[...] Aussi, pour nombre de catholiques, le Vatican, faute d'écouter les leçons du monde, est en train de devenir le Royaume de Danemark d'Hamlet. Par conséquent, si le futur pape était le dernier, après tout, Rome ne l'aurait pas volé.
Pourtant, si je laisse parler à la fois mon cœur et ma raison, je ne souhaite pas une telle faillite. Nous catholiques, avons fini par nous habituer à avoir un pape.
Je dis "fini" car la papauté n'est pas dans nos gênes. Il n'y a pas de pape dans les évangiles. Et il a fallu pas mal sur-interpréter cette histoire de clés confiées à Pierre par Jésus pour justifier la tiare papale et autres gadgets...
En fait, la papauté doit plus son existence à l'opportunité qu'a vu l'évêque qui était à Rome, siège de l'Empire, de pouvoir lui succéder, aux IVe et Ve siècles, qu'à la volonté expresse de Jésus, qui n'a jamais eu le moindre mot pour encourager la formation d'un clergé, qui a recommandé de ne jamais appeler personne "Père", et qui a même été conduit à la mort par les Grands Prêtres du Temple.
L'existence de la papauté est donc -la chose vaut d'être soulignée- une énorme concession faite aux mœurs du "monde". Et là est l'un des paradoxes actuels, à savoir que la papauté s'insurge contre les mœurs du monde... alors qu'elle est en est une émanation flagrante.
Pourtant, nous avons fini par nous y habituer... La papauté fait partie des meubles du logis catholique... Mais plutôt que de chercher ses fondements dans la tradition, je préfère les trouver dans nos aspirations actuelles, que nous soyons d'ailleurs catholiques ou non.
Car la papauté est une chance pour tous, pour le présent et pour l'avenir. Le sociologue Olivier Bobineau rappelle que:
"Pour diriger l'Église catholique, soit il faut être gestionnaire, soit il faut être charismatique".
Les deux exigences sont aujourd'hui requises, sous peine de mort. Mais autant la gestion peut être le fait de collèges composés de personnes compétentes et prises dans le milieu du monde, institution vers laquelle il conviendrait de tendre, parce que l'évidence y pousse, autant le charisme ne se partage pas.
L'individu pape doit offrir à tous la silhouette d'un homme de Dieu. Vivant de sa foi, transfiguré par elle, empreint de compassion, soucieux de la paix du monde et de la dignité des petits, attentif aux souffrances, celles des personnes autant que celles des collectivités.
La voix du pape compte, elle a du poids. Sa parole doit être une doxa, une rectitude, un repère, un étayage. Comme une source vive, elle doit déborder de foi, d'espérance et de charité.
C'est pour dire tout cela que nous avons besoin d'un pape. Il doit être une boussole, un fidèle entre les fidèles du Christ, une icône de la foi. Et aussi un homme heureux, car si la foi ne rend pas heureux, c'est une pathologie. Il est urgent que, sous l'effet du charisme de son occupant, le Vatican redevienne heureux, puis vertueux (les deux sont en continuité), sinon, c'en est fini de notre espérance.
Aussi, si la prédiction de Malachie supporte quelque interprétation, je prête l'oreille et je l'écoute.
Si elle sonne le glas d'une papauté "mondaine", autoritaire, vivant à côté de son humanité plutôt qu'en son milieu, et si elle annonce cette autre papauté, évangélique, résolument prophétique, débarrassée du souci de la gestion de l'Église par des collèges compétents, si elle dessine la silhouette d'un pape-nouveau, qui dise et redise l'amour de Dieu pour les hommes, fussent-ils des fripouilles, un pape dévoré de zèle pour cet amour, alors, oui, qu'il sorte des brumes au plus vite. Il sera le bienvenu.
Anne Soupa
http://www.huffingtonpost.fr/anne-soupa/prophetie-dernier-pape_b_2757568.html
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