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Résumé
La révolution d’octobre 1917 et la guerre civile qui s’ensuivit en Russie eut comme conséquence l’émigration de millions d’orthodoxes russes vers les pays de l’Europe occidentale et plus particulièrement la France. Persuadés depuis le début du déracinement que leur exile avait un caractère providentiel, les orthodoxes russes de France ont œuvré pour la réalisation d’une synthèse qui permettrait le rapprochement entre les chrétiens d’Orient et d’Occident et aboutirait au dépassement définitif des dilemmes identitaires historiques. Durant la période 1925-1953, la reconnaissance du français comme langue liturgique orthodoxe, la fondation de la première paroisse orthodoxe de langue française, l’acceptation dans l’orthodoxie d’un groupe chrétien français utilisant une ancienne forme liturgique gallicane, la recherche pour la reconstitution dudit « rite des Gaules » et les efforts pour l’organisation ecclésiastique d’une « orthodoxie française » sous l’obédience du patriarcat de Moscou, sont des exemples montrant l’engagement sincère de certains esprits pionniers au sein de l’émigration russe pour la réalisation d’une orthodoxie authentiquement occidentale.
Extraits
... une deuxième tendance était en train de se former, représentée par un petit groupe de jeunes militants russes de culture occidentale qui poussaient encore plus loin cette même conception providentielle.
Pour eux, la dispersion des orthodoxes n’offrait pas seulement une occasion historique de renouer le dialogue avec les chrétiens de l’Occident, mais surtout une possibilité de dépassement définitif des clivages historiques et culturels entre l’Orient et l’Occident et de développement d’une orthodoxie qui serait authentiquement occidentale.
Élevés dans des écoles catholiques et n’acceptant pas le prosélytisme ouvert ou latent que l’Église catholique exerçait parmi les émigrés orthodoxes en France, ces jeunes Russes, proches de l’Institut Saint-Serge mais regroupés au sein de la confrérie Saint-Photius qu’eux-mêmes avaient créée en 1925, se voulaient le fer de lance d’une Église orthodoxe missionnaire et militante15 tout en étant ouverts à la culture occidentale. « Nous étions un groupe d’étudiants, tous farouchement orthodoxes, très ouverts à la culture européenne et à la pensée moderne », écrivait Maxime, l’un des frères Kovalevsky, initiateurs de la confrérie.
Leurs objectifs principaux, renouer avec le passé orthodoxe de l’Occident d’avant le schisme et faire ressurgir en Occident même la tradition de l’Église indivise à partir de sources locales latentes les incitaient à une redécouverte constante du caractère catholique et universel de l’orthodoxie au-delà des cloisonnements ethnoculturels ; pour eux, l’orthodoxie ne devait pas être exclusivement russe, slave ou grecque mais capable d’intégrer toutes les cultures.
Dans leur manifeste, publié en 1925, ils proclamaient :
Nous proclamons et confessons que l’Église orthodoxe est, dans son essence, la vraie Église du Christ ; qu’elle n’est pas seulement orientale, mais qu’elle est l’Église de tous les peuples de la terre, de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Sud ; que chaque peuple, chaque nation a son droit personnel dans l’Église orthodoxe, sa constitution canonique autocéphale, la sauvegarde de ses coutumes, ses rites, sa langue liturgique.
Dans un article écrit pour le premier numéro du bulletin paroissial La Voie, le père Lev Gillet expliquait avec clarté sa vision de l’ecclésiologie orthodoxe qui avait inspiré la création de la première paroisse orthodoxe française :
... Et comme l’Orthodoxie n’est pas byzantine ou slave, mais universelle, il appartient aux Orthodoxes occidentaux de créer un type d’Orthodoxie propre à l’Occident qui, par un retour aux sources traditionnelles locales, pourra sur certains points différer notablement du type oriental. (…)
Français de nationalité ou de langue, nous nous sentons liés à l’ancienne tradition « orthodoxe » de la France, à la France « très chrétienne » des siècles où l’Orient et l’Occident n’étaient pas séparés. Saint Irénée (qui fut le trait d’union entre l’Orient et l’Occident), les martyrs de Lyon et de Vienne, saint Denys, saint Martin de Tours, sainte Geneviève : tels sont quelques-uns des grands noms auxquels nous voulons nous rattacher.
Mais nous ne nous sentirons étrangers ni à Saint Louis, ni à Jeanne d’Arc, ni à Pascal. Et, tout ce que le cœur français et l’intelligence française d’aujourd’hui créent de bon et de grand, nous voulons aussi le sentir nôtre, le consacrer au Christ, le faire orthodoxe.
Notre action religieuse ne se limite pas à un pays.
L’Orthodoxie française peut offrir une langue commune aux divers groupes ethniques orthodoxes. Elle peut ainsi travailler dans le sens de cette œcuménicité et de cette catholicité que tant d’âmes désirent aujourd’hui....« L’Orthodoxie n’est pas un rite, elle contient tous les rites. »
... Dans son dernier article, publié juste avant sa mort en mars 1937, et qui allait prendre un caractère d’héritage spirituel...: Il ne s’agit pas de créer une Église russe de plus en France ni même une Église orientale de langue française, il s’agit de réaliser, avec l’aide de l’Église de Russie, l’Église orthodoxe d’Occident, ayant, ou plus exactement, gardant son rite occidental, sa liturgie propre, ses traditions particulières, sa vie, son administration et devant aboutir un jour à l’exercice d’une autonomie
complète.
... Dans sa lettre sur la mise au point du rite occidental par cette église de mission, le métropolite Serge de Moscou écrivait : Nous ne devons imposer notre rite oriental à personne sous quelque rédaction que ce soit.
Que quiconque le désire se serve du rite occidental. (…)
L’usage parallèle de deux formes de Liturgie, en particulier de la Liturgie eucharistique, n’est pas contraire à la Tradition, la seule chose à éviter étant l’improvisation, car il est nécessaire que la Liturgie procède d’une Tradition authentique, par exemple gallicane pour les Français ou romane expurgée.
... Ainsi, après plusieurs années de travail minutieux, le 1er mai 1945, la première célébration selon l’ancien rite des Gaules put finalement avoir lieu en l’église Saint-Irénée.
L’émotion des participants pour la première réalisation de cette œuvre exigeante était si intense qu’Eugraph Kovalevsky écrivit qu’« il semblait que les tombeaux s’ouvraient, que les Germain, les Césaire, les Martin, les Hilaire, suivis de leurs innombrables fidèles anonymes des premiers siècles, se levaient pour participer aussi à l’“œuvre en commun” de la liturgie ».
Vasileios Pnevmatikakis
L’émigration russe et la naissance d’une orthodoxie française 1925-1953
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