La méditation est une prière de foi parce que nous acceptons de suivre l’enseignement du Maître : nous sommes prêts à perdre notre vie afin que nous puissions nous réaliser pleinement. Quand nous avons trouvé notre moi véritable, nous n’en sommes encore qu’au début. Lorsque nous nous sommes trouvés nous-mêmes, nous avons trouvé, selon l’expression de saint Augustin, le « tremplin » qui nous conduira à Dieu. Alors, et alors seulement, nous avons trouvé la confiance nécessaire pour faire le pas suivant qui consiste à cesser de contempler notre moi fraîchement découvert pour diriger le projecteur vers l’Autre. La méditation est une prière de foi justement parce que nous nous abandonnons avant que l’Autre apparaisse ; et cela, sans aucune garantie préalable que l’Autre apparaisse. L’essence de toute pauvreté, c’est ce risque d’annihilation.
C’est le saut de la foi, de soi vers l’Autre. Ce risque est inhérent à tout amour… [et c’]est un moment critique dans le développement de notre prière. Lorsque nous commençons à prendre conscience de l’engagement total exigé par la prière profonde, la prière qui est dépouillement de soi, la tentation est forte de retourner en arrière, d’esquiver l’appel à la pauvreté absolue, d’abandonner la méditation, l’ascèse du mantra, et de revenir à une prière centrée sur soi plutôt que sur Dieu.
La tentation est de retourner à cette prière qui est celle, dirions-nous, d’une piété flottante, anesthésiée, celle que Jean Cassien qualifie de pax perniciosa (paix pernicieuse) de sopor letalis (sommeil mortel). C’est une tentation que nous devons transcender. Jésus nous a appelés à perdre notre vie et non à tenir bon en négociant de meilleures conditions. Si nous la perdons, et uniquement si nous la perdons, nous la retrouverons en lui. Pour Jean Cassien, le fait de restreindre notre mental à un seul mot est la preuve de l’authenticité de notre renoncement. Dans sa vision de la prière, on renonce à la pensée, à l’imagination et même à la conscience de soi, matrice du langage et de la réflexion.
Mais, soyons bien clair sur les motifs du renoncement aux dons de Dieu pendant la prière… Il ne suffit pas de dire que nous renonçons à ces dons uniquement parce qu’ils nous « distraient ». Du reste, il serait absurde de nier qu’ils sont les moyens primordiaux de la compréhension de soi et de la communication avec les autres. Nous ne les refusons pas non plus parce que nous considérerions qu’ils n’ont pas leur place dans notre relation sociale ou personnelle avec Dieu. Il est bien évident que toute notre réponse liturgique à Dieu s’appuie sur la parole, le geste et l’image. Jésus lui-même nous a dit que nous pouvions prier le Père en son nom pour tous nos besoins, pour les besoins du monde entier.
Toutes ces considérations doivent toujours être présentes à l’esprit. Mais au centre de notre être, nous connaissons tous la vérité contenue dans les paroles de Jésus nous invitant à perdre notre vie pour la trouver. Dans ce centre de l’être, nous ressentons tous le besoin d’une simplicité radicale… En d’autres termes, chacun ressent le besoin de se réjouir de son être sous sa forme la plus simple, là où nous existons simplement sans autre raison que d’en rendre gloire à Dieu, lui qui nous crée, nous aime et nous maintient dans l’être. Or, c’est dans la prière que nous faisons l’expérience de la pure joie qui jaillit du simple fait d’être. Ayant abandonné tout ce que nous possédons, tout ce par quoi nous existons, nous nous tenons devant le Seigneur Dieu dans la simplicité la plus totale. La pauvreté de l’unique verset à laquelle Jean Cassien nous convie est le moyen qui nous est donné… de perdre notre vie pour la trouver, de devenir rien pour devenir tout.
John Main o.s.b., Conférences de Gethsémani, « Deuxième Conférence », Méditation chrétienne du Québec, 1997, p. 38-40.
Extrait de la lettre hebdomadairede la Communauté Mondiale des Méditants Chrétiens
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