EDITO
Pouvions-nous faire l'impasse sur la réouverture du chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris ? Difficile de ne pas évoquer ce chantier...
Certes, il aurait été appréciable de proposer dans nos pages un entretien avec l'un des architectes concernés ou un représentant du ministère, mais ces personnalités auront tout le loisir de s'exprimer
publiquement dans les prochaines semaines !
Notre réflexion s'est imposée d’elle-même : autant donner la parole à nos Compagnons et aux Itinérants de l'Union qui ont eu l'occasion d’intervenir sur le chantier, quel que soit le métier.
Cette petite sélection de témoignages ainsi recueillis a permis de retracer l’aventure humaine et professionnelle, et l’expérience unique d'une telle réalisation pour les plus jeunes.
L’éclairage de François Icher apporte par ailleurs une nouvelle fois les outils nécessaires pour comprendre les enjeux, les appropriations de langage et les effets de communication des uns et des autres.
Enfin, comme nous sommes Compagnons et que nous aimons le dessin, Jean-Pierre Bourcier (le frère d’un autre Bourcier bien connu chez les Compagnons) nous a fait le plaisir de partager son étude sur les
voûtes d'ogive de Notre-Dame.
En 2004, nouvellement reçu Compagnon à Paris, j’avais eu l'occasion, avec Savoyard et Provençal, de faire des sculptures sur la tour nord de la cathédrale.
Il est vrai qu’on était fiers comme des paons de travailler là-haut et de sortir plein de poussière au milieu des touristes à la pause du midi.
On bossait tard, parfois simplement éclairé d'un spot, et la cathédrale nous appartenait ! Je me souviens aussi de la venue du Compagnon cuisinier David Réal, alors chef au Lutétia, qui nous a apporté l’apéro et des macarons à la rose et à la violette pour les partager en fin de journée sur les toits.
Un petit moment de grâce...
Et puis 20 ans après, l'incendie... et une grande émotion à voir la flèche
s’effondrer.
Cette même flèche levée par les Compagnons charpentiers du Devoir de Liberté et que nous aimions arpenter dès que l’occasion se présentait.
Puis est venu le temps de l’emballement politique, des querelles entre anciens et modernes, des complotistes, des experts...
Loin de ce tumulte demeurait l'engagement des professionnels (ouvriers, archéologues, scientifiques, architectes...) au chevet de la vieille dame de pierre, jour et nuit.
Pour ma part, ce fut la restauration des chimères (dont le fameux alchimiste) avec une équipe de restauratrices de l’Atelier Chevalier.
Et même si j'étais plus souvent en réunion de chantier avec la maîtrise d'œuvre et les autres entreprises, le plaisir de parcourir les échafaudages de la nef et de découvrir les entrailles de la cathédrale reste un sentiment incommensurable !
J'ai ici une pensée pour mon ami Marc Viré, archéologue, avec qui je prenais le temps de découvrir les fouilles du jubé dans le chœur, et qui s’énervait de voir la manière dont le chantier était traité par les politiques alors que c’était une occasion unique de faire progresser les connaissances des bâtisseurs
d’hier et d’aujourd’hui.
J'ai aussi une pensée particulière pour Santiago et Delphine, les amoureux des marques et graffitis de la cathédrale qui préparent un ouvrage exceptionnel sur ce sujet.
J'ai encore une pensée pour Bernard Brangé, Gaël Hamon et tant d’autres avec lesquels nous avons devisé sans fin sur cette cathédrale.
Finalement, le temps des cathédrales ne sera jamais terminé ! Et si les flèches gothiques ne s'élèvent plus dans le ciel par centaines, elles continuent encore de relier les hommes et les femmes de métier.
Frédéric Thibault,
Provençal la Quête du Savoir
L’épupe de la croisée d’ogives
Le 15 avril 2019, il est environ six heures du soir lorsque les médias diffusent en boucle l’information suivante : « De la fumée s’échappe du toit de Notre-Dame ! ».
Le lendemain matin, les émanations dans l’atmosphère laissent la place à un manteau de cendre, et la question de la reconstruction se pose : faudra-t-il tout rebâtir et restaurer à l'identique ?
Cette catastrophe ne justifierait-elle pas un « geste architectural contemporain ? » pour reprendre la
formulation du Président de la République…
En juillet 2020, après une longue concertation, ce dernier annonce que Notre-Dame sera reconstruite à l’identique, conformément à la charte de Venise qui stipule qu’un bâtiment protégé doit être restauré selon le dernier état connu .
Les architectes chargés d'établir le cahier des charges du projet de construction sont confrontés à une multitude de problèmes à résoudre, dont celui de la définition de la croisée d’ogives qui s’est effondrée.
Si les charpentes de Notre-Dame ont fait l'objet d’une documentation non négligeable qui nous est parvenue grâce à la mise en place de la flèche par Viollet-le-Duc au XIXème siècle, il n’en est pas de
même pour les voûtes.
Notre recherche effectuée dans les différents traités de stéréotomie et d’architecture du XVIIIème
et du XIXème siècle met en évidence que Viollet-le-Duc a reproduit dans son Dictionnaire d'architecture (1854) le tracé d’une voûte d’ogive le plus abouti possible si l’on prend en compte les connaissances
de l’époque.
Le célèbre architecte sera également pratiquement le seul à aborder le problème du couvrement, ne se limitant pas à définir uniquement le tracé des arcs.
Afin d'étayer ce constat, nous vous proposons de balayer les traités de stéréotomie qui font référence avant d’analyser la croisée d’ogives imaginée par Viollet-le-Duc.
Les principaux traités de stéréotomie et d’architecture français :
Villard de Honnecourt (= 1200 - = 1250) :
Bien que le mémoire de Villard de Honnecourt ne constitue ni un traité de stéréotomie ni un traité d'architecture à proprement parler, il demeure l’un des plus anciens documents reproduisant des tracés permettant de construire une voûte, notamment le traçage de trois arcs de montée différente avec un arc au rayon unique.
Si la méthode de construction de la voûte d’arête résultant de l’intersection de deux voûtes cylindriques était connue à l’époque romaine, celle-ci n'était pas parvenue jusqu'aux bâtisseurs du Moyen Âge.
Aussi, afin de pallier ce manque, ces derniers ont pris le problème à l’envers.
Ils sont partis d’une intersection connue (arcs diagonaux en demi-cercle) pour les raccorder avec des sections connues (arcs de cercle) de même rayon afin d'uniformiser les différents éléments constituant les arcs.
Philibert Delorme (1514 - 1570) :
Cetarchitecte de la Renaissance, connu notamment pour les trompes qu'il a réalisées à Lyon et la construction du château d'Anet, traite de la voûte gothique dans son ouvrage, Le premier tome de l'architecture (1567), dans les chapitres 8,9 et 10 du livre 4. La voûte gothique y est nommée « voûte moderne », et deux épures y sont explicitées de façon succincte.
La plus représentative est celle du chapitre 8 dans lequel la voûte est représentée en plan accompagnée de deux constructions à la perche permettant de tracer les différents arcs.
Au chapitre 10, une perspective intitulée « voûte d’ogive à clés pendante » est commentée.
François Derand (1591 - 1644) :
Ce prêtre jésuite est un architecte français...
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