« Je te dirai encore, mère, que chacun de nous est coupable devant tous pour tous et pour tout, et moi plus que les autres. »
Notre mère à cet instant souriait à travers ses larmes : « Comment peux-tu être plus que tous coupable devant tous ? Il y a des assassins, des brigands ; quels péchés as-tu commis pour t’accuser plus que tous ?
— Ma chère maman, ma joie adorée (il avait de ces mots caressants, inattendus), sache qu’en vérité chacun est coupable devant tous pour tous et pour tout.
Je ne sais comment te l’expliquer, mais je sens que c’est ainsi, cela me tourmente. Comment pouvions-nous vivre sans savoir cela ? »
[...] Sa chambre donnait sur le jardin, planté de vieux arbres ; les bourgeons avaient poussé, les oiseaux étaient arrivés, ils chantaient sous ses fenêtres, lui prenait plaisir à les regarder, et voilà qu’il se mit à leur demander aussi pardon : « Oiseaux du bon Dieu, joyeux oiseaux, pardonnez-moi, car j’ai péché aussi envers vous. »
Aucun de nous ne put alors le comprendre, et il pleurait de joie : « Oui, la gloire de Dieu m’entourait : les oiseaux, les arbres, les prairies, le ciel ; moi seul je vivais dans la honte, déshonorant la création, je n’en remarquais ni la beauté ni la gloire.
— Tu te charges de bien des péchés, soupirait parfois notre mère. — Mère chérie, c’est de joie et non de chagrin que je pleure, j’ai envie d’être coupable envers eux, je ne puis te l’expliquer, car je ne sais comment les aimer. Si j’ai péché envers tous, tous me pardonneront, voilà le paradis.
Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/VI/02
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