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21 septembre 2021 2 21 /09 /septembre /2021 19:30

Assassiné en 1990, le père Alexandre Men est une figure majeure de l’orthodoxie du XXe siècle. C’était un prêtre ouvert et missionnaire, dont toute la vie et l’engagement étaient centrés sur le Christ.

Ce matin du 9 septembre 1990, il y a presque trente ans, le père Alexandre Men est en retard pour la messe qu’il doit célébrer dans sa petite paroisse de Novaïa Derevnia, à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou. Son frère Pavel est inquiet. « Être en retard aux offices ne lui arrivait jamais dans la vie : je craignais que quelque chose de terrible se soit passé. » Au sortir de la messe, famille et paroissiens apprennent la terrible nouvelle : le père Men est mort, assassiné à coups de pelle de sapeur sur le petit chemin qui l’amenait vers la gare de Semkhoz où il allait prendre le train pour Novaïa Derevnia.

S’ils n’ont aucune preuve directe, les proches du père Men soupçonnent fortement le KGB d’être derrière cet assassinat destiné, en pleine perestroïka, à faire taire un homme charismatique, qui témoignait si bien de sa foi dans une société soviétique en pleine crise au moment où une partie de l’appareil communiste s’inquiète de la tournure des réformes.

À Semkhoz, l’esprit d’Alexandre Men reste vivant
Fils de juifs non-pratiquants (sa mère s’est tournée vers le Christ sous l’influence d’un des héritiers des moines d’Optina, véritable centre spirituel de l’intelligentsia russe avant la Révolution), le père Men a en effet un don pour parler du Christ à une société en crise spirituelle, profondément marquée par des décennies d’athéisme officiel.

Sa paroisse devient le rendez-vous de l’intelligentsia
« À partir de la fin des années 1960, il y a en URSS une certaine désaffection par rapport à l’idéologie officielle : la société aspire à autre chose auquel le Parti est incapable de répondre, raconte Yves Hamant, professeur émérite d’études slaves à Nanterre et biographe d’Alexandre Men (1). Par sa formation intellectuelle de haut niveau, notamment scientifique, le père Men a su répondre à cette aspiration et s’adresser à la culture séculière de son temps. »

Peu à peu, sa paroisse des alentours de Moscou devient le rendez-vous de l’intelligentsia. Le père Men se lie avec Alexandre Soljenitsyne et accompagne sur le chemin de la foi la veuve du poète Ossip Mandelstam, la pianiste Maria Youdina ou encore le chanteur Alexandre Galitch. « Mais il était aussi à l’aise avec les babouchki (grands-mères) de son village », relève Yves Hamant.

Cette aura n’a pas échappé aux services soviétiques de sécurité qui s’inquiètent de retrouver ses livres tapés à la machine à travers toute l’Union soviétique. Jusqu’au milieu des années 1980, le KGB constituera sur lui un dossier en vue de l’emprisonner, mais son évêque lui évitera de justesse la prison.


« L’activité missionnaire débordante de ce prêtre “hors-norme” irritait ceux qui avaient promis “la mort de la religion”, raconte dans la revue œcuménique Irenikon  le père Serge Model.

Outre les tracasseries administratives, des tentatives de discréditer le père Alexandre auprès des croyants furent entreprises : des pamphlets anonymes l’accusèrent de sionisme ou d’antisémitisme, de crypto-catholicisme ou de protestantisme, d’arianisme ou de nestorianisme, de monophysisme et d’autres hérésies.

On le vilipendait comme orthodoxe obscurantiste ou dissident occidentalisé, voire comme collaborateur du KGB ou simplement comme “juif”. »

À partir de 1988, pourtant, la perestroïka portée par Gorbatchev permet au père Men de s’exprimer plus ouvertement. Le 9 octobre, il est le premier prêtre à parler dans une école soviétique.

Il sera invité ensuite dans des usines, des clubs, à la radio et à la télévision. À Pâques 1990, il participe à un grand rassemblement religieux au stade olympique de Moscou. La télévision lui commande même une émission.

Alexandre Men multiplie aussi les conférences, comme ce soir du 8 septembre 1990, à la veille de sa mort, à la Maison de la technique de Moscou où il exprime ses grandes intuitions sur la foi, l’Église, le lien entre religion et culture.

« Le Christ appelle l’homme à la réalisation de l’idéal divin, explique-t-il ce soir-là. En réalité, le christianisme n’a fait que ses premiers pas, des pas timides dans l’histoire du genre humain (…) L’histoire du christianisme ne fait que commencer.

Tout ce qui a été fait dans le passé, tout ce que nous appelons maintenant l’histoire du christianisme, n’est que la somme des tentatives – les unes habiles, les autres manquées – de le réaliser. »

« L’enseignement du père Men était fondé sur une dynamique de la Bonne nouvelle, de l’annonce de l’Évangile, dont il ne se faisait pas d’illusion sur le fait qu’elle ne s’était pas encore réalisée et qui n’était pas obsédé par une nostalgie du passé figée dans le ritualisme », résume Yves Hamant, qui insiste aussi sur le « christocentrisme absolu vécu » du père Men.

« L’enseignement du père Alexandre est profondément christocentrique, confirme le père Model. Pour lui, “Jésus-Christ est le cœur de la foi. C’est par le Christ que le chrétien mesure et apprécie tout”. (…)

Le christianisme, répétait-il, ce n’est pas d’abord un ensemble de dogmes et de préceptes moraux, c’est Jésus-Christ lui-même. »

Une expérience du Christ « qui peut s’acquérir aussi bien dans la contemplation que l’action, dans la prière ou l’engagement dans la cité ».

« Celui qui a toujours transmis à ses disciples une grande liberté intérieure mettait aussi en garde contre ce qu’il appelait la “tentation essénienne”, c’est-à-dire le risque, notamment pour les nouveaux convertis, de se considérer comme des “immigrés de l’intérieur” vivants comme retranchés du monde extérieur », ajoute Yves Hamant qui souligne combien, aujourd’hui, ce clivage entre retrait du monde et engagement dans le monde surpasse aujourd’hui les différences confessionnelles.

Le pape François et le père Men : de nombreux points communs
On le retrouve ainsi dans « le pari bénédictin » de l’Américain Rod Dreher, passé justement du méthodisme au catholicisme avant de se tourner vers l’orthodoxie et qui affiche désormais des positions très hostiles au pape François qu’il accuse de ne pas être à la hauteur pour faire face à la crise que traverse l’Église.

Estimant qu’il n’est plus possible de vivre en chrétien dans le monde, l’auteur américain prône un retrait, à rebours de l’ouverture et de la mission encouragées par François.

Yves Hamant trouve à l’inverse beaucoup de points communs entre le prêtre russe et le pape argentin qui se sont tous deux donné comme tâche principale « d’amener les gens au Christ », en témoignant sans idéologie « de la présence vivante de Dieu en nous ».

« Il ne peut s’agir ici d’influence réciproque, concède-t-il. On ne saurait suspecter le père Men de “cryptobergoglisme”, ni penser que François est familier de l’œuvre du père Alexandre. Il s’agit d’une coïncidence, qui n’est pas fortuite, entre deux pasteurs de milieux différents, mais confrontés aux mêmes défis de notre temps. »

Il relève néanmoins que « ce dont parle François, le père Alexandre l’a mis en œuvre voici plusieurs décennies. C’est pourquoi son expérience pastorale mérite d’être prise en compte et étudiée par les chrétiens de diverses confessions. Ne peut-on voir dans le père Men un modèle de pasteur pour notre temps ? »

Nicolas Senèze pour La Croix

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10 septembre 2021 5 10 /09 /septembre /2021 19:30
Essai de reconstitution du visage de Marie-Madeleine
Essai de reconstitution du visage de Marie-Madeleine
Essai de reconstitution du visage de Marie-Madeleine
Essai de reconstitution du visage de Marie-Madeleine

Dans le village médiéval de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (département du Var), une crypte cachée sous une basilique abrite les restes humains parmi les plus célèbres du monde : un crâne et des os qui, selon la rumeur, appartiendraient à la compagne de Jésus, Marie-Madeleine. Un scientifique et un artiste ont reconstitué le visage de cette femme à partir de sa dépouille, afin d'obtenir un aperçu de ce à quoi elle ressemblait de son vivant.

La reconstruction faciale a été réalisée à partir d'une modélisation 3D du crâne et dépeint une femme au nez pointu, aux pommettes rehaussées et au visage rond. Pour ceux qui pensent que les os sont ceux de Marie-Madeleine, il s'agit du visage de l'une des femmes les plus tristement célèbres de l'Église catholique. 

« Nous ne sommes absolument pas certains qu'il s'agisse du véritable crâne de Marie-Madeleine », reconnaît Philippe Charlier, anthropologue en biologie à l'université de Versailles, « mais il était essentiel de le sortir de l'anonymat ». L'anthropologue a collaboré avec Philippe Froesch, un portraitiste judiciaire, afin de réaliser cette reconstitution.

Marie-Madeleine est depuis longtemps une figure controversée au sein de l'Église catholique. À compter du 5e siècle, elle est décrite comme une prostituée mais également comme la femme de Jésus, selon certaines théories populaires toujours infondées.

Lors d'un entretien accordé à National Geographic en 2004, Karen King, professeure à la faculté de théologie d'Harvard, souligne que les seules preuves probantes du rôle endossé par Marie-Madeleine la désigne comme une disciple de Jésus. À l'époque, la professeure laisse entendre que Marie-Madeleine aurait peut-être joué un rôle essentiel dans le développement des premiers fondements du christianisme.

Selon le livre Origins of the Magdalene Laundries, écrit par Rebecca Lea McCarthy, les rumeurs selon lesquelles ses restes reposeraient dans le sud de la France se sont répandues comme une traînée de poudre en 1279. Depuis, ils auraient été « découverts » dans au moins cinq autres régions, écrit l'auteure.

Malgré des preuves non concluantes sur ce qu'il est advenu de Marie-Madeleine, Froesch et Charlier souhaitaient mettre un visage sur le célèbre crâne de Saint Maximin.

Ils ont commencé à s'intéresser au crâne il y a trois ans, lorsque le portraitiste judiciaire travaillait à la reconstruction faciale d'un autre crâne dans le sud de la France. Il a alors fait un détour jusqu'au village de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et, lors d'une visite dans la basilique, explore la crypte où se trouve la vitrine de verre abritant le crâne.

Depuis la dernière analyse du crâne en 1974, la vitrine qui l'abrite est verrouillée. Les chercheurs ont contourné l'obstacle en prenant plus de 500 photographies de différents angles du crâne. À partir de ces images, ils sont parvenus à générer un modèle 3D généré par ordinateur du visage, révélant la taille du crâne, les pommettes et la structure des os.

Grâce à ces informations, ils ont progressivement découvert que le crâne était celui d'une femme disparue à environ 50 ans, d'origine méditerranéenne. Des lignes trigonométriques basées sur des caractéristiques relatives à l'âge, le sexe et l'origine du crâne ont permis de déterminer la forme du nez et d'autres traits.

Des photographies de cheveux trouvés sur le crâne ont révélé que cette femme avait les cheveux bruns, tandis que son teint a été déterminé à partir de la carnation généralement observée chez les femmes méditerranéennes. Un type d'argile utilisé depuis longtemps dans la prévention des poux a également été décelé sur ses cheveux.

Certaines caractéristiques, telles que le poids ou l'expression du visage, sont le fruit des interprétations de Froesch et Charlier.

Selon Philippe Froesch, ce procédé est inspiré des techniques médico-légales développées par le Bureau fédéral américain d'investigation et est généralement employé dans le cadre d'enquêtes criminelles.

À l'avenir, Philippe Charlier souhaiterait extraire le crâne de sa vitrine afin de poursuivre les recherches. Des techniques comme celle de la datation carbone, qui permet de déterminer l'ancienneté d'un artefact, ne peuvent être utilisées qu'en extrayant de petites parties du crâne, chose à laquelle s'oppose l'Église catholique.

L'anthropologue espère également pouvoir un jour réaliser des tests ADN sur les restes afin d'en déterminer l'origine géographique.

Charlier et Froesch insistent sur le fait que les recherches ont été menées indépendamment de l'Église et dans un cadre universitaire. Ils ont toutefois montré leurs images aux responsables religieux du village, qui ont fait montre d'enthousiasme face à cette reconstitution.

Selon Philippe Froesch, le fait de travailler sur une figure aussi célèbre « est très émouvant ».

Si les chercheurs ne disposent pour l'instant que d'un visage, ils espèrent un jour reconstituer le corps entier à partir des os du fémur et des côtes qui se trouvent aux côtés du crâne.

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23 août 2021 1 23 /08 /août /2021 19:30
Marie-Madeleine

Qui est cette femme de Palestine naturalisée provençale ? Quel message est-elle venue nous apporter ?

En 591, le pape Grégoire le Grand réunit trois femmes en une seule, Marie Madeleine. Dans les Evangiles, on trouve trois personnages différents : Marie Magdala, la femme guérie par Jésus, qui constate la résurrection et l’annonce aux apôtres ; Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare, l’amie de Jésus qui oint ses pieds et les essuie avec ses cheveux ; la pécheresse anonyme de l’Evangile de Saint Luc.

Le personnage de Marie Madeleine change au fil des siècles : l’évangélisatrice de la Provence va se muer en ermite dans les légendes du Moyen Age. Pour les Dominicains qui gardent la grotte de la Sainte Baume depuis la fin du 13ème siècle, Marie Madeleine est la patronne des prêcheurs. Ils n’ont pas cessé de s’interroger sur le statut de pénitente de Marie Madeleine, une pénitente amoureuse qui préfère rester seule dans sa joie.

Selon la légende provençale, Marie-Madeleine aurait débarqué sur les rivages des Saintes-Maries-de-la-Mer, fuyant les pressions de la Palestine avec sa soeur Marthe, son frère Lazare, ses servantes Marie-Salomé et Marie-Jacobé et l’apôtre Maximin. Marie-Madeleine et Lazare partent à Marseille pour évangéliser la ville, Marthe va à Tarascon et Maximin rejoint Aix-en-Provence. Marie-Madeleine quitte enfin Marseille, remonte le cours de la rivière Huveaune et vient se retirer dans la grotte de la Sainte-Baume où elle vécut trente années en ermite. Sentant sa fin prochaine, Marie-Madeleine redescend jusqu’à Saint-Maximin pour mourir dans les bras de l’apôtre et y être enterrée. Cette tradition, racontée par Jacques de Voragine en 1260, proviendrait de l’abbaye de Vézelay. En 1279, des reliques du tombeau sont authentifiées par l’Eglise et Charles II fait construire dessus la basilique sainte Marie-Madeleine pour accueillir les nombreux pèlerins.

Marie Madeleine est-elle vraiment venue à la Sainte Baume ? L’important n’est pas la vérité historique mais l’expérience spirituelle que font en sa présence ceux qui désirent être sauvés et qui trouvent auprès d’elle un secours.

Légende et tradition ont un fondement commun : les textes évangéliques dans lesquels Marie Madeleine atteste de l’importance du corps dans le christianisme. Marie Madeleine touche le corps de Dieu fait homme, elle a fait l’expérience d’une relation personnelle avec Dieu. Comme toutes les femmes des Evangiles, c’est aussi une femme conséquente qui reste auprès de Jésus quand les disciples le quittent. Cette figure féminine de l’amie et de l’amour annonce à l’homme, à l’institution, à l’autorité que le Christ est ressuscité. Marie Madeleine donne du poids à l’argumentation pour que les femmes ait plus de place dans l’Eglise.

Le message évangélique de Marie Madeleine : elle incarne l’amour de Dieu pour chaque personne et sa conversion n’a pas changé sa personne mais « l’orientation et la qualité de son cœur ».

À travers la parole de témoins érudits et de fervents passionnés, le film cherche à percer le mystère de l’enracinement durable de Marie-Madeleine en Provence et propose une méditation sur le visage contemporain de celle qui permet aux dominicains de la Sainte-Baume de « parler du Christ avec les yeux d’une femme ».

Production : CFRT/ France Télévisions

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