J’ai perdu ma vie et c’est une profonde satisfaction.
Si vous vivez, vous perdez.
Il n’y a pas moyen de faire autrement.
J’ai adoré un visage de terre cuite que la mort a brisé.
Les livres sont comme la vie : ils s’éloignent après nous avoir parlé.
De leur passage demeure une couleur, la déclaration de guerre d’un rire, l’intelligence d’un silence, un détail se referme sur le tout et le protège.
Dans les yeux furieux des nouveau-nés, ou dans le cri d’un geai avertissant le Christ de l’approche des soldats au mont des Oliviers – la même lumière.
Devant l’autel de l’abbatiale, sur une dalle bombée avec des creux comme un vieux béret, je l’ai vue de loin : une tache de lumière.
Toute l’abbatiale avait été construite autour d’elle, pour qu’elle vienne et revienne chaque jour à la même heure, qu’elle apparaisse là, un sou de soleil, monnaie de la sublime perte des jours – ramassée par personne ou bien par le diable qui est incapable de perdre.
La Nuit du cœur (2018, Gallimard)
Christian Bobin
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En 2017, Christian Bobin fait un séjour dans un hôtel donnant sur l’abbatiale du XIe siècle de Conques (Aveyron), dont les vitraux ont été réinventés par Pierre Soulages. Il détaille la lumière blonde de cet espace, le jeu du noir et blanc, un papillon qui se pose et qui, d’un éclair, fait le lien entre ce lieu et sa propre vie au Creusot. Un voyage instantané. Pour commencer ou finir la longue traversée, d’un poème toujours à dire.
Retrouvez les œuvres de Christian Bobin dans le volume de la collection « Quarto », Les Différentes Régions du ciel (Gallimard, 1 024 p., 26 €).
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