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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 22:27

Recherche sur l'embryon : deux points de vue

 

 

 

La recherche scientifique

sur les embryons est légitime

Jamais l'Eglise catholique n'a caché qu'elle entendait " peser sur les débats " relatifs à la révision de la loi de bioéthique de 2004, en ce qui concerne les recherches sur l'embryon plus particulièrement. La tribune de l'archevêque de Rennes, Pierre d'Ornellas (Le Monde du 7 avril) et celle de Jérôme Beau directeur du Collège des Bernardins (avec Brice de Malherbe), parue le 8 avril sur Lemonde.fr, sont des expressions de cet engagement.

Avec la diffusion de l'imagerie médicale et de films montrant le développement de l'enfant conçu depuis l'embryon jusqu'à la naissance, une certaine sensibilité au sort des entités anténatales s'est répandue, même parmi les défenseurs les plus radicaux du droit d'avorter. La connaissance de faits concernant la continuité biologique entre l'embryon et l'enfant né a renforcé, chez certains, la conviction qu'il fallait traiter les deux avec le même respect. La notion de " personne potentielle " a été mise en avant pour justifier l'idée que le droit d'avorter n'impliquait pas que l'embryon puisse être traité comme un objet qu'on peut utiliser à sa guise.

Pourtant, aucun de ces changements importants des connaissances, de la sensibilité et même de l'ontologie (avec l'apparition des " personnes potentielles ") n'a réussi à donner un statut moral clair à l'embryon. Les attributions de personnalité aux entités prénatales, comme on peut les appeler, ont des conséquences que personne n'est prêt à accepter. Ainsi, l'idée qu'un embryon pourrait subir le même genre de préjudice qu'un enfant déjà né aurait l'implication peu attrayante que la destruction intentionnelle d'une éprouvette contenant un embryon devrait être considérée comme un meurtre ou, pire encore, comme un meurtre commis sur un mineur. Qui serait prêt à endosser ce genre de conclusion ?

En réalité, le passage de la connaissance des faits scientifiques aux décisions morales a toujours posé un problème logique. A partir des mêmes faits concernant l'embryon, on peut lui accorder des statuts juridiques et moraux complètement différents (de la non-personne à la personne, en passant par la " personne potentielle ").

Quant à l'argument de la dignité humaine, il est ambigu. Il permet de justifier des positions morales opposées. Au nom de la dignité de la personne humaine, on peut justifier à la fois l'interdiction absolue de l'euthanasie (nous n'avons pas le droit de " disposer de notre humanité ", toutes les vies sont " dignes d'être vécues ", etc.) et sa liberté complète (nous avons le " droit de mourir dans la dignité ").

L'ambiguïté de l'argument

On peut soutenir à la fois la criminalisation de tout commerce du corps et la liberté de faire ce qu'on veut de son propre corps, y compris contre de l'argent. Dans le débat public sur la gestation pour autrui, l'ambiguïté de l'argument de la dignité humaine est flagrante. Est-il plus conforme à la dignité de la personne humaine de laisser aux femmes la liberté de se servir de leurs capacités procréatives comme elles l'entendent ou de leur interdire de le faire par la loi ? L'argument de la dignité humaine ne le dit pas.

De la même façon, l'argument de la dignité humaine peut, certes, servir à justifier l'interdit sur la recherche et l'utilisation de l'embryon. Mais on peut aussi, à partir de ce même argument, justifier la liberté de la recherche scientifique qui est l'honneur de l'esprit humain, surtout lorsque son but principal est de diminuer la quantité de souffrances dues aux maladies. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi même les représentants des grandes religions font appel aux deux arguments de l'état des connaissances scientifiques et de la dignité humaine. Ce sont des arguments neutres, qui ne sont pas spécialement religieux. Mais ils ne suffisent certainement pas à fonder une position claire et incontestable dans le débat bioéthique.

Ruwen Ogien

Philosophe et directeur

de recherche au CNRS

 

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12 mai 2011 4 12 /05 /mai /2011 22:09
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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 22:11

  verite_danger.png

 

 Ils aiment ses lumières,

mais ils ne peuvent souffrir ses censures.

Elle leur plaît quand elle se découvre,

parce qu'elle est belle ;

elle commence à les choquer

quand elle les découvre eux-mêmes,

parce qu'elle leur montre qu'ils sont difformes.

 

Saint Augustin, Confessions, X,23 Traduction de Bossuet

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