Joseph meurt ... Nul n'a dit comment il dut mourir...
Il est venu sans bruit : il a lutté sans gloire ;
Acteur silencieux d'une sublime histoire,
Un jour, il disparaît pour ne plus revenir.
Nous l'avons vu passer sur le fond de la scène,
L'Enfant-Dieu sur ses pas, la Vierge près de lui ;
Il rabotait le jour ; et les anges, la nuit,
Le mettaient au courant des complots de la haine.
Au départ de Jésus, son rôle s'achevait ;
Et sur lui désormais se taira L'Évangile ;
Un soir, il dut laisser son rabot inutile
Et s'aliter, ayant Marie à son chevet.
La nuit tombait, pareille à cette nuit lointaine
où l'Ange du Seigneur vint l'éveiller pour fuir...
Il revint, ce soir-là, pour l'aider à mourir ;
Et Joseph entendit sa voix douce et sereine.
L'Ange disait : "Joseph, fils de David, c'est moi
Encore, Repose en paix, car l'Enfant et sa mère
N'auront plus de dangers à redouter sur terre.
Ils peuvent maintenant vivre et mourir sans toi."
Mais joseph hésitait à s'endormir. Sans doute
Attendait-il quelqu'un qu'il désirait revoir,
Car il prêtait l'oreille aux rumeurs de la route
Et dans ses yeux passait une lueur d'espoir.
Il se dresse soudain... Un pas rompt le silence ;
La porte du logis s'entrouvre sur la nuit.
Et Jésus, franchissant le seuil de son enfance,
Se hâte vers son père et se penche sur lui.
Comme il a dû marcher pour venir ! La poussière
Recouvre ses pieds nus et souligne ses traits ;
Mais de son clair regard émane une lumière
Dont les yeux de Joseph s'emplissent pour jamais ...
Marie a murmuré : "C'est toi, mon Fils !" Et l'ange
Se prosterne. Jésus, courbé sur le grabat,
Étreint son père ; entre eux, aucun mot ne s'échange.
Jésus livre à la mort son tout premier combat !
Et dans l'ombre, la mort impuissante s'attarde...
Mais le vieil ouvrier n'attend point que, si tard,
Son Fils lui rende un coeur jeune et fort : il regarde
Le visage divin et meurt dans ce regard.
Ah ! bienheureux celui qui, l'âme confiante,
Après avoir prié, souffert et travaillé,
Un soir, s'est étendu de fatigue et d'attente,
Et puis, dans un baiser divin, s'en est allé ! ...
Père A. Béranger, S. M. alias Georges d'Aurac
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