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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 22:21

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Hostie, Hôte, Hospice, Hôpital, Hospitalité, Hostellerie, Hôtellerie, Hôtel, ...voire même otage et ennemi... autant de mots issus de la même racine

 "Je suis l’hôte de mon hôte"

Premier aspect d'une ambiguïté soulignée par de nombreuses études, le statut de l'hôte.

En Français, le même mot désigne à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu, l'accueillant et l'accueilli.

Pourquoi cette ambiguïté ? La réponse est donnée par l'analyse étymologique du mot.

Pour ceux d’entre-vous qui ont étudié le Latin, vous aurez compris que le mot « hôte» vient d'hospitem, accusatif de hospes.

Mais hospes a une étrange parenté étymologique avec hostis, l'étranger, l'ennemi.

L'hôte serait-il donc un ennemi?

Ces traits d'ordre étymologique  s'expliquent par le contexte politique et juridique du monde antique grec et romain qui a forgé le concept d'hôte.

À l'origine des deux mot, hospes et hostis, on trouve le verbe hostire, « traiter d'égal à égal », «compenser», «payer de retour».

Le verbe a donné hostimentum, « compensation », hostia, la victime, dans le sens de « victime destinée à compenser la colère de dieux », et hostis, « l'ennemi ».

Hostia désigne la victime offerte en expiation aux dieux -l'hostie, que les catholiques pratiquants prennent au moment de la communion, est l'offrande du corps de Jésus Christ qu’il a offert aux hommes en rémission de leurs pêchés.

En français, hostis a donné « hostile ».

L'hôte et l'ennemi ont donc pour origine une commune et importante notion, celle de compensation, de traitement d'égal à égal, acte qui vise à aplanir le statut, a priori hostile, de l'hôte accueilli.

Comment est-on passé de l' hostis à l' hospes? Pourquoi cet amalgame, cette confusion au sujet du terme « hôte» ? Pourquoi l'idée de compensation ?

Pour tenter de répondre, c'est vers une réflexion concernant le statut politique de l'individu dans le mode antique qu'il convient de s'orienter.

Pour comprendre le concept d' «hôte », il est bon de préciser celui d’«étranger ».

En Grec, le même mot, xenos, signifie « hôte » et « étranger ». Le statut de l'étranger dans la cité grecque antique est très complexe. En fait, il faut parlerdes étrangers.

En Grèce, on est étranger de deux manières : étranger à la ville (étranger politique), ou étranger au monde hellénique (étranger culturel).

Le métèque, « étranger-résident», entre dans la première catégorie car Metoikos signifie" celui qui a changé de résidence ».

Cette situation du premier type d'étranger, l'étranger politique, est loin d'être celle du barbaros, du barbare, étranger culturel, totalement étranger au monde hellénique. Lui est bien plus qu'un étranger, c'est un ennemi naturel du Grec. Comme le souligne Hérodote, tout le sépare de l'Hellène: la langue, le coutume, les mœurs. Lorsque Homère forge l'adjectif « barbarophone », c'est pour désigner ceux qui parlent « bla-bla-bla », qui sont extérieurs à une communauté culturelle et donc linguistique, par opposition à l'hellénophone.

Être étranger, c'est répondre à quatre critères : être inconnu, venir du dehors, être de passage, être non conforme aux mœurs des lieux, « étrange » (car xenos veut dire à la fois « de l’extérieur » et « insolite »).

Dan l'Italie primitive, hostis désigne tout membre d'une nation étrangère, non seulement un étranger, mais un ennemi. Puis le sens se précise: un étranger de droit égal, un citoyen appartenant à un État souverain sur un pied d'égalité avec le peuple romain. Ce n’est pas un perigrinus (pèlerin), qui, lui, est un étranger de voisinage, de la proximité de Rome, qui vient de la campagne, ou d’une région éloignée.

Poursuivons les raisons étymologiques qui tendent à expliquer l'ambiguïté du mot « hôte ». Dans hospitem, qui a donné « hôte », on trouve la racine indo-européenne pet ou pot, correspondant à l'idée de « maître» et de « soi-même », d'une ipséité. Ipsissimus c'est le maître lui-même, dans son identification à l'autorité. Despotês est le maître de maison, puis le signe de puissance. Le terme résulte de dem-potês, vieux mot indo-européen, formé de l'élément dem, « maison » (en latin, domus) et de poti, « chef d'un groupe », « celui qui assure l'autorité» (en latin potis, « puissant »).

Hospes aurait donc la valeur de « maître de l’hôte », de « celui qui exerce un certain pouvoir sur son hôte ». A ce titre, il est particulièrement important de noter que le mot otage est dérivé du mot hôte. Au Moyen Âge, l'ostage désigne le logement, la demeure, ostoier veut dire « loger ». Au XVIème sièc1e, l'ostel est la demeure (qui donnera le mot « hostellerie »,  « hôtellerie », « hôtel ».

Puis, par l'intermédiaire d'expression comme prendre en ostage, qui signifie à l'origine « abriter, «loger contre une caution», l'ostage a désigné l'hôte que l'on garde, la personne retenue en garantie de l'exécution d'une promesse. L'hôte est donc toujours un otage potentiel.

Le concept d' «hôte» implique donc deux étrangers, étranger politique, étranger culturel, face à face et placés sous le même toit.

Certes, tous deux sont hospes, mais l'un de deux est l'hôte extraneus, l'hôte qui vient du dehors, de l'extérieur, un hospitus, un être de passage, il n'est ni de la famille, du pays, c'est l'étrange étranger, l’hostis… qui peut être hostile.

 

L’autre, celui qui reçoit, est l'hôte maître, qui peut user, voire abuser de sa qualité de despote et mettre en otage.

En recevant l’hostis, l'hospes le met cependant au même niveau que lui : l'hospitalité dans son sens premier n'est que geste de compensation. L'origine commune des deux mots forgés sur hostire prend donc toute sa signification.

La philosophe Marie José MONDZAIN

 
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commentaires

Q
Ce texte sur l'hospitalité est mot pour mot une conférence donnée par la philosophe Marie José MONDZAIN<br /> Il aurait été honnête de citer ses sources
Répondre
M
Grâce à vous l'article est sourcé. Merci.