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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 22:28

bethanie_novembre_2011.jpgPhotos Aurore

 

Chers Amis,

 

La Toussaint se profile à l’horizon, mais nous sommes-nous déjà posé sérieusement la question : qu’est-ce qu’un saint ? Ce n’est certainement pas un personnage en plâtre avec la tête à midi moins le quart et plein de toiles d’araignée ! Ce n’est pas non plus un personnage héroïque et idyllique, un parfait ! Non, un saint c’est un chrétien qui prend sa vie, la Vie, au sérieux. Si nous n'étions pas des chrétiens-amateurs, il y a longtemps que le monde serait en feu (Lc 12,49).

 

« Ce peuple-là m'honore des lèvres, mais son cœur est fort loin de moi » (Mt 15,18), « sa religion envers moi n'est que commandements humains, leçons apprises ! » (Is 29,13). Amateurs... Nous «faisons» des tas de choses et oublions d'être amoureux. Nous nous jetons dans le multiple du matin au soir et n'avons pas cet axe, cette direction qui unifierait tout. Notre action est sans adresse, elle ne s'adresse à personne, notre existence est sans vis-à-vis, nos relations ne sont que fonctionnelles. Nous avons perdu la Vie de la vie, les vrais motifs ont disparu...

 

Alors, de temps à autre, Dieu, comme un fiancé déçu jusqu'aux larmes de sang (Lc 22,44) vient hurler son « énorme épouvante» par la bouche de ses prophètes : « Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive (Jr 2,19), vous avez conçu du foin, vous enfanterez de la paille » (Is 33,11).

 

L'homme préfère sa petite religion, au goût du jour, suivre son propre chemin, chercher son intérêt (Is 56,11). Mais à travers nos détournements-mêmes, l'accumulation de nos péchés, voire notre « bonne conscience », ne cesse de percer comme une flèche ce petit mot de Jésus qui cristallise le message millénaire : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous... » (Lc 13,3). Nous menons une vie de morts.

 

Les prophètes, certes, essayent de faire éclater l'univers pourri de nos prétextes et de nos excuses, des facilités, des conformismes, des fausses sécurités... Mais l'homme est installé dans sa misère, il s'y est habitué, il ne s'imagine même plus qu'il puisse y avoir autre chose et que la vie n'est pas du tout ce à quoi il l'a réduite!

 

Il est étonnant, n'est-ce pas, pour des «chrétiens chevronnés» comme nous, qu'il faille toujours revenir sur ce que nous prenions pour une affaire classée! Nous pensions être des croyants et nous voilà au pied du mur... Tenez, ce petit test de vérité : interrogeons notre vie et voyons quelle conception du bonheur la domine. Est-ce le bonheur de la seule réussite terrestre : beauté, santé, réputation, argent, puissance, réussite...?

 

Ou est-ce Jésus-Christ notre bonheur et notre vitalité, la motivation dernière de toutes nos entreprises, y compris celle de vouloir entrer dans le dessein de Dieu? On peut être catéchiste enragé, militant à tous crins, religieuse ou prêtre... et ne pas être converti ! Ce que l'on met sur le dos de la charité ou du don de soi ne peut être qu'engraissage de l'ego et carrière du petit moi. On peut se décorer de mille manières, même sous les apparences contraires !

 

Tout est une question de direction. Vers quoi se tourne spontanément mon cœur ? Où va inconsciemment et sans arrêt ma préférence? Vérifier tous les jours ma réponse à ces questions, c'est vivre dans la logique de la conversion. Mais sans doute nous révèleront-elles, d'une manière inattendue, que nous vivions jusque-là dans l'univers des formules et des idées générales, et que notre supposée « foi » n'est jamais entrée comme une hache dans nos mœurs (Lc 3,9). L'expérience spirituelle est le privilège des spécialistes, pensons-nous. Sous-prolétaires de l'Amour, à la rigueur fonctionnaires de nos bons sentiments religieux, la zone profonde de notre être n'a pas été atteinte. Mais si tel en est l'enjeu, si le mot « conversion » est le résumé éclair de toute l'Ecriture et le seul programme d'une vie chrétienne, il serait bon d'en scruter un peu encore sa signification.

 

Pour deux personnes qui s'aiment vraiment, l'intimité est le centre vers lequel tout converge et la source où le moindre instant de leur journée trouve son origine. Il suffit de regarder deux amoureux : tout en eux est transformé (converti). Quand il s'agit de Dieu, cette relation d'intimité s'appelle «prière». Mais attention : il y a autant de différence entre « rabâcher comme des païens » (Mt 6,5-8) et prier qu'il y en a entre le flirt et l'amour! Pour certains, le mariage n'est qu'un flirt prolongé comme pour d'autres la prière n'est qu'une pauvre duperie: cela ne débouche sur rien, sinon sur soi-même, pour les uns et pour les autres.

 

C'est pourquoi toute conversion s'opère dans le feu. Seule la proximité du Saint brûle en celui qui le découvre, dans le secret d'une prière contemplative, la paille des apparences (Jr 29,29); elle réduit à rien les prestiges du monde, l'honorabilité sociale, la conscience satisfaite... tout ce à quoi allait encore notre préférence jusque-là. « Pour être un saint, écrit Bernanos, quel évêque ne donnerait son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout son temporel... »

 

Il s'agit pour nous, pour chacun, d'entrer dans l'authenticité totale : peu à peu, longuement, régulièrement, se laisser investir par Dieu, structurer, séduire, habiter par Lui... Concrètement cela se traduit par la volonté de trouver chaque jour un temps déterminé pour Dieu seul. Là encore, un test serait des plus révélateurs. Car « Dieu a, dans notre estime, la place qu'Il tient dans notre temps » (Evely). Nous avons du temps pour tout ce que nous estimons. Si nous ne trouvons pas du temps pour Dieu, c'est que nous ne l'estimons pas... Nous serons peut-être ses serviteurs (inutiles!), ses combattants (sans doute pour une bataille perdue d'avance!), mais pas ses amants. L'amour a une exigence : le face à face, en pure perte et qui ne sert à rien... sinon à aimer et à se laisser aimer !

 

L'élément qui permettra à ce temps de devenir une rencontre, c'est évidemment l'Evangile. A force de naître et de renaitre sans cesse à cette Parole, de la ruminer et de la « méditer en notre cœur » comme Marie (Lc 2,19,51), nous provoquons notre conversion par osmose... La personne de Jésus « déteint » sur nous, littéralement. A le contempler, Il finit par passer en nous. Ses traits, ses manières, ses réactions, ses pensées deviennent nôtres par une sorte de contagion.

 

Et un jour, contrairement au blasphème d'ironie de Nicodème, nous renaissons à une profondeur, à un tout autre plan de conscience (Jn 3,1-21), où tout le tissu de notre vie, jusqu'au moindre détail, va acquérir une densité étonnante, jusque-là inconnue (Col 2,6-7). « Avoir les yeux dans les siens, la pensée hantée par Lui, le cœur tout pris, tout envahi, comme hors de soi et passé en Lui, l'âme plein de son âme, pleine de sa prière, tout l'être captivé et donné », écrit sainte Elisabeth de Dijon (+ 1908).

 

Voilà le chemin de la sainteté, il est simple, il est pour tous. Bon chemin à vous !

 

Avec toute notre affection, à bientôt !

Père Alphonse et Rachel

Fondateurs et animateurs du centre Béthanie

 

http://www.centre-bethanie.org/lettre_96.htm

http://issuu.com/bethanie/docs/lettre_bethanie_96

 

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