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4 août 2021 3 04 /08 /août /2021 19:30

« David exhorte ses ennemis à ne pas mettre leur confiance dans les biens de ce monde… »

« Pour la fin, dans les cantiques, psaume de David. Lorsque je l’invoquais, il m’a exaucé, le Dieu de ma justice ; dans la tribulation, vous m’avez mis au large. Ayez pitié de moi, et exaucez ma prière. »(v.1-2)

 

- Lorsque je l’invoquais, il m’a exaucé. David fait l’expérience de la bienveillance de Dieu ; elle ne s’obtient qu’à la condition d’admettre de dépendre de Dieu, c’est la condition d’une créature à son Créateur. Une dépendance qui s’étend dans tous les actes de la vie, y compris dans l’usage du libre-arbitre, puisque qu’au sein de ce droit naturel se propose par grâce la liberté de Dieu. L’homme dépendant entièrement de Dieu, c’est une des vérités majeures de sa condition. Dieu exauce ceux qui se reconnaissent pauvres, l’exercice intérieur de la pauvreté commence par identifier et admettre cette dépendance d’amour.

 

- Dieu de ma justice, Dieu est justice, car en Lui, il ne se trouve aucune cause diminuante. Il est le Parfait, le Saint Unique. La justice en Dieu est la justice haute, celle qui réclame réparation, car fauter délibérément contre Dieu, c’est poser une transgression qui ne se répare que par l’immolation de l’Innocent. La justice divine est l’équilibre, l’harmonie absolue par l’amour et la vérité. Dieu est Immuable. Tout homme, même le plus enfoncé dans la nuit du mal, a une connaissance intuitive d’une justice au-delà du temps et de l’espace, elle participe à sa dignité qui le dépasse et est indépassable puisqu’il est image et présence de Dieu. C’est ce qu’exprime David par : Dieu de ma justice. C’est une compréhension de son Créateur qui procède de sa foi, car il est dans l’abandon par la confiance qu’il met en son Dieu ; il en ressent toute la bienveillance dans les difficultés qu’il traverse. Il sait, car l’expérimente au pratique qu’à chaque fois qu’il correspond à la volonté de YAHWEH, Il le secourt. David a en lui ce quelque chose de l’esprit d’enfance.

 

- Vous m’avez mis au large, être mis au large par Dieu, c’est être mis à l’écart des puissances du monde et du Malin. C’est une élection par la grâce, qui se développe par la solitude qui consume, car c’est le chemin de la purification, et par où passe la pédagogie surnaturelle. Dieu le met à son service. Il triomphe de ses ennemis, car c’est Dieu en lui qui triomphe.

David trace le chemin du pénitent, celui qui se reconnaît pécheur avant le lever du soleil et à son coucher. Il est le lieutenant de Dieu, son bras de justice au cœur de la création, il se met debout pour servir sans faiblesse face à son devoir, que lui importe de passer pour un orgueilleux, si dans le secret de la Présence divine, il est le pénitent.

 

- Ayez pitié de moi, et exaucez ma prière. Toute prière est ou devrait être un acte d’humilité par le cœur ; il ne s’agit plus de raisonnement, mais d’un esprit d’abandon en acte. L’appel à la pitié divine effondre l’amour d’un Dieu Père et surabondant en miséricorde. L’objet des exercices spirituels et surtout la prière, c’est de n’être plus qu’un cri à la pitié de Dieu. Chez la très Sainte vierge Marie, le Magnificat en elle est le fruit, un bouquet d’agréable odeur. Ce cri de pitié est la marche qui mène à l’union au Christ.

 

« Fils des hommes, jusqu’à quand aurez-vous le cœur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ? » (v.3)

- Les fils d’hommes sont les fils de la terre par opposition aux fils du Ciel qui eux, rayonnent de la Présence divine parmi le monde. Les fils d’hommes sont les fils du monde, les morts qui enterrent les morts, ils adoptent le bouc pour père. Ils ne regardent pas vers le ciel. Ils n’espèrent pas au-delà des besoins de leurs concupiscences. Ne croyons pas que cette attitude ne soit pas dans les sanctuaires, dans la hiérarchie sacramentelle ; l’ivraie est dans le bon champ de blé. Là où va ton cœur, là est ton âme. Les fils de ce monde s’éloignent de Dieu au point qu’ils perdent l’intelligence du Bien commun : Des aveugles dirigeant d’autres aveugles. Ils sont des pharaons au cœur, si endurcis que Dieu les y laisse pour les rattraper quand ils éclateront face à sa colère. Leur cœur est endurci parce que tout est bon et justifié dès l’instant où il s’agit de garder ce qui est acquis ; que peut bien importer le prochain, il lui concède des miettes. La liberté de Dieu et la volonté d’aimer dépendent de notre détachement envers toutes les formes de biens y compris les biens spirituels, intellectuels et affectifs.

 

Le chrétien pauvre ou riche puise la prudence de sa relation aux biens dans la victoire de la Croix ; Il se désapproprie de tout jusqu’à lui-même, car ce n’est pas ce que l’on est qui importe, mais ce que l’on fait : Les œuvres de la foi. C’est l’école de Marie, la spiritualité montfortaine[1].

 

- Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ? David est loyal, il ne sait pas mentir, s’il parle du mensonge c’est que c’est un péché grave. C’est un tueur silen-cieux, redoutable, impitoyable, à gage. Il isole et tue le menteur. C’est un destructeur, et le chemin le plus insidieux par lequel le démon s’engouffre dans le sujet. Il peut mener à la folie, car le menteur peut atteindre un degré qui le met dans un refus pathologique de la vérité.

 

« Sachez donc que le Seigneur a glorifié son saint : le Seigneur m’exaucera lorsque je crierai vers lui. » (v.4)

 

- Sachez donc que le Seigneur a glorifié son saint, cette parole lui vient de l’Esprit Saint, car si David n’ignore pas qu’il est le oint de Dieu, il n’ignore pas non plus que lui n’est pas le saint, n’est pas saint. David a été glorifié par Dieu par les victoires qu’Il lui a accordées, mais c’est en vue du Messie, ne dira-t-il pas : Le Seigneur a régné par le bois. David s’adresse à ses ennemis physiques, réels. Il annonce la victoire du Messie sur les légions d’anges déchus, les anges-démons.

 

- le Seigneur m’exaucera lorsque je crierai vers lui. C’est le cri de Jésus qui triomphe de ses ennemis, du monde et de ses princes sur la croix : Mon Père pourquoi m’as-tu abandonné ? Jésus meurt, c’est l’échec humain absolu, et c’est là que la fécondité de son sacrifice explose, c’est si vrai, qu’Il descend aux enfers montrer son triomphe à Lucifer. Il est juste d’enseigner que le triomphe de Jésus descend avec Lui au tombeau. Et ce cri est la clef de sa Résurrection et la nôtre puisque pour nous, Il a voulu connaître la déréliction.

 

« Irritez-vous et ne péchez pas ; et ce que vous dites en vos cœurs, repassez-le sur vos lits avec componction. » (v.5)

- Irritez-vous et ne péchez pas ; s’irriter, n’est pas tant d’éprouver de la colère que de se tendre pour résister à la tentation. David fait appel à la volonté de ne pas pécher, qui consiste à éviter les occasions de faute tout en s’en remettant à Dieu, à sa Miséricorde, tandis que le volontarisme, c’est ne compter que sur soi pour vaincre ses faiblesses, et de cela, Dieu ne le veut pas, parce que la porte du jugement de soi-même s’entre-ouvre, et nul ne peut se juger, ni juger l’autre si ce n’est que Dieu seul. Au prétexte de s’analyser, en fait, je me juge, qui suis-je pour me juger ? S’irriter de ce qu’on a offensé Dieu par faiblesse oui, mais à la condition qu’on s’en remette tout de suite à sa Miséricorde, car c’est l’orgueil, le péché contre l’esprit qui nous attend. La psychanalyse est l’antichambre de l’enfer.

 

- et ce que vous dites en vos cœurs, repassez-le sur vos lits avec componction, le lit exprime l’abandon en la confiance en Dieu, c’est le tombeau. David transmet sa sagesse : Nos péchés sont moins grands que la Miséricorde de Dieu. Que vos regrets soient sincères. David sait que la Justice de Dieu est miséricorde.

 

« Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Beaucoup disent : Qui nous montrera les biens qu’on nous promet ? » (v.6)

- Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Faire des sacrifices de justice, s’est poser des actes qui réparent nos fautes pardonnées. Dieu le Père, étant la source de toute justice, demande réparation en justice ; et c’est parce que l’humanité dans son ensemble n’y convient pas, qu’il y aura les châtiments. L’homme, étant libre de bien et pouvant s’en priver, doit répondre de son refus au bien. Certes, le Christ a réparer, mais comme Il n’a pu le faire qu’en s’incarnant dans l’homme, l’homme avec Lui doit lui aussi réparer par des sacrifices.

 

- Qui nous montrera les biens qu’on nous promet ? C’est une terrible question qui anticipe l’apôtre saint Thomas. Il nous faut toujours des signes pour croire, et pourtant beaucoup à cause de leur demande de signe se perdront pour n’y avoir pas correspondu. David en appelle à la foi qui est la sœur jumelle de l’Espérance, mais bienheureux celui qui croit sans avoir vu, car celui qui a vu et qui rejette sa raison de croire commet un péché contre l’esprit. David conditionne l’espérance en Dieu à la nécessité de poser des actes de justice, l’action de grâce est un acte de justice. Notre journée doit être un acte d’action de grâce pour qu’elle porte des fruits qui rayonnent sur la communauté des saints, l’Eglise militante.

 

« La lumière de votre visage a été marquée sur nous, Seigneur ; vous avez donné la joie à mon cœur. » (v.7)

 

- La lumière de votre visage a été marquée sur nous, Seigneur ; la circoncision du prépuce met à part le peuple élu, signe d’une élection.

 

Souvenons-nous de Moïse, sa rencontre avec YAHWEH dans la tente, il voile son visage tant il était chargé de la lumière divine, surnaturelle, ce qui nous donne un avant-goût de ce que sera notre transfiguration avant notre ascension, et ce que sera la gloire de notre corps ressuscité et glorifié.

 

- Vous avez donné la joie à mon cœur, David a fait l’expérience de l’intimité de Dieu, car il n’a rien concédé au mensonge, et s’est repenti quand il a péché. Il reconnaît la bienveillance de son Créateur sur lui dont il doit son élection comme roi sur Israël, mais aussi, selon la parole du prophète Nathan, par sa descendance. Il règne jusqu’à la fin des temps, la consom­mation de tout.

 

« Ils ont eu en abondance le fruit de leur froment, de leur vin et de leur huile. » (v.8)

 

- Ils ont eu en abondance le fruit de leur froment, de leur vin et de leur huile. Ce verset a deux lectures simultanées ; quelle que soit l’intention de l’acte, chacun reçoit sa mesure de justice et de miséricorde ; c’est ce qu’il faut comprendre par froment, vin et huile, ces trois éléments représentent l’intention et l’acte de l’homme, de chacun de nous à travers les siècles et singulièrement pour ceux qui portent comme le peuple élu une élection que est signifiée par le sacrement du baptême. La récolte de nos décisions est en relation avec notre cœur et notre volonté à rechercher et servir la vérité. Les fruits du froment, du vin et de l’huile ont la qualité de nos intentions qui précèdent l’acte, mais qui sont en elles-mêmes des actes.

 

« Dans la paix je m’endormirai et je reposerai tout à la fois, parce que vous, Seigneur, vous seul m’avez établi dans l’espérance. » (v.9-10)

 

- La confiance du roi David en son Dieu est totale, elle est celle d’un enfant qui s’endort en sûreté sur le sein de sa maman. Elle est celle de Saint Joseph qui s’endort dans les bras de Jésus à la veille de sa mission publique. Cette attitude intérieure est la seule qui vaille pour nous chrétiens, frères de Jésus, c’est une urgence de nos jours où nous sommes tentés de nous laisser gagner soit par une indifférence polie à ce qui se passe autour de nous, soit par une inquiétude jusqu’à la suppression du discernement, et c’est alors que le démon distille sa peur, nous détournant de l’espérance. Nous devons nous endormir chaque soir dans la certitude que nous sommes dans les mains du Bon Dieu, c’est par là que se nourrit notre espérance qui ne calcule pas, ne spécule pas sur l’avenir. Nous devons demander d’être de la Bienveil­lance de Dieu ; la Justice divine est notre alliée, car elle ne peut se départir de sa Miséricorde.

Pierre Aubrit

[1]- St Louis Grignon de Montfort parle de changement de peau, Marie est l’éducatrice de l’homme nouveau.

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3 août 2021 2 03 /08 /août /2021 19:30

 

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2 août 2021 1 02 /08 /août /2021 19:30

1 - Il faut savoir que l’homme est double, qu’il est fait d’âme et de corps, et que ses sens et leurs vertus sont également doubles. Il y a cinq sens de l’âme et cinq sens du corps. Les sens de l’âme, que les sages appellent aussi puissances ou facultés, sont l’intelligence, la réflexion, le jugement, l’imagination et la perception.

Les sens du corps sont la vue, l’odorat,  l’ouïe, le goût et le toucher. Mais si leurs vertus sont doubles, il s’ensuit assurément que leurs vices également sont doubles. Il est donc nécessaire que tout homme sache clairement quelles sont les vertus de l’âme, quelles sont les vertus du corps, et quelles sont, par ailleurs, les passions de l’âme et les passions du corps.

2 - Nous disons que les vertus de l’âme sont essentiellement ces quatre vertus générales: le courage, la prudence, la chasteté et la justice. C’est d’elles que naissent les vertus de l’âme,  la  foi,  l’espérance,  l’amour,  la  prière,  l’humilité,  la  douceur,  la  patience,  la résignation, la bonté, le calme, la connaissance divine, la ferveur, la simplicité, la sérénité, la sincérité, l’absence de présomption, d’orgueil, de jalousie, de ruse et d’avarice, la compassion, la miséricorde, la générosité, l’absence de peur et de tristesse, la componction,  la pudeur,  la piété,  la recherche des  biens  à venir, la tension  vers le Royaume de Dieu, le désir de l’adoption filiale.

3 - Les vertus du corps sont surtout les instruments des vertus, elles se pratiquent en connaissance de cause et selon Dieu, et hors de toute hypocrisie et de tout désir de plaire aux hommes; elles portent chacun à progresser dans l’humilité et l’impassibilité.

Ce sont : la tempérance, le jeûne, la faim, la soif, les veilles, rester debout toute la nuit, rester à genoux constamment, ne pas se laver, ne porter qu’un vêtement, manger des aliments secs, manger tard, ne boire que de l’eau, coucher à même la terre, la pauvreté, la dépossession, la misère, l’absence de toute parure et de tout amour propre, la solitude, le calme, ne jamais sortir, l’indigence,  n’avoir besoin de rien, le silence, travailler de ses propres mains, toute souffrance et toute ascèse du corps, et ces autres vertus qui toutes sont  des  plus  nécessaires et  des  plus  utiles  au corps  vigoureux  et  troublé  par  les passions de la chair. Mais lorsque le corps est malade et qu’avec le secours de Dieu il est au-delà de ces vertus, celles-ci ne sont plus tellement nécessaires : la sainte humilité et l’action de grâce les accomplissent toutes.

4 - Nous devons donc parler aussi des vices de l’âme et du corps, c’est -à-dire des passions. Les passions de l’âme sont l’oubli, la négligence et l’ignorance, ces trois vices par lesquels l’œil de l’âme – l’intelligence – aveuglé est soumis à toutes les passions, qui sont  l’impiété,  l’opinion  fausse,  c’est-à-dire  toute  hérésie, le  blasphème,  l’ardeur,  la colère, l’amertume, l’emportement, la haine des hommes, la rancune, la calomnie, la condamnation, la tristesse déraisonnable, la peur, la lâcheté, la dispute, la rivalité, la jalousie, la vanité, l’orgueil, l’hypocrisie, le mensonge, l’infidélité, l’avidité, l’amour de la matière, les penchants passionnés, la possession des choses de la terre, l’acédie, la bassesse d’âme, l’ingratitude, le murmure, l’aliénation, la présomption, l’arrogance, la vantardise, l’amour du pouvoir, le désir de plaire aux hommes, la ruse, l’impudence, l’insensibilité, la flatterie, la sournoiserie, la dissimulation, la duplicité, les consentements que la partie passionnée de l’âme donne aux péchés, la pratique continuelle de ces péchés, l’égarement des pensées, l’égoïsme – la mère des vices -, l’amour de l’argent – leur racine à tous -, la malignité et la méchanceté.

5  -  Les  passions  du  corps  sont  la  gourmandise,  la  gloutonnerie,  la  jouissance, l’ivrognerie, manger en cachette, l’amour des plaisirs de toutes sortes, la prostitution, bêtes, les convoitises mauvaises et toutes les passions infâmes contre notre nature; le vol, le sacrilège, le brigandage, le meurtre et toute licence  et jouissance des volontés de la  chair  pour  conforter  toujours  davantage  le  corps;  les  oracles,  les  sortilèges,  les présages, les augures, l’amour des parures, la frivolité, l’indolence, le maquillage, le massage des visages, l’oisiveté condamnable, les distractions, les jeux de hasard, le mauvais usage passionné des plaisirs du monde, la vie qui aime le corps, qui alourdi l’intelligence, qui la rend terrestre et bestiale et ne lui permet jamais de s’élever vers Dieu et la pratique des vertus.

Les  racines  de  toutes  ces  passions,  leurs  causes  premières,  pourrait-on  dire,  sont l’amour du plaisir, l’amour de la gloire et l’amour de l’argent, d’où naît tout mal. L’homme ne connait aucun péché si d’abord ces trois géants, comme les appelle Marc le très sage ascète, ne l’entourent et ne le dominent : à savoir l’oubli, la négligence et l’ignorance, qu’engendrent le plaisir, le confort, l’amour de la gloire des hommes et de la distraction. La cause première de tous ces vices et comme leur très mauvaise mère est, on l’a dit, l’égoïsme, c’est à dire l’amour irraisonné du corps et ses penchants passionnés. Les débordements et le relâchement de l’intelligence – la grossièreté et l’obscénité –, comme la liberté de langage et le rire, sont à l’origine de bien des vices et de biens des chutes.

6 - Outre tout cela, il faut savoir que l’amour passionné des plaisirs est divers et prend beaucoup de formes: les plaisirs qui trompent l’âme sont nombreux, quand celle-ci n’est pas fortifiée par la crainte divine et par l’amour du Christ, en étant sobre et vigilante devant Dieu et en s’appliquant à la pratique des vertus.

Car des myriades de plaisirs attirent à eux les yeux de l’âme: les plaisirs du corps, ceux de l’argent, ceux de la jouissance, ceux de la gloire, ceux de la nonchalance, ceux de la colère, ceux du pouvoir, ceux de l’avarice, ceux de l’avidité.

           Leur  apparence  est  trompeuse,  brillante  et  aimable,  capable  d’attirer  ceux-là mêmes qui les craignent mais qui ne sont pas fortement épris de la vertu et ne supportent pas sa rigueur. Toute relation terrestre et le penchant passionné pour quelque chose de matériel plongent dans le plaisir et les délices celui qui se passionne, et montrent en lui par cette passion qu’est vaine et nuisible la convoitise de l’âme dès lors qu’à cause de cela celui qui est vaincu est soumis à l’ardeur et à la colère, à la tristesse et au ressentiment,  à la privation  de  ce  qu’il  désire.

Mais  si  avec le penchant  passionné s’instaure une petite habitude, celle-ci prépare insensiblement et incurablement, hélas, celui qui s’est laissé prendre à être possédé jusqu’à la fin par les penchants déraisonnables, à travers le plaisir qu’ils cachent.

7 - Car le plaisir de la convoitise est multiple, comme on l’à dit; il ne s’accomplit  pas seulement dans la prostitution et dans les autres jouissances du corps, mais dans toutes les passions. La chasteté n’est pas seulement de s’abstenir  de la prostitution  et des plaisirs du bas-ventre, mais d’être en dehors de tous les autres plaisirs. Donc celui qui est possédé par l’amour de la richesse, l’amour de l’argent et la cupidité est un débauché.

           Car de même que celui-là est épris des corps, celui-ci est épris de la richesse. Il est même encore plus débauché, dans la mesure où la nature ne le pousse pas avec une force aussi grande. Le cavalier ignorant, pourrait-on dire non sans vérité ni justesse, n’est pas celui qui ne domine pas le cheval fougueux et difficile à maîtriser, mais celui qui est incapable de soumettre le cheval dressé et docile. Il est évident de tous côtés que le désir des richesses est vain et n’est pas conforme à la nature, dès lors qu’il ne tire pas sa force de la nature, mais d’une volonté pervertie.

C’est pourquoi celui qui se laisse vaincre par cette passion pèche impardonnablement. Il nous faut donc savoir clairement que ce n’est pas seulement dans les délices et la jouissance des corps que se définit l’amour du plaisir, mais dans ce qui, en tout mode et en toute chose, est aimé par une volonté et un penchant passionné de l’âme. Il nous faut le savoir, afin que les passions soient connues encore plus clairement dans les trois parties de l’âme et que nous puissions les exposer avec concision.

8 - L’âme se divise en trois: en raison, en ardeur et en désir. Les péchés de la raison sont l’infidélité, l’hérésie, la démence, le blasphème, l’ingratitude, les consentements aux péchés, qui viennent de la partie passionnée de l’âme. La guérison et le traitement de ces vices sont la foi inébranlable en Dieu et les dogmes de la piété, vrais, infaillibles et orthodoxes, l’étude continuelle des paroles de l’Esprit, la prière pure et sans relâche et l’action de grâce rendue à Dieu.

Les péchés de l’ardeur sont la dureté du cœur, la haine, l’insensibilité, la rancune, la jalousie, le meurtre et la pratique continuelle de pareils vices. Leur guérison et leur traitement sont l’amour des hommes, la charité, la douceur, l’amour fraternel, la compassion, la résignation et la bonté.

Les  péchés  du  désir  sont  la  gourmandise,  la  gloutonnerie,  l’ivrognerie,  la prostitution, l’adultère, l’impureté, l’impudeur, l’amour de l’argent, la convoitise de la vaine gloire, de l’or, de la richesse et des plaisirs de la chair. La guérison et le traitement des ces vices sont le jeûne, la tempérance, la vie dure, la dépossession, distribuer l’argent aux pauvres, la tension vers les biens immortels du siècle à venir, la recherche du Royaume de Dieu et le désir de l’adoption filiale.

9 - Il faut donc mettre aussi en nous toute la connaissance des pensées passionnées par lesquelles s’accomplit tout péché. Toutes les pensées qui embrassent le mal sont au nombre de huit : la pensée de la gourmandise, celle de la prostitution, celle de l’amour de l’argent, celle de la colère, celle de la tristesse, celle de l’acédie, celle de vaine gloire et celle de l’orgueil. Que ces huit pensées nous troublent ou ne nous troublent pas fait partie des choses qui ne dépendent pas de nous. Mais qu’elles demeurent ou ne demeurent pas en nous, qu’elles suscitent les passions ou ne les suscitent pas, fait partie de ce qui est en notre pouvoir.

Une chose est la suggestion, et autre chose l’accord.  Une chose est la lutte, et autre chose la passion et le consentement qui mène et assimile à l’acte. De même, une chose est l’accomplissement et autre chose la captivité. La suggestion est simplement ce que nous propose l’ennemi, par exemple : « Fais ceci, ou fais cela » comme ce qui a été demandé au Seigneur notre Dieu : « Dis à ces pierres de devenir des pains » (Mt. 4,3). Ceci, on l’a dit, ne dépend pas de nous.

L’accord est l’accueil de la pensée que l’ennemi nous a suggérée : par exemple, nous en occuper et nous entretenir avec lui dans le plaisir, malgré nous.

La passion est l’habitude de l’accord,  habitude qui nous vient de la suggestion mauvaise de l’ennemi et qui est comme une pratique et une imagination continuelles.

La lutte est la résistance  de la pensée pour enlever d’elle-même la passion, c’est- à-dire la pensée passionnée, ou pour y consentir, comme dit l’Apôtre : « La chair  désire contre l’esprit, et l’esprit contre la chair. Ils s’opposent l’un à l’autre » (Gal 5,17).

La captivité est le déracinement violent et involontaire du cœur tyrannisé par la présomption et la mauvaise habitude. Le consentement est l’assentiment  à la passion de consenti.

10 - Donc, celui qui a considéré avec impassibilité le premier vice, c’est à dire la suggestion, ou qui l’a repoussé d’emblée par la contestation et la violence, a retranché d’un coup tous les autres. Mais supprimer les huit passions doit se faire ainsi.

La gourmandise est supprimée par la tempérance.

La prostitution  est supprimée par le désir de Dieu et la tension vers les biens du siècle à venir.

L’amour de l’argent est supprimé par la compassion  envers les pauvres.

La colère est supprimée par l’amour pour tous et par la bonté.

La tristesse que donne le monde est supprimée par la joie spirituelle.

L’acédie est supprimée par la patience, la persévérance et l’action de grâce rendue à Dieu.

La vaine gloire est supprimée par l’exercice caché des vertus et par la prière continuelle dans la contrition  du cœur.

L’orgueil est supprimé en ne jugeant ou ne méprisant personne à la manière du Pharisien présomptueux, mais en se considérant soi- même comme le dernier de tous.

Ainsi donc l’intelligence, délivrée des passions que nous venons de dire et élevée vers Dieu, mène désormais une vie bienheureuse et reçoit le gage du Saint-Esprit. Après avoir quitté les choses d’ici dans l’impassibilité et la vraie connaissance, elle se porte vers la lumière de la Sainte Trinité, illuminée avec les anges divins dans les siècles infinis.

11 - L’âme est triple, on l’a déjà dit, et ses trois parties sont la raison, l’ardeur, et le désir. S’il y a dans l’ardeur charité et amour de l’homme, et s’il y a dans le désir pureté et chasteté, la raison est illuminée. Mais s’il y a dans l’ardeur haine de l’homme, et s’il y a dans le désir débauche, la raison est enténébrée.

Donc la raison est saine, sage et lumineuse lorsque les passions lui ont été soumises, qu’elle contemple dans l’Esprit les raisons des créatures de Dieu, et qu’elle s’élève vers la bienheureuse et sainte Trinité.

L’ardeur, de son côté, se déploie selon la nature lorsqu’elle aime tous les hommes, n’est affligée par aucun d’eux et n’a de ressentiment pour personne.

Quant au désir, il est selon la nature lorsque, par l’humilité, la tempérance et la dépossession, il met à mort les passions, c’est à dire le plaisir de la chair et la recherche de l’argent et de la gloire qui passe, et qu’il se tourne vers la ferveur de l’amour immortel de Dieu. En effet, le désir se porte dans trois directions: ou vers le plaisir de la chair, ou vers la vaine gloire, ou vers l’acquisition de la richesse.

Par cette recherche dénuée de raison, il méprise Dieu et ses commandements, il oublie la noblesse de l’origine divine, il est pour le prochain comme une bête sauvage, il enténèbre la raison et ne lui permet pas de regarder la vérité. Mais celui dont le sentiment est plus haut que tout cela reçoit désormais le Royaume des cieux, comme il a été dit, et mène une vie bienheureuse, dans l’attente de la béatitude réservée à ceux qui aiment Dieu. Puissions-nous en être jugés dignes, nous aussi, par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ. Amen.

12 - Il faut aussi savoir qu’il n’est pas possible de parvenir à la mesure d’une telle vertu si l’on ne cherche pas surtout, durant toute sa vie, autant qu’on le peut, à se donner de la peine pour l’acquérir par une sollicitude active: par exemple pour la compassion, ou la tempérance, ou la prière, ou la charité, ou l’une des vertus générales. C’est à partir de celles-ci, en effet, que chacun poursuit partiellement la vertu.

Ainsi, quelqu’un a exercé la compassion à certains moments, mais parce qu’il l’a rarement exercée, nous ne dirons pas qu’il était à proprement parler compatissant,  et singulièrement quand le geste n’est pas fait comme il faut et pour plaire à Dieu. Car le bien n’est pas bien lorsqu’il n’est pas fait comme il faut.

Mais le bien est vrai s’il ne reçoit pas comme son dû un salaire pour ceci ou pour cela, et s’il ne cherche pas à plaire aux hommes et à connaître la gloire par les voies de la renommée de la violence, de la cupidité, ou de l’injustice.

Car ce que Dieu recherche, ce ne sont pas les biens qui se font et semblent se faire, mais le but pour lequel ils se font.

Les Pères théophores le disent aussi: quand l’intelligence oublie le but de la piété, alors  l’œuvre  manifeste  de  la  vertu  devient  vaine.  Les  gestes  qui  se  font  sans discernement et sans but, non seulement ne servent à rien, mais ils nuisent, même s’ils sont des biens. A l’inverse, des gestes apparemment marqués par le mal peuvent être faits selon Dieu, en vue de la piété, comme  le geste de celui qui est entré dans un mauvais lieu et qui a enlevé la prostituée à la perdition.

D’où  il  est  clair  que  n’est  pas  compatissant   celui  qui  exerce  rarement  la compassion, et que n’est pas tempérant celui qui, de même, pratique peu la tempérance. Mais est vertueux celui qui, longtemps, durant toute sa vie, a recherché en tout et pour tout la vertu, avec un discernement sûr.

Car le discernement est la plus grande de toutes les vertus: il est la reine des vertus, la vertu des vertus.

Ainsi, également, en sens inverse, nous ne disons pas prostitué, ivrogne ou menteur, celui qui s’est laissé aller une fois à l’un de ces vices, mais celui qui y tombe  souvent et demeure incorrigible.

13 - Outre ce que nous avons dit, il faut surtout savoir aussi ce qui est le plus nécessaire pour tous ceux qui souhaitent pratiquer la vertu et qui s’efforcent de se détourner du vice autant l’âme est incomparablement meilleure que le corps, l’emporte sur lui et est plus précieuse que lui en beaucoup de choses et dans les plus grandes choses, autant les vertus de l’âme, et singulièrement celles qui imitent Dieu et portent le nom de Dieu, sont meilleures que les vertus du corps.

Mais il faut au contraire considérer que les vices de l’âme l’emportent sur les passions   du corps par la manière dont ils s’accomplissent et par les châtiments qu’ils subissent, même si cela, à leur insu, échappe à la plupart, je ne sais comment.

Ceux qui se gardent de l’ivrognerie, de la prostitution, de l’adultère, du vol et des vices qui leur sont proches, qui les fuient ou qui les retranchent, visiblement les tiennent, la plupart du temps, pour exécrables. Mais les passions de l’âme, qui sont bien pires et bien plus graves que ces vices du corps, et qui réduisent à l’état de démons et mènent au châtiment éternel qui leur est réservé ceux qui s’attachent à eux irrémédiablement, ils ne les sentent pas. Je veux dire la jalousie, le ressentiment, la malignité, l’insensibilité, et la racine de tous les vices selon l’Apôtre: l’amour de l’argent, ainsi que les passions qui leur ressemblent.

14 - Toutes ces choses, nous les avons exposées de manière élémentaire, comme si nous étions ignorants, en rédigeant de manière claire et facile à embrasser un discours sur les vertus et les passions, afin qu’on puisse aisément discerner et distinguer, avec minutie et clarté, ce qui les sépare et fait leur différence.

C’est  pourquoi  nous  avons  exposé  chaque  chose  dans  sa  diversité  et  ses variations, afin que ne soit ignorée, autant qu’il est possible, aucune idée de vertu ou de vice, que nous amenions de bon cœur à nous-même les unes, c’est-à-dire les vertus, et singulièrement les vertus de l’âme, par lesquelles nous approchons Dieu , et que nous échappions aux autres, c’est-à-dire aux vices, en les écartant tout à fait.

Vraiment bienheureux, en effet, celui qui s’efforce de découvrir la vertu, qui la poursuit et cherche avec soin à savoir ce qu’elle est, car par elle il approche Dieu et il est avec lui dans son intelligence. S’élever par la vertu active vers la contemplation du Créateur, c’est là, à proprement parler, la prudence et le courage, la sagesse, la connaissance véritable et la richesse indéfectible.

La vertu est appelée ainsi parce qu’elle est choisie. Elle est choisie et voulue, parce que nous faisons le bien en le choisissant et en le voulant nous-mêmes, non de manière involontaire et forcée. Et ce qu’on appelle la sagesse, c’est de porter dans l’intelligence ce qui lui est utile.

15 - Si tu veux, ajoutons à ce discours élémentaire, comme un sceau en or, quelques mots sur la plus précieuse des créatures de Dieu, celle qui est à l‘image et à la ressemblance : le vivant, doué d’intelligence et de raison, l’homme, le seul entre toutes les créatures qui soit à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Tout homme est dit «à l’image», selon la dignité de l’intelligence et celle de l’âme, c’est-à-dire l’incompréhensible, l’invisible, l’immortel, le libre arbitre, mais aussi ce qui originel, ce qui enfante, ce qui édifie.

Et il est dit «à la ressemblance», selon la raison de la vertu et selon ces actes qui portent le nom de Dieu et qui imitent Dieu, c’est-à-dire selon notre comportement bienveillant envers notre semblable : avoir compassion et pitié de notre compagnon de service, l’aimer, faire preuve envers lui de toute miséricorde et de toute charité. «Soyez compatissants,   dit  en  effet  le  Christ  notre  Dieu,  comme  votre  Père  céleste  est compatissant.»

Tout homme porte en lui la création à l’image, car les dons de Dieu sont irrévocables. Mais la création à la ressemblance, rares sont ceux qui la portent : seuls la portent les vertueux, les saints, ceux qui imitent la bonté de Dieu, autant qu’il est possible aux hommes.

Nous aussi, puissions-nous être dignes de son amour pour l’homme, qui dépasse toute bonté, en lui plaisant  par toute œuvre bonne, et en devenant les imitateurs de ceux qui ont plus au Christ depuis l’origine des siècles. Car à lui est la pitié, et à lui reviennent toute gloire, honneur et adoration, ainsi qu’à son Père qui n’a pas de commencement, et à son Esprit saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Saint Jean Damascène

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