à l’absence de Dieu se substitue la présence d’un moi obsédé de soi-même, une « autolâtrie ». Il s’agit d’une disposition qui est en chacun d’entre nous une inauthenticité fondamentale issue de notre éloignement de Dieu et qui constitue à traiter le moi en réalité absolue et centrale et d’y rapporter toutes choses. L’homme ne se recevant pas de Dieu devient un « double luciférien » pour exister, il oblige le monde et les autres à tourner autour de lui.
Or notre guérison fondamentale, jusqu’à la racine même de notre être, se trouve dans l’attitude diamétralement opposée. C’est elle que le Christ vient nous apprendre ; c’est pourquoi Il est à la fois le Révélateur de notre mal essentiel et le seul qui puisse nous en guérir. En effet il nous plonge dans la dimension divine, c'est-à-dire libre de toute condition, la dimension non-conditionnée, où l’on ne dépend de plus rien ni de personne, où l’on n’attend rien de qui que ce soit, ni demande de pardon, ni réparation. Parce que le Christ m’a saisi tout entier pour me rapporter à Dieu seul, me recevant que de Lui dans une grâce surabondante, je suis un être libre, submergé de gratitude.
« Je est un autre » disait Rimbaud ; le mystère de notre véritable identité n’existe qu’en Dieu, comme le ruisseau n’existe que par la source, et ce n’est donc qu’en Dieu que nous pouvons vraiment naître à nous-mêmes, devenir « personne », découvrir notre « je » réel, au-delà de toutes limites, capable d’amour gratuit et totalement libre de toute dépendance extérieure. Cette plénitude de la liberté c’est la « créature nouvelle » à laquelle chacun est appelé. Jésus est Lui-même ce Chemin de libération.
En Lui nous apprenons que la suprême grandeur, et pas seulement la guérison, c’est la totale évacuation de soi ; que la suprême valeur, c’est de ne rien posséder ; qu’exister en forme de don, c’est la caractéristique même de la divinité. Tout est là ! Rien n’est plus actuel, plus brûlant, plus passionnant, parce que là est le seul problème ! Quand nous serons libérés de nous-mêmes, tous les handicaps, les obstacles, les murs de séparation, toutes les guerres, les haines cesseront, car tous proviennent finalement de ce moi possessif. L’homme doit se faire, et il ne peut se faire que s’il rencontre en lui cet espace infini de lumière et d’amour où Dieu se respire…
Pâque serait un événement majeur de notre vie si, après ce temps de gestation, elle était le Jour de notre vraie naissance à nous-mêmes !
Avec toute notre affection, à bientôt !
Père Alphonse et Rachel
Centre Béthanie http://www.centre-bethanie.org
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