Par mysticisme, on entend la tentative de contourner ou de dépasser l'aspect matériel de la réalité par la contemplation des archétypes immatériels dans une intelligence divine, comme si Dieu était comme un architecte qui exécute ses plans mentaux.
La forme néo-platonicienne de cette tradition a fait son chemin dans la tradition franco-latine par le biais d'Augustin.
C'est devenu la fondation du monachisme augustinien, qui a supplanté la tradition du monachisme orthodoxe, représentée par les saints Patrick, Jean Cassien et Benoît, basée sur la purification et l'illumination du cœur et sur la glorification et qui n'était pas seulement pour les moines, mais pour tous les laïcs aussi.
De ce point de vue il n'y a pas de réelle différence entre les protestants et les latins [id est "catholiques romains"] puisque ni les uns ni les autres ne connaissent la tradition de la purification et de l'illumination du cœur et de la glorification ou déification.
La véritable différence entre ces enfants d'Augustin, c'est que Luther a rejeté le mysticisme d'Augustin et le monachisme qui en découle. De cette position découle la distinction latine entre vie contemplative et vie active.
Les protestants choisissent la vie active et dans l'ensemble laissent la vie de la contemplation aux latins.
Parce qu'ils sont des enfants d'Augustin, les latins et les protestants ont été coupés de la glorification et, avec eux, les orthodoxes victimes de Pierre le Grand[i].
Tous les Latins que je connais présentent le mysticisme comme partie intégrante des Pères grecs parce qu'ils les ont lus avec leurs lunettes augustiniennes. En raison de cela le chapitre grec de saint Denys l'Aréopagite sur la Mystika Theologia est à tort traduit par "Théologie mystique" au lieu de "Théologie secrète".
Il appelle "Théologie secrète » cette étude parce que la gloire incréée de Dieu dans la glorification ne peut pas être décrite par des mots ni comprise avec des concepts.
C'est à partir de la glorification des saints que nous savons qu'il n'existe aucune similitude entre le créé et l'incréé et qu’il est impossible d'exprimer Dieu et encore plus impossible de concevoir Dieu (saint Grégoire le Théologien).
Aussi Vladimir Lossky, avec le titre de son livre Théologie mystique de l'Église d'Orient [ii] a quelque peu ajouté à la confusion.
John Romanides
D’après la version française de Claude Lopez-Ginisty
Sources :
et
http://orthodoxinfo.com/ecumenism/frjr_balamand.aspx
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[i] Allusion à la réforme opérée par Pierre le Grand de l’Eglise de Russie sur le modèle luthérien.
[ii] Titre choisi par l’ éditeur contre le gré de l’auteur.
Jean Romanides était prêtre grec orthodoxe, écrivain et professeur. Il fut pendant très longtemps le représentant de l'Église grecque auprès du Conseil Mondial des Églises. Né le 2 mars 1927 au Pirée en Grèce il grandit toutefois aux États-Unis, à Manhattan, où ses parents avaient émigré lorsqu'il n'avait encore que deux mois. Diplômé du Hellenic College de Brooklin et de la Divinity School de Yale, il reçut son titre de docteur de l'Université d'Athènes.
De 1956 à 1965, il occupa la chaire de théologie dogmatique à la Holy Cross Theological School de Brooklin. De 1968 jusqu'en 1982, il enseigna cette discipline à l'Université de Thessalonique. Enfin,pour son dernier poste, il exerça à l'école théologique de Balamand au Liban. Il est décèdé à Athènes en 2001.
Le Père Jean (Romanides) a développé de nombreuses études et réflexions, certaines assez controversées, sur les différences culturelles et religieuses entre les Chrétientés d'Orient et d'Occident et sur la façon dont ces divergences ont influencé le développement et le vie du christianisme dans ces aires culturelles. Ses rétudes approfondies en théologie dogmatique l'ont amené à cette conclusion qu'il existe un lien étroit entre les divergences doctrinales et les développements historiques. C'est pourquoi, lors des dernières années de sa vie, il se se concentra sur ses recherches historiques (période médiévale mais également le XVIIIe et le XIXe siècles).
Ses travaux théologiques mettent l'accent sur la base empirique de la théologie : la theoria ou vision de Dieu en tant que nettement opposée à la spéculation intellectuelle (la « contemplation » des faux théologiens et des ésotéristes). Cette theoria est donc, pour le Père Jean, l'essence même de la théologie orthodoxe. Il identifiait, en outre, l'hésychasme au coeur de la pratique chrétienne et c'est en ce sens qu'il étudia en profondeur les oeuvres du grand hésychaste et théologien du XIVesiècle, saint Grégoire Palamas.
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