17 février 2010
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IL FUT UN TEMPS - PAS SI LOINTAIN - où le « retour sur soi », l'introspection étaient regardés un peu de travers. Il fallait surtout « ne pas trop s'écouter », se « tourner vers les autres », apprendre à « s'oublier ». La « quête de soi » était souvent suspectée de dérive individualiste, voire égoïste. Des générations ont ainsi grandi dans une sorte de défiance à l'égard de toute forme d'écoute du « moi profond » ; au risque, parfois, de blesser durablement la personne. Car ne pas savoir qui on est constitue souvent un réel handicap pour une relation vraie avec les autres.
Outre la crainte - pas toujours infondée - d'une trop forte fascination pour l'ego (ce « tout à l'ego » moderne que le théologien Bruno Chenu aimait citer avec humour), cette défiance à l'égard de la psychologie des profondeurs se trouvait alimentée par la peur de voir la foi chrétienne vaciller au fil des étapes de cette aventureuse connaissance intérieure. Freud fut longtemps - avec Nietzsche et Marx - considéré comme un « maître du soupçon ». Entreprendre un parcours psychothérapeutique ou analytique, c'était prendre le risque de voir sa propre foi se lézarder, découvrir que notre « désir » de croire est aussi souvent un « besoin » de croire, aux soubassements non chimiquement purs...
Aujourd'hui, la relation est heureusement apaisée entre la foi et la psychologie, entre le spirituel et le « psy ».
Juste retour des choses car la grande tradition spirituelle et mystique n'a cessé de valoriser le dialogue de l'homme avec lui-même. Et avant elle, la Bible invite clairement à cette « entrée en soi » : « Va vers le pays que je t'indiquerai » dit Dieu à Abraham (Gn 12,1-2); ce que la bibliste et psychanalyste Marie Balmary traduit finement par « Va vers toi-même ! » À condition, cependant, de lever une ambiguïté : aller vers soi, s'aventurer dans les profondeurs de son moi ne peut constituer un but en soi, un horizon indépassable, mais plutôt un chemin, un itinéraire qui mène au-delà du miroir. Toute « entrée en soi » n'est féconde que dans la mesure où elle ouvre les portes à une « sortie de soi ». Aller vers soi-même devient alors une voie salutaire pour aller vers les autres, le monde et Dieu. Un Dieu « déshabillé » des oripeaux dont, poussés par l'inévitable part d'ombre qui nous habite, nous l'affublons si souvent au point de le façonner à notre image.
Entreprendre un chemin psychologique de meilleure connaissance de soi peut devenir un véritable chemin de libération. Un don fait à soi-même pour tenter d'apprivoiser ce « dur métier de vivre » qu'évoquait le peintre Georges Rouault. Un don fait à celles et ceux qui nous entourent et à qui nous nous devons d'aller aussi bien qu'il nous est possible. Un don fait à Dieu, toujours « autre » que les images et les « idoles » que notre vie psychique fabrique de Lui, telles un veau d'or !
Outre la crainte - pas toujours infondée - d'une trop forte fascination pour l'ego (ce « tout à l'ego » moderne que le théologien Bruno Chenu aimait citer avec humour), cette défiance à l'égard de la psychologie des profondeurs se trouvait alimentée par la peur de voir la foi chrétienne vaciller au fil des étapes de cette aventureuse connaissance intérieure. Freud fut longtemps - avec Nietzsche et Marx - considéré comme un « maître du soupçon ». Entreprendre un parcours psychothérapeutique ou analytique, c'était prendre le risque de voir sa propre foi se lézarder, découvrir que notre « désir » de croire est aussi souvent un « besoin » de croire, aux soubassements non chimiquement purs...
Aujourd'hui, la relation est heureusement apaisée entre la foi et la psychologie, entre le spirituel et le « psy ».
Juste retour des choses car la grande tradition spirituelle et mystique n'a cessé de valoriser le dialogue de l'homme avec lui-même. Et avant elle, la Bible invite clairement à cette « entrée en soi » : « Va vers le pays que je t'indiquerai » dit Dieu à Abraham (Gn 12,1-2); ce que la bibliste et psychanalyste Marie Balmary traduit finement par « Va vers toi-même ! » À condition, cependant, de lever une ambiguïté : aller vers soi, s'aventurer dans les profondeurs de son moi ne peut constituer un but en soi, un horizon indépassable, mais plutôt un chemin, un itinéraire qui mène au-delà du miroir. Toute « entrée en soi » n'est féconde que dans la mesure où elle ouvre les portes à une « sortie de soi ». Aller vers soi-même devient alors une voie salutaire pour aller vers les autres, le monde et Dieu. Un Dieu « déshabillé » des oripeaux dont, poussés par l'inévitable part d'ombre qui nous habite, nous l'affublons si souvent au point de le façonner à notre image.
Entreprendre un chemin psychologique de meilleure connaissance de soi peut devenir un véritable chemin de libération. Un don fait à soi-même pour tenter d'apprivoiser ce « dur métier de vivre » qu'évoquait le peintre Georges Rouault. Un don fait à celles et ceux qui nous entourent et à qui nous nous devons d'aller aussi bien qu'il nous est possible. Un don fait à Dieu, toujours « autre » que les images et les « idoles » que notre vie psychique fabrique de Lui, telles un veau d'or !
Oui, « va vers toi-même » : tu découvriras que dans le temple secret de ton coeur, le Maître du désir t'invite à toutes les résurrections.
Bertrand Révillon
Panorama février 2010