"La pleine conscience existait déjà chez les Pères du désert"
propos recueillis par Elisabeth Marshall (La Vie)
Pourquoi notre tradition a-t-elle oublié son expertise en méditation ? Le psychologue et prêtre Patrice Gourrier, qui a été formé à la mindfulness, nous éclaire.
« Nous avons, de par notre histoire, une méfiance par rapport à la méditation contemplative, à ce chemin intérieur mystique. La crise quiétiste du XVIIe siècle, entre Bossuet, Fénelon et Mme Guyon, qui initièrent une recherche de la paix intérieure qui faisait fi de l’Église et des sacrements, a laissé des traces. On a condamné le quiétisme et la méfiance est restée. Il y a aussi cette influence cartésienne qui demeure prégnante sur la séparation du corps et de l’esprit. Pour les platoniciens, le corps était le tombeau de l’âme. Les chrétiens ont peur aussi que la méditation ne soit qu’auto contemplation. Et pourtant l’Évangile nous dit bien que le Royaume est “en nous”.
D’ailleurs la pleine conscience n’a rien inventé. On trouve, au IVe siècle, dans la mystique des Pères du désert, les premiers moines chrétiens, des expériences de contemplation silencieuse, tournée vers la rencontre de Dieu au sein de nous-même. “Assieds-toi, tais-toi et apaise tes pensées”, conseille Abba Arsène au disciple qui l’interroge sur le bon chemin pour être sauvé. Tandis qu’Évagre le Pontique explique, dans son Traité des Pensées, “comment ne pas se disperser”.
Ces sages chrétiens nous parlent bien de l’apaisement de la pensée, de la nécessaire attention telle que la promeut la pleine conscience. Disparue très vite de la tradition occidentale, la méditation est restée plus présente au sein de la tradition orientale chrétienne, jusqu’au XIVe siècle, grâce à la prière du cœur notamment. Dans les Récits d’un pèlerin russe, nous assistons à la transformation du mental d’un homme inquiet en un spirituel en harmonie avec le monde. Nous sommes en Occident devenus très cérébraux. Or, nos contemporains ont soif d’autre chose. Notre époque encourage la dispersion qui crée l’épuisement. Tout ce qui peut nous apprendre à être plus présent est fondamentalement chrétien. »
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