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1 mai 2015 5 01 /05 /mai /2015 22:40
L'ancien Charalampos, maître de la prière mentale

Ces Liturgies, au cours desquelles, avec les yeux de son âme raffinée, il voyait clairement les divins Mystères et Celui qui c'était fait sacrificateur et victime devant le redoutable autel, c'est-à-dire le Seigneur. Entrant en extase devant ce qu'il contemplait, ses bras en étaient paralysés. Le chant s'interrompait ; il fondait en larmes. La Liturgie en était prolongée de beaucoup.

Quand il disait : « Avec crainte de Dieu, foi et amour approchez », il vivait personnellement cette crainte, et littéralement il tremblait rempli du sentiment de son indignité, en voyant le Verbe incarné et vivant qui était offert par ses mains, en nourriture mystique et comme boisson aux fidèles présents.

... souvent, de par l'ardente flamme de la prière ininterrompue, il ne fermait pas l'œil pendant deux ou trois jours. Par la suite, deux ou trois heures de sommeil lui étaient suffisantes pour accorder à son corps un indispensable repos. Quant à la nourriture, en été il plantait quelques plants de tomates. Il en mangeait un peu chaque jour, tantôt en salade avec un tout petit peu d'huile, tantôt sans huile lors des jeûnes avec un peu de pain, et il trompait ainsi la coquille de son corps.

Quoiqu'il eût déjà dépassé la cinquantaine, il allait jusqu'au bout des 1000 métanies qu'il avait la bénédiction de faire de la part de son Ancien, et il en rajoutait, puis il passait les nuits à veiller debout comme une colonne.

A cette époque, il avait déjà vécu beaucoup d'états spirituels surnaturels. Grâce à l'extrême concentration de son esprit (nous) il savourait le don de la prière pure sans distraction. Très souvent son esprit (nous) rentrait dans son cœur avec lequel il ne faisait plus qu'un.
 

... On peut se livrer pendant la journée au travail manuel, dans le jardin, sur les murets, mais l'esprit, qui est profondément imprégné de la douceur du parfum divin, même sans le vouloir, prie sans cesse et des larmes aussi fréquentes qu'abondantes jaillissent de tes yeux au seul souvenir du Christ ou de notre Toute Sainte.
 

... Mais à ceux qu'il avait initiés à l'œuvre de la prière mentale, il recommandait de remplacer une partie ou même la totalité de l'office par le chapelet, en répétant sans cesse le très doux nom de Jésus-Christ.
 

... je voudrais souligner que je connais des personnes qui, en suivant l'enseignement de l'Ancien, arrivent à prier quotidiennement, de bon matin, pendant trois à quatre heures, en plus des prières du soir et certaines autres. Je connais même des frères qui, grâce à la prière et à l'enseignement de l'Ancien, ont pris l'habitude de répéter la prière de façon ininterrompue pendant la journée, que se soit mentalement ou en chuchotant. Il y a des familles entières qui, au moins deux fois par jour, prient ensemble et disent sans exception les Complies et l'Acathiste à la Mère de Dieu.

J'en connais aussi beaucoup qui ont réussi à persuader leurs enfants de refuser la télévision au foyer comme constituant un obstacle au progrès spirituel.

... lorsque le chrétien est baptisé, il reçoit en lui la grâce divine ; il reçoit en lui le Christ. Mais avec le péché, il le chasse à nouveau hors de lui-même. Le Christ et le péché sont incompatibles. C'est pourquoi il nous est impossible de trouver Dieu en nous tant que le péché se dresse en face de nous comme un mur. Mais, heureusement, l'Église a le remède approprié. C'est le repentir et la confession.

Beaucoup de gens viennent, qui s'intéressent à la prière mentale. Nous commençons par leur dire : "Vous êtes-vous déjà confessé ? Communiez-vous ? Vivez-vous en chrétiens ?, etc. S'ils disent oui, alors nous allons plus avant. Si c'est non, nous ne nous perdons pas en paroles vaines.

En premier lieu, mon enfant, posons comme principe le repentir et la confession. Ensuite il nous faut suivre les conseils d'un maître qui connaisse la prière mentale.

Venons-en maintenant à la question : est-ce que les laïcs peuvent dire la prière mentale ? À cela nous répondons qu'ils le peuvent et ceci indépendamment des progrès qu'ils feront. Nous avons d'excellents laïcs, qui ont progressé spirituellement plus que nous, les moines. Mais cela reste des exceptions.

D'ailleurs, si cela était si facile dans le monde, on n'aurait pas besoin de partir dans des monastères et dans les montagnes. Dans l'Évangile, le Christ dit à Marthe :"Tu te soucies et tu t'agites pour beaucoup de choses."

Les laïcs sont comme Marthe. Tous ceux qui vivent en chrétiens servent le Christ, mais surtout les choses matérielles. Le moine authentique est comme Marie, qui est assise à ses pieds. Il contemple Sa gloire. Il devient un ami du Christ, comme Lazare et, comme un ami, il a aussi l'audace de demander tout ce qu'il veut. Nous avons des cas de laïcs qui ressemblent davantage à Marie, mais nous avons aussi des moines qui ne ressemblent même pas à Marthe.

... Tu m'écris que tu ressens parfois intérieurement une douleur à la poitrine, qui te cause de la gêne et une sensation de suffocation. Tu dois, mon enfant, y faire bien attention. Une chose est la douleur causée par la soif de prière, autre chose est celle causée par quelque autre raison ou quelque trouble. As-tu remarqué que parfois lorsque tu tardes à manger, le ventre proteste et te fait mal ? Il en est de même pour l'âme, pour tous ceux qui l'ont habituée à une nourriture spirituelle.

Personnellement, je le ressens très souvent. S'il m'arrive d'avoir des soucis et des contrariétés au point que je ne peux me concentrer pendant mon temps de prière, mon cœur en ressent une telle douleur, une telle soif, que j'en souffre, sans que personne m'incommode. Je me sens obligé de courir dans ma cellule. Je penche ma tête en direction de mon cœur ; précisément là où cela fait mal. Je retiens mon souffle autant que je peux, en disant avec voracité et sans interruption la prière. Je peux même la dire cent ou deux cents fois en une seule inspiration.

Mais, me diras-tu, est-il possible de la dire autant de fois ? Quoi, allons-nous dire des mensonges ? Si rapidement et d'une façon si pure, que ton intellect se colle au fond du cœur. La douleur ne cesse pas. L'intellect et le cœur, sont très affectés par la rétention de la respiration.

Mais cependant l'âme l'exige, après cette grande contrainte et la souffrance, vient le débordement. L'âme se fond en larmes très douces. On ressent la présence du Seigneur en elle. Il s'ensuit une telle tendresse, une telle flamme, un tel amour pour le Christ et notre Toute Sainte, qu'à ce moment-là, c'est avec la plus grande joie que tu donnerais ta tête à couper pour le Christ. C'est alors que je me suis rendu compte à quel point le martyre fut une joie pour nos saints. Ils se sont consacrés entièrement au Christ et c'est pourquoi régnait sans cesse en eux un profond amour.

Parfois aussi, sans que l'âme soit privée de prière, elle ressent en elle une douleur. Cela veut dire qu'il faut que nous nous contraignions davantage dans la Prière. C'est le signe avant-coureur, qu'une tentation va survenir. C'est pourquoi il faut que nous soyons bien armés. Parfois cependant, cela signifie que quelqu'un d'autre a besoin de prière.

Bien sûr, quand quelqu'un progresse dans la science de la prière, il s'en rend compte. Moi, quand cela m'arrive, je commence à dire la Prière pour ceux dont je sais qu'ils en ont besoin. Quand j'en arrive à la personne précise qui a particulièrement sollicité de l'aide, alors spontanément l'âme déborde de larmes brûlantes. Alors le cœur devient plus tendre, la souffrance disparaît et l'âme s'emplit d'amour pour Dieu comme pour le frère qui a demandé de l'aide.

HIÉROMOINE JOSEPH DE DIONYSIOU
L'ANCIEN CHARALAMPOS
LE MAÎTRE DE LA PRIÈRE MENTALE
TRADUIT DU GREC PAR YVAN KOENIG
INTRODUCTION DE JEAN-CLAUDE LARCHET


GRANDS SPIRITUELS ORTHODOXES DU XXe SIÈCLE
L'AGE D'HOMME


Le Père Charalampos est - avec le Père Éphrem de Philothéou (né en 1927) et le Père Joseph de Vatopaidi (1921-2009) - l'un des plus fameux disciples du grand Joseph l'Hésychaste (1898-1959), auquel ont été consacrés deux volumes de cette collection .
Ce livre, qui retrace sa vie, dépeint sa personnalité spirituelle et trans¬met ses principaux enseignements, a été écrit par l'un de ses disciples, le hiéromoine Joseph, qui a vécu auprès de lui de 1965 jusqu'à son décès en 2001.
Le Père Charalampos (dans le monde Charalampos Galanopoulos) est né autour de 1910 dans une famille de Grecs du Pont émigrée en 1880 dans la Russie voisine. A la suite de la révolution russe, toute la famille revint en Grèce en 1922 et s'installa au nord du pays, dans la région de Drama.

... Il se rendit en 1950 à la Sainte Montagne où il demanda à être reçu dans la petite communauté de l'Ancien Joseph l'Hésychaste.

... L'une des caractéristiques les plus frappantes des relations que le Père Charalampos entretenait avec son père spirituel est l'obéissance absolue, inconditionnelle, dont il faisait preuve à son égard en toutes circonstances. De l'avis même de ses compagnons, le Père Charalampos fut le disciple préféré de l'Ancien Joseph en raison de cette vertu qu'il possédait au plus haut degré et que les Pères considèrent comme une voie rapide de progrès spirituel et un chemin court de salut, parce qu'elle est pour le fidèle le moyen le plus radical de renoncement à sa volonté propre, laquelle est le principal obstacle à l'accomplissement de la volonté divine et à l'action de la grâce.
L'un des fruits de cette obéissance fut sans aucun doute la grande humi¬lité qui fut aussi une caractéristique majeure du Père Charalampos.
Cette humilité allait de pair avec une grande simplicité et une absence totale de malice ; l'Ancien garda jusqu'à la fin de ses jours une âme d'en¬fant.
Le Père Charalampos développa une méthode de prière mentale qui lui était propre et qu'il transmit à ses disciples. Brièvement évoquée dans ce livre, elle consistait à repousser les pensées (logismoi) - comme le préco¬nise la méthode traditionnelle, qui insiste beaucoup sur l'attention et la vigilance (nepsis ) - en disant mentalement la Prière plus vite qu'elles ne surgissaient. De ce fait, le Père Charalampos faisait journellement une quantité de prières inouïe, même en considérant que, selon la pratique de toute la communauté de l'Ancien Joseph, il utilisait une formule plus brève que la formule habituelle . Il me confia, lors d'un enseignement qu'il me donna, qu'il faisait habituellement 24 chapelets de 300 grains, soit 7200 prières par heure ; sachant qu'il ne dormait que deux heures par jour et qu'il lui arrivait de consacrer toute la journée à la prière, il pouvait en une journée totaliser presque 160 000 prières . L'idée d'exploit lui étaitévidemment étrangère, et il n'était nullement à la recherche de la quantité, mais appliquait à sa manière le commandement du Christ et de l'Apôtre d'être constamment vigilant et de prier sans cesse, l'esprit et le cœur concentrés sur Dieu seul.
Le Père Charalampos acquit dans ce domaine une expérience consi¬dérable, et la réputation non seulement de disposer comme les anciens d'une méthode (methodos ) de prière bien définie et rigoureuse, mais d'être au Mont-Athos, dans les dernières décennies du XXe siècle, le plus grand maître (didaskalos) de la prière hésychaste.
Dans le même temps le Père Charalampos acquit une grande réputation comme confesseur et père spirituel.
... Il faut signaler aussi qu'il mena jusqu'à la fin une vie très ascétique : les trois jours de jeûne hebdomadaires (lundi, mercredi, vendredi), il s'abstenait de toute nourriture et de toute boisson. Les autres jours, il se contentait d'un unique repas frugal. Il ne dormait que deux heures par jour. En plus de sa charge de célébrant, de confesseur et d'higoumène, il participait au travail physique de la communauté. A la fin de sa vie, on pouvait le voir au monastère de Dionysiou, occupé à d'humbles tâches, comme la vaisselle ou le balayage.


Jean-Claude Larchet
 

 

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