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7 mai 2022 6 07 /05 /mai /2022 19:34

 

 

 

L’archimandrite Sophrony en écrivant ce livre nous permet de pénétrer dans son expérience spirituelle, qui fut celle d’un ascète contemporain. Il se fait l’écho de l’enseignement de son père spirituel, le Staretz Silouane, qu’il reconnut comme le don le plus précieux que la Providence lui eût fait.

Les chapitres se succèdent comme autant d’échelons à gravir pour parvenir à la connaissance et à la ressemblance de Dieu. Long chemin à parcourir pour découvrir la vérité et le sens de notre vie et mettre en pratique l’ascèse chrétienne.

La connaissance de Dieu. Depuis toujours, l’esprit humain a eu soif de connaissance et en premier lieu le désir de connaitre l’Etre premier, le créateur que nos Anciens ont adoré instinctivement de diverses manières. Pour le monde chrétien, la manifestation de Dieu à Moïse au mont SinaÏ fut l’ouverture à de nouvelles perspectives pour l’humanité. L’être divin Yahvé lui fut révélé : Je suis celui qui suis (Ex. 3,14). Toutes choses furent accomplies au Nom et par le Nom de ce Je suis. L’ensemble du récit de l’Ancien Testament mène à l’approche et à la connaissance de Dieu et trouve son accomplissement dans la venue de Jésus-Christ. Dans la douceur, le plus pauvre d’entre les pauvres, le Fils, dévoile le Père par la parole qu’il a reçue de Lui. En Christ et par la venue de l’Esprit Saint, Dieu nous a donné la révélation pleine et définitive de Lui-même.

L’énigme du Je suis. Sergueï Sophrony décrypte l’énigme du Je suis. Les manifestations de Dieu décrites dans l’Ancien et le Nouveau Testament ont été révélées progressivement. Tout au long de l’Ancien Testament, Dieu a suggéré qu’en étant unique dans le Je suis, il était en même temps trois personnes, parlant de Lui en disant nous : Faisons l’homme à notre Image, à notre ressemblance (Gen. 1,26). Et encore : Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous. (Gen. 3,22). La connaissance de Dieu se fait lentement, découvrant qu’il est Un et indivisible, et ensuite, plus clairement par le Christ en langage simple : Moi et le Père nous sommes un (Jean 10-30) et : mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure en lui. (Jean, 14.23). S’y ajoute : Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’Il demeure en vous à jamais (Jean 14-16). Telle est notre voie chrétienne vers la gnose parfaite. La demeure en nous du Père et du Fils et, avec eux, du Saint-Esprit qui ne peut en être séparé, nous donnera la véritable connaissance de Dieu.

Le risque de la création. Dieu a pris le risque de donner à l’homme une liberté semblable à la sienne. L’homme est libre d’être en désaccord avec Lui et même de Lui résister. Nous déterminons nous-même notre destinée éternelle, projetés dans le monde préparé pour nous qui sommes comme une graine merveilleuse semée dans une terre labourée et bien ameublie. Le chrétien se sait perfectible et rend grâce en acceptant le don merveilleux de la vie. Il médite à la lumière de l’Evangile sur sa relation personnelle avec Dieu. Le Saint Esprit en établissant sa demeure en nous, nous donne à vivre l’amour, par nature Acte divin, dont la puissance ne diminue jamais, et perdure éternellement dans sa plénitude.

La tragédie de l’homme. Dans leur absolue liberté, Adam et Eve choisirent de manger du fruit défendu, marquant ainsi leur rupture avec Dieu. La tragédie accompagne l’homme dont le regard ne se porte pas au-delà des confins de cette terre. Le Christ porta cette souffrance tout au long de sa présence parmi nous : O génération incrédule et perverse, combien de temps vous supporterai-je (Ma.17,17) A Gethsémani, son âme était triste à en mourir ; il vécut la tragédie de toute l’humanité, mais donna les paroles de l’espérance : je vous donne ma paix (Jn 14,27) et encore : vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage, j’ai vaincu le monde (Jn 16, 32-33). Le chrétien, avec ses larmes et ses prières pour le monde, est assuré de la victoire inévitable de la lumière. Quand nous choisissons le Christ, nous sommes transportés au-delà de ce que l’on nomme « tragédie ».

Contemplation. C’est la grâce de Dieu, la lumière divine qui nous permet de déceler le péché en nous, ce péché qui est l’éloignement du Dieu d’Amour. Percevoir notre condition pitoyable est un don céleste reçu quand on commence à contempler le plan de Dieu pour l’homme dès avant la création du monde. Se voir tel que l’on est, agit comme un feu qui nous brûle et purifie en profondeur. Nous ressentons alors la présence divine qui nous attire à elle dans un état de contemplation que nous savons vrai parce que notre cœur commence jour et nuit à tressaillir sous l’effet de la prière. L’action divine possède un mouvement double : elle nous accompagne dans les ténèbres et la souffrance nous élève vers les sphères grandioses du monde divin. Les dimensions de notre être intérieur s’étendent et croissent. Seul le péché peut étouffer le souffle divin en nous. Dieu ne nous contraint pas, il se retire si nous le refusons, nous laissant privés de sa lumineuse présence. Si l’homme ne sait refuser totalement de pécher, il peut pourtant en éviter la conséquence   - la séparation d’avec Dieu - par le repentir. Par le repentir et par l’accroissement de la grâce qui en résulte, la réalité du monde divin prévaut sur le cosmos visible. Nous entrons alors dans la contemplation de la Réalité Première. 

La prière de l’esprit.  SergueÏ Sophrony reconnait le caractère sacré de la prière personnelle pratiquée par chacun dans le secret de la chambre. Il aborde pourtant ce domaine en nous livrant directement son message : « je suis poussé par la tragique atmosphère de tension qui règne dans le monde et aussi par ma conviction qu’en Christ, nous sommes liés les uns aux autres. Partageons donc en frères véritables ce qu’il nous a été donné de connaître par un don du Ciel. » Dans les périls actuels, une foi ferme dans la victoire éternelle du Christ est nécessaire pour nous rendre nous-mêmes spirituellement invincibles. Notre unique désir sera alors de persévérer dans la parole du Christ et de cesser d’être esclave du péché. L’ultime aboutissement de la prière est de faire de nous des fils de Dieu, et comme fils de Dieu de demeurer à jamais dans la maison du Père. La vraie prière ne vient pas facilement. Nous pouvons être capables de travailler dix à douze heures d’affilée, alors que quelques instants de prière nous épuisent. De toutes les approches de Dieu, la prière est le meilleur et, à vrai dire, l’unique moyen. Dans l’acte de la prière, l’esprit humain trouve sa plus noble expression et peut, indépendamment de toute capacité intellectuelle humaine, parvenir à une forme supérieure de connaissance.

La félicité de connaitre la voie. Bienheureux sommes nous, chrétiens sanctifiés, car le Seigneur a désiré s’unir si étroitement à nous que sa vie est devenue la nôtre. Cette citation transmise par l’auteur lui a inspiré le titre de cet ouvrage : sa vie est devenue la mienne. Privilège des disciples qui ont vu et entendu ce que les prophètes et les justes ont désiré voir et n’ont pas vu. St Paul a témoigné de la grâce reçue d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ et par le moyen de l’Eglise de révéler le dessein éternel que le Père a formé dans le Christ Jésus en qui nous avons par la foi assurance et accès (à Dieu) avec confiance. Mais ne nous trompons pas, le christianisme implique la souffrance, elle qui permet à chacun d’être conscient de son humanité et de sa liberté auprès des millions d’êtres humains semblables sur la surface de la terre. La prise de conscience de la souffrance humaine engendre une prière intense qui transporte toutes choses dans le domaine de l’esprit. L’amour qui alors pénètre l’âme nous fait craindre de blesser notre prochain et d’attrister le Saint Esprit par une pensée ou une parole. De plus, ce n’est que par une mesure encore plus abondante de la grâce, qui se manifeste par l’amour des ennemis, que l’esprit s’apparente à Dieu. La prière persévérante permet à l’âme de contenir à la fois tristesse et joie, désespoir et espérance, tous les états rassemblés en un seul tout. Par la connaissance de Dieu, l’âme acquière une profonde paix, celle que Jésus adressa à ses disciples quelques heures seulement avant sa mort sur la Croix. Je vous donne ma paix. Et le Saint Esprit peut agir en nous : il nous emplit de la lumière impérissable hors de laquelle il n’est nulle connaissance, ni salut.

Le combat pour la prière. La prière est création infinie, art suprême. Que de fois avons-nous ressenti un vif élan vers Dieu, puis sommes-nous retombés loin de sa lumière ! L’âme s’affole ne trouvant nulle force pour cet amour. Mon intelligence est trop faible pour te comprendre. Mon esprit ne peut scruter les mystères de ta Volonté. Les jours s’écoulent en conflits sans fin. Mais l’archimandrite Sergueï Sophrony nous rassure. Quand la prière semble faiblir et que nous crions à Dieu, viens à notre secours ! : si nous ne laissons pas échapper de nos mains la frange de son vêtement, il nous viendra en aide. Nous devons à tout prix demeurer dans la prière afin de contrebalancer l’influence destructrice et persistante du monde extérieur. Même un murmure du Divin est gloire non pareille face à toute une vie vécue sans Dieu. Quand notre cœur est empli d’amour pour Dieu, nous sommes totalement conscients d’être proches de Lui. En nous créant à son image et à sa ressemblance, Dieu nous plaça devant Lui, non comme son œuvre entièrement soumise à Lui, mais comme des êtres libres. Nous avons le choix entre deux partis diamétralement opposés : ou bien nous refusons Dieu, c’est l’essence même du péché, ou bien nous devenons fils de Dieu, à sa ressemblance. Dieu respecte la liberté de l’homme, liberté qui est le principe fondamental de la création à « l’image de Dieu ». Au début nous prions pour nous-mêmes mais quand par le Saint-Esprit Dieu nous donne l’intelligence, notre prière prend des dimensions cosmiques. Nous pensons à toute l’humanité et nous demandons la plénitude de grâce pour tous comme pour nous-mêmes. Si nous suivons le Christ, nous pouvons nous justifier dans notre être individuel en restaurant en nous l’image divine par un repentir total, et ainsi nous pouvons contribuer à justifier nos propres ancêtres. Nous sommes tellement liés les uns aux autres que l’homme ne fait jamais seul son salut.

Du repentir et du combat spirituel. Le plus bref mouvement du cœur ou de l’esprit laisse son empreinte sur la somme totale de notre vie. A moins de ne rejeter les impulsions mauvaises par un acte de contrition, elles resteront en nous comme une tache noire impossible à dissimuler. Quand nous nous repentons, nous condamnant résolument devant Dieu et les hommes, nous sommes purifiés intérieurement. Le repentir peut effacer les conséquences néfastes du péché. Par la puissance de Dieu, la vie peut être rendue à sa plénitude première, non pas, cependant, par une   intervention unilatérale de Dieu, mais toujours et seulement en synergie avec nous. Dieu ne fait rien avec l’homme sans sa coopération. Or la soif de pouvoir obscurcit l’image de Dieu en nous et la lumière de la vie véritable nous abandonne laissant un vide angoissant. La vie est privée de sens. Mais quand par sa douce présence dans notre âme, le Saint Esprit nous permet de maîtriser nos passions, nous comprenons que regarder les autres de haut est contraire à l’esprit de l’amour. Et comme le dit Paul, si je n’ai la charité tout le reste ne me sert de rien.

Il est indispensable que l’homme fasse usage de sa volonté libre et se détermine lui-même pour toute l’éternité. Le seul vrai guide dans le combat pour accomplir cette vocation inexprimablement élevée est le commandement du Christ. Une prière intense peut tellement ravir et le cœur et l’intellect dans leur ardent désir de l’éternel, que le passé s’estompe dans l’oubli et que nulle pensée de quelque avenir terrestre ne vient à l’esprit, toute l’attention intérieure étant concentrée sur un seul point : devenir digne de Dieu.

Des ténèbres à la lumière. Le Créateur de l’univers a eu plus de joie en l’homme que dans le « joyeux concert des étoiles du matin » nous dit Job. L’homme est plus précieux que tout le reste du cosmos. L’homme complet et parfait est admirable, tout comme Dieu est admirable. Il peut devenir semblable à Dieu, non pas jusqu’à un certain degré seulement, mais entièrement.  La perfection de la ressemblance ne supprime cependant pas la distance ontologique entre Dieu le Créateur et l’homme sa créature. La tragédie de la création vint avec la chute et se poursuit dans notre perpétuelle instabilité. Nous sommes enclins au mal et néanmoins nous le haïssons et le combattons ; et malgré notre ardent désir du bien absolu -de Dieu- nous Le repoussons et Lui résistons. Le Christ, ayant en Lui-même uni sans séparation Dieu et l’homme, est la seule et unique solution de ce conflit apparemment insoluble. Il est en vérité le Sauveur du monde. Il est la mesure de toutes choses, divines et humaines. Il est l’unique voie vers le Père, le soleil qui illumine l’univers. C’est seulement à sa lumière que l’on peut voir le chemin.

Le Christ commença sa prédication sur terre par un appel au repentir, à un changement radical de notre approche de la vie. L’humilité élève, l’orgueil fait choir. Dieu par le Christ se manifesta à nous dans une humilité absolue, nous montrant ainsi la voie du repentir. Plongés dans le péché, nous nous voyons séparés de Dieu et en captivité dans les ténèbres. Il est de fait qu’une prière douloureuse devient universelle. Il ne reste rien dans l’intellect ou dans le cœur ; la mort engloutit toute la Création et nous-mêmes en premier lieu. Et voici qu’apparait ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, un rayon du Soleil incréé qui perce et pénètre profondément nos ténèbres. Cette lumière divine, cachée, mystérieuse par nature, communique une vie nouvelle à l’âme. Douce, elle est plus puissante que tout. Doute et crainte sont chassés, la mort s’enfuit de devant sa face.

L’expérience de l’Eternité par la prière. Arrête ton esprit sur Dieu, et le moment viendra où tu ressentiras la présence de l’Esprit éternel dans ton cœur. Cette merveilleuse approche du Dieu Très-Saint élève l’esprit dans les sphères de l’Etre incréé et ouvre l’intelligence à une vision nouvelle de tout ce qui est. L’amour ruisselle comme une lumière sur toute la création. Il arrive pourtant que pour que nous puissions « connaitre les choses qui nous sont librement données » d’en Haut, Dieu se retire pour un temps après nous avoir visités. Sergueï Sophrony nous donne son expérience personnelle :  quand Dieu se retire, il se crée une vacuité en moi, et je ne puis jamais être sûr qu’Il reviendra. Il a disparu. Je reste vide et mort. Je fus amené dans le palais du Grand Roi, seulement pour en être chassé.

Ces alternances nous apprennent à distinguer les dons naturels de ceux qui viennent comme pure grâce d’En-haut. La prière fut l’occasion de la première visite. A nouveau, par la prière   mais avec une prière de plus en plus ardente, j’espère son retour. Et il revient. Il change le caractère de sa venue, et ainsi j’acquiers continuellement de nouvelles connaissances dans le domaine de l’Esprit. Tantôt c’est la souffrance, tantôt la joie, mais je grandis. J’apprends à me diriger dans ce domaine nouveau.

De toutes les pratiques ascétiques, l’effort de prier est le plus ardu. A certains moments, la prière coulera comme un fort courant, à d’autres, notre cœur sera sec et dur. Dans la prière, nous sommes conscients de la présence de Dieu ; elle confirme notre foi, même si nous n’atteignons pas la plénitude de l’expérience vers laquelle sont dirigés nos efforts. Notre Créateur connait mieux que nous les ultimes possibilités de la nature humaine. Et si la Révélation déclare que nous fûmes choisis en Christ avant la fondation du monde comment pouvons-nous reculer devant le seul appel digne d’attention, en comparaison duquel tous les autres buts, toutes les autres recherches sombrent dans l’insignifiance ? Amené du néant à l’être, l’homme est appelé par son Créateur jusque dans la plénitude de la vie divine. Dieu aime tant l’homme qu’il se donne à lui sans restriction. De même que Dieu transcende tout ce qui est dans le monde, l’homme quand il est pleinement déifié par le Saint-Esprit, se situe très haut au-dessus du monde.

La prière liturgique. La prière profonde vient progressivement. Le corps et l’âme s’y adaptent lentement. Elle est de la plus haute importance pour le prêtre qui célèbre la divine liturgie s’il veut vivre dans sa plénitude ce grand sacrement exigeant la transformation de toute sa vie en prière. Dans sa réalité éternelle, la Liturgie est la Pâques du Seigneur constamment présente parmi nous. Il nous demande de faire cette commémoration en son Nom, faites ceci en mémoire de moi. Prendre une part aussi plénière que possible à l’Acte liturgique réclame notre être tout entier. Nous n’atteignons pas la mesure du Christ, mais tout chrétien doit aspirer à Le connaitre en plénitude et selon St Paul, en prière devant le Père, doit comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de la Providence divine. Jusqu’à nos jours, cette prière éveille dans le cœur des prêtres et des fidèles le désir de prier pour que chaque homme puisse connaître de tout son être que Dieu est vraiment notre Père, et puisse contempler la lumière incréée de l’Etre divin rendue manifeste au Monde.

La prière de Gethsémani. Cette prière du Christ au jardin de Gethsémani dans sa sainteté et sa majesté attire à jamais vers elle les âmes de ceux qui ont préservé leur ressemblance avec Dieu. Le Christ engloba dans sa prière tout le genre humain, depuis le premier Adam jusqu’au dernier homme à naître de la femme. Nous ne possédons pas une connaissance vécue d’un tel amour et sa signification permanente nous reste cachée. Victorieux dans l’éternité, sur le plan terrestre l’amour du Christ est crucifié. Aucun mortel n’a jamais connu de souffrances égales aux siennes. Si nous voulons connaître, ne serait-ce que dans un miroir, d’une manière obscure, le chemin suivi par le Christ et transformer notre nature physique en une prière reflétant au moins partiellement sa prière à Gethsémani pendant la nuit la plus tragique de l’histoire du monde, nous devons accepter les tribulations. L’adversité ouvre le cœur à toute la souffrance du monde. Il est possible au chrétien, entrant souvent peu à peu dans la mort, de devenir capable grâce à cette expérience progressive d’assumer la tragédie de l’histoire humaine et d’appréhender le mystère de Gethsémani et peut-être même du Golgotha. Il est essentiel    pour chacun de nous, de manifester au moins partiellement une ressemblance avec le Christ si nous voulons nous appeler chrétiens. Lorsqu’une ombre de ressemblance avec la prière de Gethsémani lui est donnée, l’homme transcende les limites de sa propre individualité et devient un être personnel à la ressemblance du Christ. En participant aux souffrances de son amour divin, nous pouvons en esprit, nous aussi, faire dans une certaine mesure l’expérience de sa mort et de la puissance de sa résurrection.

La prière de Jésus. Dans ce chapitre Sergueï Sophrony veut présenter quelques aspects de l’enseignement qu’il a reçu au mont Athos, car dit-il c’est là qu’il a rencontré la grande culture de la prière. Dans les dernières heures de sa vie, Jésus a dit : demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. Ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous le donnera. Ainsi l’histoire de la prière au nom de Jésus commence dès les temps apostoliques. Mais que faut-il entendre par le Nom de Dieu ? Pour prier « en son nom » il est indispensable d’en connaitre la signification, les propriétés, la nature. Dans ses ultimes degrés, la prière exige la connaissance la plus exacte possible de l’Etre divin. Nous savons par l’expérience millénaire de tout le genre humain qu’en ce qui concerne la connaissance de Dieu, notre intellect naturel ne peut pas par lui-même aller au-delà de certaines conjectures. Il est indispensable que Dieu se manifeste Lui-même à l’homme, se fasse connaître. Nous voyons dans le récit biblique que chaque nouvelle révélation était reçue comme une manifestation de Dieu, intervention personnelle et immédiate. Dans la mesure où se développait la révélation des attributs de Dieu et de ses œuvres, sa connaissance en général s’approfondissait également. Mais jusqu’à la venue du Christ, les Prophètes ne cessèrent de gémir et de prier pour que Dieu vienne sur terre et y apporte la connaissance vraiment complète de Lui-même. Tout changea   radicalement lorsque le Créateur a assumé notre nature humaine ; il a pris chair et a habité parmi nous en Jésus : je leur ai fait connaitre ton Nom et je le leur ferai connaitre afin que l’amour dont Tu m’as aimé soit en eux, et que je sois en eux. La nature humaine est unie à la nature divine. Jésus manifesta dans la chair la perfection du Père ; avec une force exceptionnelle il montra la compatibilité de Dieu et de l’Homme. Il est pour nous un pont qui nous relie à Lui. Provenant du Dieu Saint, il est saint et nous sanctifie quand nous l’invoquons. Avec son Nom et grâce à lui, notre prière acquiert une certaine tangibilité, car il nous unit à Dieu. Nous découvrons dans ce Nom de Jésus-Christ de nouveaux mystères des voies de Dieu et nous-mêmes nous devenons les porteurs de la réalité qui y est contenue. Notre cœur s’ouvre à l’appel du Christ. Chaque instant de notre vie devient précieux, prend un sens profond. Souffrances et joies concourent admirablement à cette nouvelle ascèse. Devant nos yeux se dresse une échelle qui monte jusqu’aux cieux.

La crise spirituelle contemporaine ne serait-elle pas le prélude d’une nouvelle renaissance ? La tranche de vie qu’il nous est donné de vivre peut et devrait devenir une période permettant d’assimiler en profondeur l’Etre dans toutes ses dimensions. A la lumière de l’espérance, les souffrances elles-mêmes passent dans une prière qui atteint les extrémités du monde. Elle s’élance et rien ne peut se dérober à sa chaleur. La prière nous réchauffe et nous réjouit ; elle est le canal par lequel nous recevons la révélation d’En-haut.

En priant par le Nom de Jésus-Christ, nous nous plaçons devant l’absolue plénitude de l’Etre premier incréé, et de l’être créé. Pour pouvoir pénétrer dans le domaine de cette plénitude de l’Etre, nous devons Le recevoir en nous de telle manière que sa vie devienne aussi la nôtre, et cela par l’invocation de son Nom, en conformité avec son commandement.

Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pêcheur.

La pratique de la prière de Jésus. La formule complète de la prière de Jésus s’énonce comme suit : Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pêcheur.  Dans la première partie de la prière nous confessons le Christ-Dieu qui s’est incarné pour notre salut ; dans la seconde, nous reconnaissons avec un esprit de repentance notre chute, notre état de péché et notre rédemption. La conjonction de la confession dogmatique et du repentir donne à la prière un contenu complet. Plusieurs degrés se distinguent dans le développement de cette prière :

  • Elle est vocale. Nous prononçons la prière avec nos lèvres et concentrons notre attention sur le Nom et les paroles.
  • Elle devient mentale ou spirituelle. Nous prononçons le nom de Jésus-Christ et le reste mentalement, par l’intellect seul.
  • Elle est dite prière du cœur. L’intellect et le cœur sont unis dans leur activité ; l’attention est enfermée à l’intérieur du cœur et c’est là qu’est prononcée la prière.
  • La prière devient spontanée. Elle est bien établie dans le cœur et sans effort particulier de la volonté, coule à l’intérieur du cœur y attirant l’attention de l’intellect.
  • Enfin la prière est mue par la grâce. Elle commence à agir en nous comme une douce flamme, comme une inspiration d’En-haut réjouissant le cœur par le sentiment de l’amour divin et entraînant l’intellect dans des contemplations spirituelles. Parfois aussi elle s’accompagne de la vision de la Lumière.

Gravir peu à peu ces degrés de la prière est la démarche la plus sûre et, dans ce combat, plus profond sera le repentir, plus court sera le chemin.

Caractère universel de la prière de Jésus. La voie menant à la vraie contemplation passe par le repentir. Personne de nous, aucun des fils d’Adam ne voit distinctement ses péchés. Ce n’est que lorsque nous sommes éclairés par la Lumière divine que nous nous libérons de ces terribles chaînes. Et si tel n’est pas le cas, il est bon pour nous de crier avec les larmes : Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pêcheur.  Dans le difficile discernement de ce qui perd et de ce qui sauve, dans l’expérience de la souffrance, dans l’approche de la mort, l’invocation du Nom du Christ sauve.

Le triomphe, silencieux et saint, de connaître le Dieu d’amour éveille dans l’âme une profonde compassion pour l’ensemble de l’humanité. Le mal semble incurable. Mais cela aussi fait partie de notre destinée sur terre. Dans sa prière, l’âme pleure jusqu’à épuisement ; pourtant le salut ne viendra que si, dans sa liberté, l’homme le désire lui-même. Aimez vos ennemis voilà où se trouvent la guérison de la vie historique et le salut pour l’éternité. Celui qui a connu la force de l’amour pour les ennemis, a connu le Seigneur Jésus, crucifié pour les ennemis ; par avance, il s’est emparé de sa résurrection.

Lorsque dans notre vision spirituelle, toutes les expériences que nous avons vécues convergent comme vers un point unique au centre de notre personne, lorsque la ténèbre de l’enfer et la Lumière incréée s’unissent dans notre esprit comme des réalités connues, alors nous commençons à comprendre le sens du Nom de « Jésus » c’est-à-dire « sauveur ». Lui, la Lumière sans commencement, il s’est anéanti Lui-même, jusqu’à prendre une condition d’esclave, jusqu’à descendre en enfer afin d’en arracher Adam. Et ainsi nous l’appelons dans notre prière : Jésus, Fils du Dieu vivant, notre Sauveur, aie pitié de nous et de ton monde.

Plus nous nous humilions dans un douloureux repentir, plus rapidement notre prière atteindra Dieu. Mais lorsque nous perdons l’humilité, aucune ascèse ne peut nous aider. La présence en nous de l’orgueil et du jugement de nos frères, le mépris et la haine de notre prochain nous rejettent loin du Seigneur. Repentez-vous ! Il nous faut prendre très au sérieux cet appel du Christ, changer radicalement notre mode de vie intérieure et notre vision du monde, notre attitude envers les hommes et envers tout phénomène survenant dans l’être créé ; ne pas tuer nos ennemis mais les vaincre par l’amour.

L’archimandrite Sergueï Sophrony par le partage de l’enseignement de Saint Silouane et de sa propre expérience nous a incité à nous saisir de la prière de Jésus. Le débutant chrétien qui veut approfondir sa connaissance du Dieu trinitaire entre dans la découverte de cette prière, diamant aux multiples facettes, et se trouve régénéré et sanctifié par l’invocation du Nom de Jésus.

Nous devons invoquer le Nom divin avec humilité. Voici, le Christ, le Maître du monde, s’est incarné, et comme homme Il s’est abaissé jusqu’à la mort de la Croix. C’est pourquoi son Nom a été exalté plus haut que tout nom qui se puisse nommer non seulement dans ce monde-ci, mais encore dans le monde à venir. Le Père l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux, et l’a constitué tête pour l’Eglise, laquelle est son Corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.

Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, aie pitié de nous, de ton Eglise et de ton monde, par les prières de la Mère de Dieu, des saints apôtres et de tous les Saints depuis l’origine des siècles.

Recension d’Hélène Lenattier Sicard

 

 

 

 

 

 

 

La vie de Sergueï Sophrony se présente comme un cheminement tout au long du XXème siècle, tracé comme un chemin d’apprentissage parvenant par la prière et l’ascèse à la communion constante avec Dieu. 

Né en 1896 dans une famille orthodoxe, il manifesta très tôt une grande aptitude spirituelle à la prière, se plaisant à la recherche de Dieu dans la contemplation du monde visible. Cette passion l’incita à se diriger vers des études artistiques à l’Ecole nationale des Beaux-Arts de Moscou.

Il quitte la Russie à la suite de la révolution en 1921, et décide de se consacrer entièrement à la peinture. Après un voyage en Italie consacré à la découverte des grands chefs-d’œuvre particulièrement de la Renaissance, il s’installe à Paris.

Il y obtint des résultats satisfaisants et expose avec succès au Salon d’Automne et au Salon des Tuileries. Mais bien vite, il réalise que l’œuvre d’art, même si elle pourrait atteindre la perfection, ne comblerait pas son âme en recherche d’absolu. Il abandonne alors la peinture et fréquente l’Institut de théologie orthodoxe qui venait d’ouvrir à Paris, espérant y apprendre à prier et à trouver l’attitude juste envers Dieu.

Mais là encore, par l’approche de la théologie académique, il ne peut se satisfaire d’une voie moyenne et franchit un pas important en se rendant au mont Athos.

Il réalise alors que s’il veut être totalement uni à Dieu, il lui faut ne se consacrer qu’à la prière.

Désespéré par l’abandon de Dieu au sein du monde où les hommes meurent dans l’ignorance de la lumière divine, il trouve aide et direction spirituelle auprès du Staretz Silouane qu’il reconnait comme le don le plus précieux que la Providence lui ait fait.

Il demeure à ses côtés pendant huit années jusqu’à sa mort et demande alors la bénédiction du supérieur du monastère pour se retirer au « désert ». Peu après éclate la Seconde Guerre mondiale pendant laquelle du fond de sa grotte il ne cesse de prier pour tous les souffrants.

Sa profonde solitude prend fin quatre années plus tard, quand il est sollicité pour devenir confesseur et père spirituel des moines du monastère Saint Paul, ce qui lui avait été prédit par le Staretz Silouane.

Il continue néanmoins à vivre dans le dénuement d’une grotte mais doit la quitter au troisième hiver après la guerre, sa santé devenant défaillante. Il revient alors en France et après une grave opération qui le rend invalide, il doit abandonner l’espoir de revenir au mont Athos.

C’est alors qu’il se consacre à transmettre dans un livre l’enseignement du Staretz Silouane qui l’avait tant aidé dans le combat spirituel à mener pour arriver à une vraie connaissance de Dieu.

Une édition imprimée est parue en 1952. Les réactions des ascètes de la Sainte Montagne qui étaient d’une extrême importance pour lui, confirmèrent que ce livre était la fidèle expression des anciennes traditions du monachisme oriental et reconnurent dans le Staretz un héritier spirituel des grands Pères d’Egypte, de Palestine, du Sinaï et d’autres écoles historiques de l’ascèse remontant aux premiers siècles de l’ère chrétienne.

L’archimandrite Sophrony s’est rendu ensuite en Angleterre où il fonda une communauté orthodoxe Saint Jean Baptiste dans l’Essex qui compte une quarantaine de moines et de moniales, vivant l’enseignement de Saint Silouane dans toute sa profondeur.

Il s’est éteint en 1993 après avoir transmis ce vivant témoignage. Il nous ouvre ainsi la voie enseignée par Saint Silouane qu’il a lui-même expérimentée. C’est la prière qui est le plus sûr moyen pour parvenir à une vraie connaissance de Dieu.

Elle est à la portée de tous et son livre Sa vie est la mienne est une clé d’entrée en vie spirituelle.

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5 mai 2022 4 05 /05 /mai /2022 19:30

On dit parfois que, dans les nations fidèles du passé, les grands-mères avaient l'habitude d'assister aux offices religieux régulièrement - même plusieurs fois par semaine - parce qu'elles étaient à la retraite, et s'inquiétaient de la proximité de la mort. Grand-mère priait pour les morts, parce qu'elle les connaissait, alors que les plus jeunes priaient pour ceux qui étaient encore en vie.

Dans les nations orthodoxes (à l'époque, comme aujourd'hui) les églises ont été et sont remplies le dimanche. En dépit de son caractère courant, l'idée de la religion en tant qu'activité féminine est beaucoup plus une réalité en Amérique du Nord protestante, puisque les hommes ont toujours participé plus que les femmes à la vie de l'Église orthodoxe. 

Même les Soviétiques qui ont grandement voulu anéantir la vie spirituelle orthodoxe, eurent du mal à décourager la participation à l'Église par les jeunes, ayant pour cela recours à des menaces de perte d'emploi, ou aux limitations imposées à la poursuite des études pour maintenir les jeunes gens hors des lieux saints. 

Avec la fin de l'empire communiste, les églises se sont rapidement remplies de jeunes gens, avides d'une nourriture spirituelle qu'ils connaissaient à peine, mais à laquelle ils aspiraient en tout cas.

Ce que le totalitarisme athée n'a pas réussi à faire, la démocratie matérialiste a réussi à l'accomplir. Alors que beaucoup se plaignent de l'impact d'une culture obsédée par les loisirs sur les jeunes, la multiplicité des possibilités de loisirs a eu un impact sur les grands-mères d'une manière qui ne pouvait guère être imaginée il y a une génération. 

Juste au moment où la vie de famille nucléaire a déconnecté les grand-mères de leur influence traditionnelle sur l'éducation morale et spirituelle des petits-enfants, une foule de distractions allant des sports, aux voyages, aux médias électroniques, ont rattrapé leur retard dans l'ennui de ces porteuses de la Foi. Comme un prêtre canadien l'a déploré dans une discussion sur la perte des jeunes de l'Église, " La grand-mère, aussi est concernée."

En Russie, il est dit que les grands-mères ont préservé l'Eglise à travers sept décennies d'athéisme. L'influence aimante et fidèle d'un nombre sans cesse décroissant de grands-mères fidèles est nécessaire, aujourd'hui plus que jamais, non seulement dans leur propre famille, mais parmi ceux qui travaillent pour récupérer la foi orthodoxe qui a été beaucoup perdue sur les rivages de l'Amérique du Nord.

Pour les grands-mères fidèles, cela signifie la recherche de petits-enfants adoptifs, ceux qui ont le désir d'apprendre leur foi, mais qui n'ont personne pour leur enseigner la cuisson des prosphores, la préparation des collybes  pour commémorer le départ des êtres chers, les pratiques de la prière à la maison, l'allumage d'un petit encensoir à anse devant une icône du Christ, et les prières tard dans la nuit pour de nombreuses âmes perdues.

Pour les jeunes, il faut entreprendre une tâche inattendue et inhabituelle: la recherche et la capture de l'affection des grands-mères fidèles. Bien sûr, cela prend du temps, pour partager ensemble la nourriture et les souvenirs, et apprendre une foi vécue par l'expérience, et non par les manuels scolaires. Cela peut vouloir dire repenser son horaire hebdomadaire pour avoir du temps avec un ou deux de ces  vivants porteurs de la sainte Tradition, en coupant dans les heures de travail, et  pour intégrer ces grands-mères adoptives dans l'emploi du temps de la famille.

Les années passent vite pour le reste des saintes grands-mères, et pour nous qui hériterons de leur héritage, et à moins que nous ne l'apprenions d'elles alors que nous en avons encore  la chance, nous serons laissés avec la tâche ardue de le retrouver par nous-mêmes cet héritage, tâche qui ne peut être accomplie de notre vivant.
 
Version française Claude Lopez-Ginisty d'après
ORTHODOX CANADA Journal of Orthodox Christianity
Vol 4/Number 1/Pascha 2009

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2 mai 2022 1 02 /05 /mai /2022 19:33

Dans le podcast Imprenable, le Père Guy-Emmanuel Cariot compare notre vie à un village fortifié. Les différents bâtiments qui le composent symbolisent les domaines de notre vie, soumis chacun au combat spirituel. Septième épisode, l'église, symbole de notre relation à Dieu.

Quand notre vie spirituelle est attaquée, nous n’arrivons plus à prier, des tentations nous assaillent, notre foi diminue, nous sommes en colère contre Dieu, nous nous détournons de l’Église et des sacrements. Nous pouvons aussi ressentir l’effet de maléfices.

Le démon a plus d’une arme dans son sac et peut nous impressionner. Notre lien à Dieu peut être attaqué par le démon, c’est une certitude. Je diviserai en deux podcasts la réflexion sur l’église du village.

Aujourd’hui, je décrirai les manières dont notre vie spirituelle peut être attaquée et comment.

Dans le second, la semaine prochaine, j’appliquerai à l’église du village la méthode du château.

1.

Il y a en premier lieu les personnes qui ont fait de la sorcellerie, de la magie, consulté des mages, des magnétiseurs, pratiqué telle ou telle thérapie orientale, etc.

Au terme d’un chemin d’éloignement de Dieu, elles se retrouvent sans force spirituelle : l’absence de confession, de messe dominicale, de soutien ecclésial les ont menés à une ignorance de plus en plus grande des mystères de la foi, faute d’enseignement et de « frères ».

Peu ou pas nourrie, leur prière est de moins en moins chrétienne. Souvent le Christ en est absent. Il reste certes un Dieu, là-haut, mais il n’a plus les traits du Fils de Dieu. Cette prière aux forts relents de paganisme entretient la crainte servile de Dieu et a souvent des allures de « donnant-donnant ».

On multiplie les actes et les objets de piété, mais il n’y a plus de rapport avec l’enseignement de l’Écriture et avec les vérités de foi. On attend de Dieu une protection magique - comme une sorte de bulle - qui ne laisse aucune place à la liberté ni au combat spirituel.  

On est alors très proche d’aller se réfugier dans une « spiritualité de bazar » : « Puisque mes prières ne marchaient pas, je suis allé voir quelqu’un ». Aller voir un mage, un voyant, un sorcier pour se protéger du mal est bien pourtant la dernière chose à faire.

Saint Thomas d’Aquin le dit clairement : « Aucun avantage temporel ne peut être mis en balance avec le dommage spirituel qui menace notre salut, si nous invoquons les démons pour découvrir des secrets. »

Il est bon de rappeler ici l’enseignement de l’Église, synthétisé dans le Catéchisme de l’Église catholique (§ 2110-2117).   Il nous met en garde contre la superstition qui est une déviation du sentiment religieux et affecte donc le culte que nous devons lui rendre.

Attacher à la simple matérialité des choses une efficacité spirituelle, sans travailler à se rendre disponible à la grâce est superstitieux.  À propos de la divination et de la magie, le catéchisme invite les fidèles « à s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce propos ».

Le Catéchisme cite les différentes formes de magie pour avertir les chrétiens : « recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques supposées à tort « dévoiler » l’avenir.

La consultation des horoscopes, la chiromancie, l’interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement sur les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les puissances cachées.

Elles sont en contradiction avec l’honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul. » 

Ces pratiques de magie et de sorcellerie « par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain, – fût-ce pour lui procurer la santé -, sont gravement contraires à la vertu de religion.

Ces pratiques sont plus condamnables encore quand elles s’accompagnent d’une intention de nuire à autrui ou qu’elles recourent ou non à l’intervention des démons. Le port des amulettes est lui aussi répréhensible. Le spiritisme implique souvent des pratiques divinatoires ou magiques.

Aussi l’Église avertit-elle les fidèles de s’en garder. Le recours aux médecines dites traditionnelles ne légitime ni l’invocation des puissances mauvaises, ni l’exploitation de la crédulité d’autrui. » (§2117)  

On le voit dans ces articles très clairs, l’anémie spirituelle par éloignement de l’Église conduit à toute sorte de liens extrêmement dangereux. La magie est toujours un péché contre Dieu à qui seul, on doit rendre un culte.

Elle cherche toujours à obtenir des avantages matériels (la santé peut l’être aussi) et met pour cela l’âme en danger de mort éternelle. Appartiennent aussi à cette première catégorie ceux qui ont été victimes de sorcellerie sans aucune faute de leur part.

 2. 

En second lieu se trouve, en un nombre plus restreint, ceux qui ont « parlé avec les ténèbres ». Occultisme, satanisme sont assez répandus dans notre monde. Un simple coup d’œil sur un moteur de recherche sur internet laisse pantois. Concernant les jeunes, le satanisme est souvent ludique au début.

Mais faire tourner les tables en fin de soirée avec des amis, invoquer le diable pour obtenir une faveur, peut se révéler pour certains une porte ouverte dramatique et être le début d’un long cauchemar. Si le phénomène est associé à la consommation d’alcool et de stupéfiants, la volonté du jeune sera encore plus affaiblie et l’emprise encore plus grande.

Les fruits ne tarderont pas à arriver : dépression, chute des résultats scolaires, vie de débauche, éloignement de Dieu (impossibilité de temps en temps à pénétrer dans une église, paroles de blasphème incontrôlables, etc.). Certains adultes « pratiquent » activement le satanisme dans des groupes de personnes totalement désespérées et nocives.

Elles sont en fait bien à plaindre. En elles, la lumière est presqu’éteinte puisqu’elles consacrent toute leur énergie à vouloir nier cette présence et cette amitié de Dieu en elles. Certains ont pu aussi conclure un pacte avec le démon, sorte de convention (qui doit bien faire rire le démon) qui lie uniquement celui qui fait le pacte signé avec son sang.

Ces phénomènes sont souvent associés à d’autres troubles (addiction, débauche, déviances en tous genre, sadisme, goût prononcé pour la mort, exaltation du suicide, etc).  

3.

En troisième lieu, et l’enseignement du pape Jean-Paul II l’a rappelé, se trouvent les personnes attaquées par le démon à cause de leur grande foi et de leur sainteté.

Nombreux sont les saints ayant eu maille à partir avec le démon et ses attaques : pensons évidemment au grand saint Antoine du désert assailli par les démons dans sa grotte, à saint Martin, à sainte Catherine de Sienne, à sainte Thérèse d’Avila, à sainte Jeanne de Chantal, au saint curé d’Ars aux prises avec le « grappin » comme il le nommait, à la petite Mariam de Jésus crucifié ou encore au Padre Pio.

Plus on décide d’avancer dans la voie de la perfection en suivant les volontés de Dieu, plus l’adversaire se manifestera (de l’hébreu hassatan – Satan). Le diable est un aiguillon qui, malgré lui, pousse le saint vers la clarté de Dieu.

4.

Enfin la dernière catégorie de personnes qui peuvent être liées par le démon paraît être la plus injuste : ce sont les personnes victimes de traumatismes, particulièrement dans leur enfance.

Il ne faut pas faire ici de généralité mais souvent la violence reçue (dont les abus sexuels sont les plus ravageurs) est une porte ouverte possible pour l’ennemi.

C’est une sorte de « double peine » qui est vraiment injuste. On peut aussi trouver des gens qui ont vécu, enfant, des situations de violence familiales, ethniques, des situations de guerre, de déportation, des abandons violents, des deuils répétés, etc.

Pour toutes ces personnes et pour nous tous en proie aux tentations il sera important de prier pendant la semaine sainte. Que notre foi ne défaille point, que notre Espérance renaisse et que notre charité s’enflamme. Le Seigneur Jésus nous porte et nous suave.

Père Guy-Emmanuel Cariot

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