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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 20:39
La Vierge noire de Paris

aussi connue sous le vocable de Notre-Dame de Bonne Délivrance

Aux pieds de la Vierge Noire, vénérée jadis sur la montagne Sainte- Geneviève dans l'antique sanctuaire de Saint-Étienne-des-Grès, saint François de Sales obtint la délivrance d'une grande tentation. Rois, princes, Parisiens de toute condition s'enrôlèrent en grand nombre dans l'illustre « confrérie royale » placée sous son vocable.
 
Sauvée à la Révolution, la Madone miraculeuse n'a cessé de répan- dre ses faveurs sur les nombreux pèlerins qui, pendant le XIXe siècle, venaient la prier dans la petite église de la rue de Sèvres. On la vénère aujourd'hui à Neuilly-sur-Seine, dans la chapelle des sœurs hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve.

 

Le visage, les mains et les pieds de la Vierge et de l'Enfant sont couleur d'ébène.

Une Vierge noire », ce n'est pas chose ordinaire dans une église de Paris, et il a fallu quelque raison sérieuse qui inclinât l'artiste à s'écarter des usages habituels de l'iconographie.

Le problème de l'origine des Vierges noires qui sont dans le monde chrétien un érudit en a compté récemment plus de 272 nous fait remonter jusqu'aux techniques de l'Antiquité païenne.

On constate qu'à l'époque préchrétienne, la couleur noire appliquée intentionnellement à certaines statues ou peintures, représente très certainement un privilège celui des dieux et des déesses, des empe- reurs ou des grands personnages.

D'autre part, dans un grand nombre de cas, il y a un rapport certain entre le teint noir donne à des statues de déesses et l'idée de parturition et de fécondité.

En Arcadie, la statue noire de Démeter est vénérée dans une grotte ou plus tard s'erigera un oratoire chrétien: la « Mère des dieux », figurée par un aerolithe noir, remis aux Romains par Attale en 204, fut portée à Lyon pour attirer la fécondité sur les terres.

En Gaule, on avait un culte particulier pour les « Matres noires », et souvent, on a confondu leurs images avec celles de la Mère de Dieu.

Pour faire pièce au culte païen, fort tenace, le christianisme naissant dut lui emprunter plus d'une fois, en les sublimant, fêtes, pratiques, et même des themes iconographiques. Il arriva ainsi qu'en maints endroits, pour supplanter le culte des déesses noires, les chrétiens érigérent des statues de la Mère de Dieu, qu'ils firent noires aussi.

Ce privilège du « noir » passa donc très anciennement à l'iconographie chrétienne. Il se retrouve dans les icônes orientales où le visage de la Theotokos a été souvent noirci.

De ce type est la fameuse « Vierge de saint Luc» et de ses multiples copies.

En 449, l'original de cette image qu'on attribuait à saint Luc, aurait été envoyé à Jérusalem par Eudoxie à l'impératrice Pulchérie. Plus tard, cette image, ou une copie, se retrouve à Rome dans la basilique de Libère (Sainte-Marie Majeure) que desservaient des moines grecs.

Dès lors, les pèlerins qui venaient en foule à Rome, pouvaient vénérer l'insigne image de la Vierge, et pendant des siècles les artistes chrétiens ne crurent pouvoir mieux faire que de la représenter en conforme ou de s'en inspirer.

Aux XIe et XIIe siècles, les artistes chrétiens de l'Occident ont une préférence marquée pour la statuaire; mais des anciennes icônes de la Vierge Marie, ils retiennent le hiératisme de la pose et de la physionomie, qui se retrouve dans les très nombreuses Vierges assises du Midi de la France; parfois ils ont aussi retenu les couleurs, et c'est ainsi que plusieurs de ces « Majesté Sainte Marie », celle de Chartres par exemple, sont aussi des Vierges noires.

Les plus anciennes de ces Vierges noires que nous possédons encore, malgré les légendes qui tendent à les vieillir, ne remontent guère au-delà du XIIe siècle.

On a cru parfois que le texte du Cantique des Cantiques: nigra sum, sed formosa, texte que les liturgies les plus anciennes ont repris en l'appliquant à Notre-Dame, avait pu inspirer certains « imagiers »  de Vierges noires. La chose n'est pas exclue; mais on devra recon- naître que, dans le sens obvie de ce texte, la beauté de la Vierge n'est pas liée tout au contraire - au teint d'ébène de son visage.

Plusieurs Vierges noires ont pu avoir une origine différente. On sait par exemple que pendant des siècles, avant d'appliquer les couleurs à l'image de la Vierge, les artistes revêtaient l'icône d'une engobe noire.

Avec le temps, les couleurs pouvaient pâlir, et le noir de l'engobe réapparaître.

Enfin, d'autres « Vierges noires ont pu devenir telles, naturelle- ment, avec le temps.

Les plus anciennes Vierges noires étaient presque toujours de bois incorruptible, cèdre ou chêne selon les pays. En vieillissant, le bois naturellement sombre vire au brun, et s'il séjourne dans un lieu humide, il devient noir en peu de temps.

Tel fut le cas, parmi bien d'autres, de la célèbre « Vierge noire » de Rocamadour, aujourd'hui disparue.

Si comme nous le croyons, la Vierge Noire de Paris, dont nous retraçons l'histoire, a été peinte au XVIe siècle, il est à croire que notre artiste aura voulu, très intentionnellement, faire de la statue de pierre du XIV une « Vierge noire », afin de lui conférer un prestige de surcroît, prestige dont jouissaient alors les anciennes Madones noires vénérées dans les plus célèbres pèlerinages mariaux de France.

Noires ou blanches, n'importe, c'est l'image de la Vierge Marie: devant toutes ces Madones, le cœur du chrétien peut exprimer des sentiments d'admiration, de louange, de gratitude et d'affection; il peut encore leur exposer toutes ses nécessités.

Toutefois, on constate que les pèlerins et les dévots des temps anciens attribuaient aux Vierges Noires un pouvoir très spécial pour ce qui touche la fécondité aux Vierges Noires, les femmes mariées s'adressaient pour obtenir le don d'un enfant, et les mères proches de leur terme, le bienfait d'une heureuse délivrance.

Dans la suite, cette « spécialité » s'étendit à d'autres « délivrances»: à celle des prisonniers par exemple, et finalement à toute espèce de nécessités et de détresses. Telle nous paraît être l'origine du vocable de « Notre-Dame de Bonne Délivrance », attaché de temps immémorial à la Vierge Noire de Saint-Étienne-des-Grès.

Ce vocable de «Notre-Dame de Bonne Délivrance» n'est pas propre à la Madone de Saint-Étienne-des-Grès. Dans ce sanctuaire, il fut aussi ancien que la statue, c'est-à-dire qu'il remonte au XIVe siècle. Mais à une époque postérieure, surtout à partir du XVIe siècle, devenu très populaire, il se répand.

C'est ainsi qu'on le retrouve dans deux églises de Paris: en celle de Saint-Gervais d'abord (10), à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou ensuite (11). Il est permis de se demander si le culte si extraordinaire que Notre-Dame de Bonne Délivrance recevait depuis des siècles dans l'église de Saint Étienne-des-Grès ne contribua pas à rendre ce vocable cher à la dévotion mariale des Parisiens, qui spontanément l'auraient attaché à d'autres Madones de la capitale.

Quoi qu'il en soit, dans le Paris du XIV au XVIIIe siècle, ce titre de Notre-Dame de Bonne Délivrance » était par excellence et sans confusion possible (12), celui qui était attaché à la célébre Madone de Saint-Étienne-des-Grés, au pied de qui saint François de Sales, et après lui une théorie de saints dévots vinrent prier; elle seule dans le Paris de cette époque avait une confrérie, et une confrérie combien prospère, conservait encore à la fin du XIXe siècle, tandis que les registres de l'archevéché désignait cette église sous celui de Saint-Pierre-du-Gros-Caillou. (Extrait de la notice historique sur la paroisse de Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, par l'abbé Barthélémy, Paris 1899).

Dom Jacques de BASCHER

8. La Vierge de Saint-Luc, actuellement vénérée dans la basilique de Sainte-Marie Majeure, est classée XIII siècle par les spécialistes.

9. L'Épouse du Cantique, symbole de la Vierge Marie, ne dit pas qu'elle est belle parce que noire, mais au contraire je suis noire, et pourtant belle (Cantique, ch. 1, verset 4). Elle ne dit pas non plus que son teint est celui d'une femme noire, mais qu'elle est basanée (fus- ca sim), brunie sous l'action du soleil (verset 5), comme le teint des Israéliennes d'aujourd'hui.

10. Nous retrouverons plus loin la Madone de Saint-Gervais. Cette statue du XIV° siècle fut installée à Saint-Gervais au XVIe siècle; on la vénéra d'abord sous le titre de Notre-Dame de Souffrance; plus tard, la dévotion populaire celle des futures mères changea ce vocable en celui de Notre-Dame de Bonne Délivrance. Cette statue qui n'avait pas de confrérie spéciale, fut délaissée en 1768; on la retrouva seulement en 1864: c'est alors que l'église de Saint-Gervais encouragea la dévotion à cette statue. Louis Brochard: Saint- Gervais. Histoire du monument d'après de nombreux documents inédits: Paris 1938, pp. 120- 121.

11. A Paris, le vocable de Notre-Dame de Bonne Délivrance est attaché aussi à une église, celle de Saint-Pierre-du-Gros-Caillou. Cette église, achevée en 1738, avait été placée officiel- lement sous le patronage de l'Assomption de la Sainte Vierge, mais les habitants la dénom- mèrent spontanément Notre-Dame de Bonne Délivrance», désignation populaire

12. Dans le « Calendrier des Confréries de Paris», publié en 1621 par Jean-Baptiste Masson (réédité par V. Dufour en 1875), parmi toutes les confrèries parisiennes de cette époque on n'en rencontre qu'une seule sous le vocable de Notre-Dame de Bonne Délivrance. Dans cet ouvrage elle est désignée sous le titre de la Grande Confrérie de dévotion de Notre-Dame de Bonne Délivrance, dit la Charité (à Saint-Étienne-des-Grés), p. 30.

PRIÈRE À NOTRE-DAME DE BONNE DÉLIVRANCE

Je vous supplie, ô très sainte Vierge Marie, digne Mère de Dieu, d’avoir pitié de moi, de m’obtenir de votre très cher Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, la santé du corps et de l’âme, ainsi qu’il sera convenable pour sa plus grande gloire et pour mon salut.

Et comme sa divine Providence nous a permis de vous honorer et de vous invoquer sous divers titres, j’ai recours à vous sous celui de Notre Dame de Bonne Délivrance, ô très Sainte Vierge, Mère de Dieu !

Je vous supplie, avec toute l’humilité et la confiance qu’il m’est possible, de me secourir dans mon extrême nécessité,  et de m’obtenir principalement une véritable douleur, contrition et rémission de tous mes péchés.

Je me ferai un devoir de publier toute ma vie le pouvoir que Vous avez auprès de Dieu.

A combien de pécheurs désespérés de leur salut avez-Vous obtenu la conversion!

A combien de personnes affligées de maladies incurables avez-Vous obtenu la santé !

A combien de justes avez-Vous obtenu la persévérance dans la grâce !

Et enfin, on n’a jamais entendu dire que Vous eussiez rejeté aucun de ceux qui, avec confiance, Vous ont humblement invoquée, quelque misérable qu’il ait été.

J’espère aussi, ô Vierge Sainte, que Vous m’accorderez les grâces que je Vous demande, que Vous m’obtiendrez le remède de toutes mes peines spirituelles et temporelles, que Vous m’assisterez durant ma vie, et principalement à l’heure de ma mort.  

Amen.

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