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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 22:32

maxime_confesseur.jpgComparée aux autres confessions, l'orthodoxie insiste particulièrement sur la puissance transformante de la grâce divine, la concevant comme déification (en grec theosis). L'idée se trouve dans le Nouveau Testament quand le Christ affirme :  « Vous êtes des dieux » (Jean 10, 34 en référence au psaume 82), et la deuxième Épître de Pierre (1, 4) fait du chrétien un participant à la nature divine -. Elle sera développée par les Pères grecs des premiers siècles
Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu  (saint Athanase),  l'homme est une créature qui a reçu l'ordre de devenir Dieu v (saint Basile de Césarée). Cette doctrine trouvera sa formulation théologique la plus solide dans les Ambigua de saint Maxime le Confesseur (580-662), grand penseur byzantin de la déification.

Dans l'extrait présenté cicontre, Maxime explique l'effet déifiant de la grâce divine par la notion de logos (« parole »), héritée des théologiens d'Alexandrie. Les logoi des êtres (anges, hommes) sont leurs vraies personnalités, leurs principes idéaux. Ce sont en même temps les opérations et les décrets par lesquels Dieu gouverne le monde. Ce sont aussi les « énergies » qui Le manifestent. Ils sont éternellement dans le Verbe, le grand logos, et Dieu est tout entier en chacun d'eux. Pour Maxime, tout être humain a pour vocation de parvenir à Dieu, selon un trajet idéal fixé par ce dernier dans son logos et les logoi qui lui sont associés. Doué du libre arbitre, il peut ou non les suivre. S'il s'en écarte, il déchoit de lui-même et s'éloigne de Dieu. S'il les suit, il actualise peu à peu les potentialités de son logos, il devient son logos, c'est-à-dire une part de Dieu et un dieu par participation. Grâce et liberté ne s'opposent donc pas : la déification consiste simplement à se laisser transformer par la grâce divine oeuvrant par les logoi, en une obéissance confiante envers Dieu qui a pour modèle celle de JésusChrist envers le Père.

Seul Jésus-Christ, le Verbe Incarné, rend possible la déification, dans la mesure où, en lui, la nature humaine a été déifiée par la nature divine. L'Église, considérée comme le « corps du Christ », permet alors à ses membres de recevoir cette déification. Grâce aux sacrements et à l'effort personnel (amour du prochain, prière, ascèse), tout baptisé peut devenir par grâce ce que Dieu est par nature : un fils de Dieu. Dans les saints, - la nature resplendit d'une lumière surnaturelle et se trouve transportée au-dessus de ses propres limites par une surabondance de gloire, assure Maxime (Question 22 à Thalassios). Cette gloire et cette vie seront surtout visibles au ciel et dans le monde à venir, où l'univers tout entier suivra l'homme dans la déification.


Ce thème, symbolisé par la Transfiguration et la Résurrection du Christ, deviendra central dans l'orthodoxie, héritière des Pères grecs et de la tradition hésychaste. La liturgie, les sacrements, la théologie seront alors interprétés comme instruments de déification. En contraste, les catholiques insistent davantage sur la dimension réparatrice de la vie du Christ, effectuée par sa Passion, et conçoivent prioritairement la sainteté comme communion aux souffrances du Christ - malgré quelques exceptions comme le traité La Déification des justes (1693) de Mgr Laneau. Le thème apparaît moins chez les protestants pour qui la grâce demeure extrinsèque à l'homme, totalement corrompu par le péché.


Olivier Souan

Les textes fondamentaux du christianisme Le Point Hors série 11

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