« Ce qui est passé a fui;
ce que tu espères est absent;
mais le présent est à toi »
Sagesse Arabe
« Ce qui est passé a fui;
ce que tu espères est absent;
mais le présent est à toi »
Sagesse Arabe
Sainte Radegonde servant des pauvres à table (manuscrit Xeme siècle)
Jean COLSON
SION VAUDEMONT
ou« La Colline Inspirée »
Collection « Hauts lieux de spiritualité »
Editions S.O.S.
INTRODUCTION
Pourquoi parler encore de ce haut lieu de Sion-Vaudémont après qu'il a été chanté par Maurice Barrès dans « La Colline Inspirée » ?
Si je le fais pourtant, c'est que mon propos est de poursuivre en théologien chrétien la réflexion que Barrès a tenté d'amorcer, sur l'unité profonde de ce haut lieu, comme d'ailleurs de tout haut lieu païen christianisé. Durant des millénaires, laissés à leurs seules lumières naturelles - encore que, si l'on en croit certains Pères de l'Eglise primitive, le Verbe de Dieu les guidait mystérieusement, inconsciemment, vers sa Lumière - les hommes ont tourné leurs regards et sont montés vers de tels hauts lieux considérés par eux comme sacrés. Là, pensaient-ils, était concentrée l'énergie divine présidant aux puissances du cosmos qu'ils tentaient de se concilier, ou tout au moins de conjurer.
Or, quand le christianisme, qui s'affirme porteur de la révélation du vrai Dieu, a triomphé des religions, les croyants ne se sont point détournés de ces hauts lieux.
Le problème qui se pose alors est celui-ci : La foi chrétienne, si elle est d'un autre ordre que le sentiment religieux, n'aurait-elle pas dû les supprimer, ou, du moins, en détourner ses fidèles, sous peine de se dégrader en une sorte de pagano-christianisme, en les reconnaissant, ainsi que l'a écrit Barrès, comme « des lieux où souffle l'esprit », des « temples du plein air », « élus de toute éternité pour être le siège de l'émotion religieuse ».
C'est ainsi que Barrès reconnaît « un de ces lieux inspirés » en « la colline de Sion-Vaudémont (...) sorte d'autel dressé au milieu du plateau qui va des falaises champenoises jusqu'à la chaîne des Vosges », et que « dans tous nos cantons, dès que le terrain s'élève, le regard découvre avec saisissement », « belle figure immobile, soit toute nette, soit voilée de pluie, colline posée sur notre vaste plateau comme une table de nos lois non écrites », dont « la présence inattendue jette dans un pays agricole, sur une terre toute livrée aux menus soins de la vie pratique, un soudain soulèvement de mystère », et au sommet de laquelle « cette souplesse et le ton salubre d'une atmosphère perpétuellement agitée (...) donnent une divine excitation à notre esprit, nous dégagent, nous épurent, nous disposent aux navigations de l'âme », « belle colline » qui « fait sortir la pensée voilée, toute prête avec son pur désir pour le mariage du divin... C'est ici l'un des théâtres mystérieux de l'action divine ».
Bref, si l'on en croit Barrès, c'est « le site » qui « produit son effet », cet « horizon et ce vaste paysage de terre et de ciel ».
Mais alors, si, comme l'affirme la foi chrétienne, la réponse à notre soif du divin nous est donnée par la Parole de Dieu proclamée dans la tradition de l'antique Israël et par le Verbe divin lui-même, incarné en Jésus Christ, est-il encore utile de continuer à inviter les chrétiens à processionner sur une colline où, dans la nuit des temps, avant que naisse la Lumière, nos ancêtres pensaient trouver un lieu privilégié pour « le mariage du divin » ?
Tel est le problème que nous pose un site de pèlerinage tel que la « Colline Inspirée » de Sion-Vaudémont.