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3 janvier 2006 2 03 /01 /janvier /2006 00:01

Pour écouter le chant lancer la lecture sur le player sous la photo

Extrait du CD: Que tout ce qui vit et respire, chante louange au Seigneur
Fraternité de Tibériade Lavaux Ste Anne Belgique

 http://www.tiberiade.be/fr/cd.htm

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2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 00:00

Mère de toutes les fécondités, elle est la grotte, comme l'intime de la Terremère que le Christ illumina de l'intérieur. Comme une lampe sous le boisseau, avant de rayonner sur le monde. Elle reste le pays natal d'où sourd et cascade l'eau lustrale. Elle instaure la paix. Là où fermentaient les venins, les poisons, les peurs - monstres et démons - règne la merveille, la femme hospitalière à l'enfant des fièvres et des délires.

Mère qui alimente, restaure et rassasie, elle est la nourricière. Cet enfant que la femme a mûri le temps de neuf mois bien ronds, lui communiquant par osmose le meilleur d'elle-même, le voici ! A peine issu d'elle dans le sang, les sanies et les douleurs, il est élevé à ses lèvres et placé au sein, blotti contre elle, au plus étroit, peau à peau, dans un cercle de silence magique : instants de plénitude. Elle respire l'odeur soûlante de cette part de son corps si proche et cependant autonome
- le cordon est définitivement tranché.

L'enfant lui tend sa bouche avide à combler, lui offre ensuite sa béatitude repue, scandée de soupirs replets, ses paupières lourdement closes, ses sourires intermittents tel un signal allumé de loin en loin, pour confirmer la présence. Petit de femme, petit de Dieu.

Viendront plus tard d'autres nourritures, plus subtiles : chansons, mots d'amour, tendres litanies enfilées comme perles. La langue humaine coulant d'amont, de bien plus haut que soi, irriguant la race, passe d'un corps à l'autre, fabuleuse. Relais. Mère et enfant goûtent le suc des vocables, les nuances et les finesses, la maîtrise du fil de la phrase, les jeux et acrobaties. Choc de mots, étincelles, révélations - éblouissements et troubles. Le dialogue s'instaure entre deux consciences, cherchant une voie dans la confusion des sensations, des sentiments, des idées. En prenant appui sur la parole offerte, la mère invite à rebondir, aller plus loin, tracer. À cheminer, tantôt de concert et tantôt solitaire. À lire et à relire sa vie aussi bien qu'à déchiffrer l'univers. Elle transmet les héritages - savoir-faire et valeurs invétérées. Oui, elle allaite à jamais. Elle assure l'amour de loin, nourrissant encore et toujours, en toute discrétion. Je suis là, dit-elle, tu le sais, même si je ne t'adresse plus de signe éclatant. Tu peux compter sur moi à la vie, à la mort.

Mathématique paradoxale : ce que je divise apparemment, ce que je donne à d'autres ne t'est pas enlevé, mais se trouve décuplé. Chaque enfant, unique, s'inscrit dans la partition familiale, et l'enrichit de sa note personnelle. Au noeud de cet assemblage multiple et sin=gulier naît une famille.

Mère et père. Au lieu de sacrer, de consacrer un seul sexe, qu'on célèbre l'alliance ! La force de la vision androgyne - homme et femme ensemble - est d'incarner tout à la fois les qualités jadis attribuées à l'un ou à l'autre, en vertu d'une tradition très relative, fort contestable. Mère-père. Douceur et fermeté. Chacun capable de tenir le gouvernail aussi bien que de dormir dans la cale lorsque l'autre prend le quart. D'avancer en tête et de fermer la marche. De concevoir et de réaliser. Elle élève la grosse voix comme il chante à notes claires. Elle/il dévide les comptines et repousse les ombres, il/elle gagne le pain et le distribue. Elle taille, élague, arrose, tout comme il s'assoit au jardin afin de rire à la brise, aux roses trémières balancées dans la lumière.

Ils rejettent tout écrasant matriarcat, et lui préfèrent un incessant dialogue - flux et reflux - qui n'exclut rien ni personne. Ils ne se cantonnent pas à un pôle, à un rôle, mais vont de l'un à l'autre, souplement. En toute audace.

extrait du chapitre Célébration de la Mère de Colette Nys-Mazure dans Célébrations chrétiennes (Albin Michel)

http://www.servicedulivre.be/fiches/n/nys.htm

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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 00:00

Dans le train qui me mène à Paris, le Polonais assis devant moi évoque sa mère de quatre-vingt-deux ans, capable de supporter vingt-quatre heures d'autobus inconfortable depuis Poznan pour passer deux semaines près de lui en France. Ou couvrant cinq kilomètres à pied afin de l'accompagner deux jours à la campagne. Ou s'inscrivant aux exercices spirituels de saint Ignace de Loyola... « Vieille dame indigne » inusable et fraîche. Je sens l'émotion du fils, son admiration à l'égard de cette femme dont il est né. Le meilleur de lui-même est entraîné bien au-delà des limites de sa seule vie, vers l'horizon que lui désigne sa mère sans jamais lui faire la leçon. En allant, tout simplement.

Mère des racines et des ailes. Elle est celle qui marche devant, qui incite et suscite, non celle qu'on vénère pieusement.

Sa silhouette lumineuse trace et ouvre la route spirituelle, après avoir si souvent dégagé le chemin matériel. L'âme toujours à la pointe. Croissance perpétuelle, d'un tout autre ordre que le seul vieillissement des cellules. Elle a été le ventre accueillant à l'ébauche de l'être, le creuset où s'est forgé l'enfant. Elle a été l'effacée pour qu'il ose avancer, sans pour autant devenir la diminuée, la réduite, la non-existante. Avant, pendant et après lui, elle demeure la vivante. Elle peut en aimer d'autres - Jean, toi, moi - comme elle l'a aimé, lui.

Elle est l'enracinée qui enracine à son tour, celle qui invite à ouvrir les ailes en déployant les siennes ; la messagère qui sur le seuil murmure : « Entrez ! », puis emboîte le pas ; la compatissante qui se penche sans s'affaler aux côtés de l'écrasé ; elle se met à son niveau, s'agenouille près de lui pour étayer son effort de relèvement. Modestement fière de son oeuvre, la mère est consciente d'être un maillon de la chaîne. Humaine et transhumaine. Petite-fille et fille avant d'être mère. Mère des sources et des océans. À elle grâce et louange ! Dans le regard du fils, des fils et des filles selon la chair, et selon l'esprit, soulevés par la reconnaissance, se devine le respect attendri à l'égard de celle qui ne décourage pas, ne castre pas.

extrait du chapitre Célébration de la Mère de Colette Nys-Mazure dans Célébrations chrétiennes (Albin Michel)

 

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