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2 août 2022 2 02 /08 /août /2022 19:30

Flore et le chaud Phébus revenaient sur la terre
Toujours les flots grondants se brisaient sur Cythère
Et la blonde Vénus adorée en ces lieux,
Dans son temple écoutait le chant des hymnes pieux.

L'Olympe s'emplissait ; le Maître du tonnerre
Mandait tous ses enfants qui venaient vers leur père :
Quelque chose d'étrange était alors au cieux,
Les puissants immortels étaient devenus vieux.

Mais tout à coup le ciel s'abime dans l'espace,
Et la race divine en un instant trépasse.
Une voix fendant l'air crie au monde confus :

"Jésus va naître enfin et son règne commence
"Il naît pauvre à Béthlem, son pouvoir est immense
"Pan, le grand Pan est mort et les dieux ne sont plus !"

                                               W de K, 3-7-951   

Pan est mort est un poème de jeunesse de Guillaume Apollinaire. Composé en langue française, il est écrit en juillet 1895, alors que celui que l'on appelle encore Wilhelm de Kostrowitzky et qui signe ici « W. de K. » va entrer en classe de troisième au collège Saint-Charles de Monaco. Sonnet mettant en scène la fin du panthéisme avec l'avènement du Christ, il est dédié à Charles Tamburini, qui avait accueilli l'auteur au sein d'une congrégation religieuse.

***

C’est au IV° siècle que le christianisme comme civilisation l’emporta sur le paganisme. Ce fut son combat fondamental, un moment capital. De grands romantiques comme Michelet et Heine n’ont pas manqué de nous rappeler une légende que racontaient les Anciens :

« Certains auteurs nous assurent que peu de temps avant la victoire du christianisme, une voix mystérieuse courait sur les rives de la mer Egée disant : ‘Le grand Pan est mort’.

L’antique Dieu universel de la Nature était fini. Grande joie…

S’agissait-il simplement de la fin de l’ancien culte, de sa défaite, de l’éclipse des vieilles formes religieuses ?

Point du tout. En consultant les premiers monuments chrétiens, on trouve à chaque ligne l’espoir que la Nature va disparaître, qu’enfin on touche à la fin du monde. ».

Ainsi s’exprime Michelet au début de La sorcière.

***

Quant à la mort des êtres de cette sorte, voici ce que j'ai entendu dire à un homme qui n'était ni un sot ni un hâbleur. Le rhéteur Emilien, dont certains d'entre vous ont suivi les leçons, avait pour père Epitherses, mon compatriote et mon professeur de lettres.

Il me raconta qu'un jour, se rendant en Italie par mer, il s'était embarqué sur un navire qui emmenait des marchandises et de nombreux passagers.

Le soir, comme on se trouvait déjà près des îles Echinades, le vent soudain tomba et le navire fut porté par les flots dans les parages de Pacos.

La plupart des gens à bord étaient éveillés et beaucoup continuaient à boire après le repas. Soudain, une voic se fit entendre qui, de l'île de Pacos, appelait en criant Thamous. On s'étonna.

Ce Thamous était un pilote égyptien et peu de passagers le connaissaient par son nom. Il s'entendit nommer ainsi deuz fois sans rien dire, puis, la troisième fois, il répondit à celui qui l'appelait, et celui-ci, alors, enflant la voit, lui dit : « Quand tu seras à la hauteur de Palodes, annonce que le grand Pan est mort. »

« En entendant cela, continuait Epitherses, tous furent glacés d'effroi.

Comme ils se consultaient entre euc pour savoir s'il valait mieux obéir à cet ordre ou ne pas en tenir compte et le négliger, Thamous décida que, si le vent soulait, il passerait le long du rivage sans rien dire, mais que, s'il n'y avait pas de vent et si le calme régnait à l'endroit indiqué, il répéterait ce qu'il avait entendu.

Or, lorsqu'on arriva à la hauteur de Palodes, il n'y avait pas un souffle d'air, pas une vague.

Alors Thamous, placé à la poupe et tourné vers la terre, dit, suivant les paroles entendues : « Le grand Pan est mort. »

A peine avait-il fini qu'un grand sanglot s'éleva, poussé non par une, mais par beaucoup de personnes, et mêlé de cris de surprise. »

« Comme cette scène avait eu un grand nombre de témoins, le bruit s'en répandit bientôt à Rome, et Thamous fut mandé par Tibère César.

Tibère ajouta foi à son récit, au point de s'informer et de faire des recherches au sujet de ce Pan.

Les philologues de son entourage, qui étaient nombreux, portèrent leurs conjectures sur le fils d'Hermès et de Pénélope. »

Et Philippe vit son récit confirmé par plusieurs des assistants, qui l'avaient entendu raconter à Emilien dans sa vieillesse.

PLUTARQUE, La disparition des oracles, 17 (traduction Flacelière).


La première interprétation est celle proposée par Eusèbe au 5e livre de sa Praeparatio Evangelica (chap. 18, 13).

L'évêque de Césarée, après avoir cité intégralement le passage de Plutarque, le commente de la manière suivante : « Il vaut la peine de rechercher l'époque de la mort de ce démon. C'est l'époque de Tibère, époque à laquelle il est écrit que Notre Sauveur, vivant parmi les hommes, chassa loin de la vie des hommes toute la race des démons (pan génos daimnôn).

A tel point que certains démons se jetèrent à ses genoux et le supplièrent de ne pas les livrer au Tartare (allusion évidente à Luc 8, 31 : kai parekdloun autòn hìna më epitdcëi autots eis tèn dbusson apelthetn). 

Ainsi donc on connaît l'époque de la purification des démons, qui n'est pas éloignée du temps mentionné ; tout comme la suppression des sacrifices humains suivit de peu la proclamation de la bonne nouvelle. »

Cette interprétation se fonde sur l'étymologie « populaire » du nom de Pan, compris dès Platon comme signifiant le tout (jeu de mots Pân - pan), et interprété par Eusèbe à la suite peut-être de Plutarque mais dans un sens différent comme symbolisant la totalité des démons, c'est-à-dire des dieux ou demi-dieux du polythéisme gréco-romain, chassés par le Christ.

La seconde lecture du récit de la mort du grand Pan repose sur la même étymologie, mais débouche sur une interprétation absolument opposée : le « tout » dont la mort fut proclamée sous Tibère, c'est le Christ lui-même.

Cette exégèse de type panthéiste apparaît dès le xvre siècle, chez Rabelais surtout qui la rendit célèbre en la plaçant dans la bouche de Pantagruel au chapitre 27 du Quart Livre (paru en 1552).

Le plus ancien témoignage de cette équation remonte à l'Espagnol Pedro Mexia, dans sa Silva de varia leccion, qui date de 1542.

On la retrouve sous la plume d'un ami du cardinal du Bellay, Guillaume Bigot, dans son Christianae Philosophiae Praeludium, publié à Toulouse en 1549. Il faut toutefois relever que le xvre siècle conserve, tout aussi présente, l'interprétation d'Eusèbe.

...

le grand Pan est bel et bien mort sous Tibère, telle est la donnée du texte.

Un tel événement s'inscrit dans le climat d'une époque marquée par la fréquence des signes et des prodiges ainsi que par l'importance, dans l'Empire, de certains mouvements de type messianique révolutionnaire.

Il paraît certain que, dans un contexte de ce type, Tibère entendit parler aussi de la mort du Christ, c'est-à-dire d'un homme accusé de se prétendre roi, et que certains considéraient comme un dieu, exécuté en Judée sous le mandat du procurateur Pilate ; ce dernier, magistrat désigné par l'empereur, devait nécessairement se trouver en rapport avec lui.

Une tradition rapportée par Tertullien veut que Pilate ait envoyé à Tibère un dossier sur la religion des chrétiens de Palestine, peu après la mort du Christ (Eusèbe17 date cette relation de 35 apr. J.-C.).

L'empereur aurait alors proposé au Sénat de reconnaître la divinité du Christ, c'est-à-dire d'accorder au christianisme, le statut de religio licita, ce qui fut refusé.

Il se peut que Tacite (Ann., XV, 44) tire la connaissance qu'il a du procès du Christ de ce rapport. 

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