On dit que le Fils de l'homme fut plongé trois jours dans les froides eaux du tombeau : second « baptême » où il puisa la force de nous sortir du cloaque de nos obscurités pour nous tirer de l'ombre grise de nos vies bouleversées vers la douce lumière d'un jour toujours à naître.
Car Pâques n'est pas l'un de ces anniversaires contraints dont il nous faudrait chaque année actualiser le souvenir. On ne se « souvient » pas de Pâques qui est tout sauf une cérémonie à la mémoire d'un « cher disparu » ! Ou alors il s'agit de se souvenir rien moins que de l'avenir, de faire mémoire du futur.
La Résurrection ne date pas d'hier, mais de demain !
Ressusciter, c'est, à chaque seconde qui nous est donnée, choisir la vie plutôt que la mort. « Rien n'est vrai que d'aimer » disait Marie Noël. Voilà la vérité de braise à laquelle le grand feu pascal nous convie. Oui, ressusciter, c'est décider d'aimer; surtout de se laisser aimer. Oh, non pas se laisser doucereusement porter par les flots de notre affectivité, mais oser sortir du confort douillet de notre petite barque pour marcher sur les eaux tempétueuses à la rencontre de Celui-là seul qui pourra nous empêcher de sombrer... « Seigneur, sauve-moi ! »
On dit que la Résurrection est un mystère : oui, le plus grand et le plus beau qui soit. Mais c'est aussi une décision : « Non pas ma volonté mais ta volonté, Seigneur. »
À chaque souffle, à chaque pas, il nous faut choisir de rouler la pierre, de creuser, coûte que coûte, une brèche dans le mur de nos lamentations, afin que l'Autre vienne en nous habiter, littéralement nous « convertir », c'est-à-dire, d'un seul et même mouvement, nous tourner vers Lui et vers les urgences de ce monde. Ressusciter, c'est toujours commencer par ressusciter l'autre, par crier à l'autre « Viens dehors, sors de ce tombeau ! » Et, à la seconde où l'autre, notre frère, notre sueur, commence à franchir le porche de sa nuit obscure, nous découvrons, stupéfaits, qu'une force invincible nous entraîne avec lui vers la lumière ! Ressusciter est un verbe qui se conjugue au pluriel : « Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. »
Ressusciter, c'est laisser l'amour élire domicile en nous, oser lui laisser prendre place en nous, toute la place, accepter que l'amour blesse et brise les murs étroits de notre coeur, parfois douloureusement. Ressusciter, c'est laisser, comme un enfant dans le ventre maternel, l'Éternel élargir en nous l'espace de sa tente. À chaque souffle, ce choix entre le jour et la nuit, entre les ténèbres et l'aube du premier matin: vais-je oser aimer ? Vais-je oser me livrer à l'amour afin que du bois mort de mes croix il fasse surgir le fruitier de la Résurrection.
« Dieu ne divinise que ce que l'homme humanise » disait le jésuite François Varillon.
Betrand Révillion
Panorama avril 2010