Dieu, cet être unique dans l'univers, peut seul dire: « Je suis » et s'arrêter là. Chaque fois que moi, je dis «je suis », je dois ajouter « Je suis à cause de... » : à cause de mes parents, à cause de mon milieu, à cause de mon hérédité ; et chacun d'entre vous doit ce qu'il est à cause que quelque chose. Mais Dieu, la vie, l'instant suprême. Dieu, la puissance qui tient l'univers entier dans la paume de sa main, est le seul être qui peut dire « Je suis », un point c'est tout.
Et ne jamais y revenir. Ne soyez pas assez fous pour l'oublier ! Vous savez, beaucoup de gens oublient Dieu. Ils ne le font pas systématiquement, comme certains l'ont fait à travers leurs théories, ou à travers cette théologie de la mort de Dieu, mais ils se laissent prendre simplement par d'autres choses. Tant de gens se laissent prendre par leurs comptes en banque ou leurs voitures coûteuses qu'inconsciemment ils en oublient Dieu. Tant de gens en viennent à être si éblouis par les lumières de la ville allumées par la main de l'homme qu'ils en oublient la grande lumière cosmique qui se lève chaque matin à l'est et, telle une princesse se promenant dans son palais, s'avance majestueusement dans le bleu du ciel en y peignant tout en technicolor. Voilà une lumière que l'homme n'aurait jamais pu faire ! D'autres personnes sont tellement occupées à contempler les gratte-ciels des grandes villes qu'ils en oublient de penser aux montagnes qui embrassent le ciel comme pour baigner leurs sommets dans le bleu altier. Cela non plus, l'homme n'a jamais pu le faire !
D'autres encore - et ils sont nombreux ! - s'intéressent tellement à la télévision et aux radars, qu'ils en oublient de penser aux magnifiques étoiles qui ornent les cieux, telles des lanternes suspendues là pour l'éternité, telles des broches d'argent piquées dans l'admirable coussin bleu du ciel. Encore quelque chose que l'homme n'aurait jamais pu créer.
Tant de gens, en définitive, en sont arrivés à s'imaginer que par leurs propres efforts ils vont pouvoir faire advenir un monde nouveau, oubliant que la terre appartient au Seigneur, et toute sa plénitude. Alors ils finissent par aller et venir indéfiniment sans Dieu.
Mais ce matin je vous le dis, mes amis : il est impossible d'en finir avec lui. Tout notre savoir moderne n'ôtera pas un iota à l'être de Dieu ; et de même, le microcosme atomique ou l'immensité des espaces interstellaires, de l'espace intersidéral, ne pourront jamais le rendre insignifiant. L'homme moderne a beau vivre dans un univers dont on calcule les distances en années-lumière, dont les étoiles sont à des milliards de kilomètres de la terre, et que les planètes sillonnent à des vitesses incroyables, il ne peut que s'écrier avec le Psalmiste : « Quand je vois les cieux, œuvre de tes mains, et tout ce que tu as créé, qu'est-ce donc que l'homme pour que tu penses à lui et le fils de l'homme pour que tu te souviennes de lui ? »
Dieu est toujours là. Un de ces Jours, vous allez avoir besoin de lui. Les problèmes de la vie vont se mettre à vous submerger, et les déceptions à déferler comme un raz de marée à votre porte; si vous n'avez pas une foi profonde et patiente, vous n'arriverez pas à vous en sortir.
Prédication sur Luc 12, 13-21 de Martin Luther King à l'Eglise baptiste de Mont Pisgah, Chicago, le 27 août 1967 *
In : Bulletin du Centre protestant d’Etudes, sept. 1988
Traduction de Janine Philibert