Ne pourrait-on pas concilier résurrection et réincarnation ? Après quelques vies, qui donneraient plus de chances de se réaliser malgré les inégalités qui hypothèquent tant d'existences humaines, nous nous retrouverions tous enfin dans la lumière de la résurrection..."
Cette réflexion, c'est une catholique pratiquante, engagée dans l'Eglise, qui me l'a exprimée récemment.
Pour certains chrétiens, l'important est la croyance dans une vie après la mort et la foi dans la résurrection. Vivre plusieurs existences rétablirait la justice et représenterait une opportunité pour la croissance spirituelle.
Pourtant, l'incarnation du Christ nous enseigne l'importance de notre corps pour la vision béatifique. Nous disons : "Je crois en la résurrection de la chair".
Contrairement à ce qui a pu être diffusé autrefois dans certains milieux, non seulement notre corps n'est pas fatalement un obstacle à notre vie spirituelle (même s'il peut l'être dans certains cas), mais il est d'abord le lieu de notre salut. Notre croissance spirituelle s'incarne et se déploie à travers une affectivité et un corps que nous "avons" et que nous sommes.
Celui-ci est notre point de vue sur le monde, notre instrument de communication, la mémoire de notre biographie, l'héritage de nos ancêtres... Il fait partie de notre identité singulière. Il n'est pas comme une peau de serpent qui change à chaque mue (cet animal est un symbole d'éternité dans de nombreuses cultures).
Le Christ ressuscité s'est montré à ses disciples avec un corps transfiguré qui portait les cicatrices de son supplice. Il s'agit d'une transfiguration de tout l'être qui ne nie pas notre dimension corporelle et notre histoire, avec ses joies et ses échecs.
Enfin, la vie du Christ nous enseigne que notre salut a été acquis une fois pour toutes en sa personne.
Il a déjà vaincu la mort, la haine et le péché... même si nous y sommes encore confrontés dans le quotidien. Le salut n'est pas une conquête qui se réalise en multipliant les vies et les exploits spirituels, c'est un don offert à chacun, que nous avons à apprendre à accueillir au quotidien.
"Avec le Christ, nous sommes ressuscités" (Col 1,12).
Alors, n'ayons pas peur. Vivons et prions de tout notre être en ce temps précieux et éternel qui nous est donné à chaque instant et restons confiants pour les retrouvailles définitives où le Christ nous a préparé une place, pour une joie qui nous est déjà offerte dès aujourd'hui...
Père Bernard Ugeux