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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 23:06
Le pardon selon les 4 grandes religions

Du côté du christianisme

L’idée reçue: tendre l’autre joue, une façon de pardonner qui est un acte de faiblesse.

L’analyse de… Jean Greisch, ancien professeur de philosophie à l’Institut catholique de Paris et titulaire de la Chaire Romano Guardini à l’université Humboldt, à Berlin.

"Dans le mot “pardon”, il y a “don”. Celui pour qui tout se vend et tout s’achète, selon l’implacable loi du donnant-donnant, a peu de chances de comprendre ce qu’est le pardon. S’il appartient au patrimoine commun des religions du Livre, ce terme reçoit sa spécificité chrétienne de la figure du Christ, dont toute la vie est jalonnée par des signes de pardon, jusqu’à sa mystérieuse parole de crucifié: “Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font” (Luc 23, 34). Dans la prière du Notre Père, la demande: “Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés”  (Matthieu 6, 12), adressée à Dieu, s’adosse à un geste de pardon, ou du moins une tentative préalable.

Celui qui voudrait se dérober à cette condition essentielle ne serait qu’un hypocrite. Tôt ou tard, la vie nous confronte à ce que le philosophe Paul Ricoeur appelle “le pardon difficile” et qu’il résume en une seule “parole libératrice”: “Tu vaux mieux que tes actes”, parole que Jésus, en son temps, ne cessait de dire ou de signifier aux pécheurs et pécheresses qu’il fréquentait. Plus nous avançons en âge, plus nous avons des choses à nous faire pardonner! Cela nous oblige à nous demander si nous sommes encore capables de pardonner. Il y a, à cet égard, deux sortes d’individus : ceux qui ne cessent de ruminer leurs vieilles haines et ceux à qui la capacité de pardonner apporte une sérénité incomparable."

Auteur de "Vivre en philosophant", éd. Hermann, et Entendre d’une autre oreille: les enjeux philosophiques de l’herméneutique biblique, éd. Bayard.

Du côté du judaïsme

L’idée reçue: Oeil pour oeil, dent pour dent…Le dieu de l’Ancien Testament est celui de la vengeance.

L’analyse de… Hervé élie Bokobza, talmudiste, écrivain et conférencier auprès de plusieurs centres d’études juives et universitaires.

"Comme le commentait Maimonide* dans le Mishné Torah (code de la Loi juive), le pardon ne dépend d’aucune autre condition que de la disposition de l’homme au repentir. Pour obtenir le pardon de ses transgressions, il lui suffit de “faire techouva”, c’est-à-dire d’opérer un retour sur lui, une prise de conscience de ses actes, de manière à améliorer sincèrement sa conduite. Néanmoins le judaïsme fait une distinction essentielle entre le pardon et l’expiation, qui va offrir à l’homme l’absolution définitive de ses fautes, la réhabilitation au point de ne plus être lié au mal qu’il a commis.

Yom Kippour traditionnellement appelé Grand Pardon, signifie en réalité jour d’expiation. Le fondement de cette journée annuelle ne repose pas sur le pardon qui lui peut s’obtenir à chaque instant par le repentir, mais sur l’expiation qui va laver définitivement l’homme de ses fautes. Si Kippour offre l’opportunité de réhabilitation, cela n’est valable que pour les transgressions commises par l’homme vis-à-vis de Dieu. La prise en compte de l’Autre est essentielle dans la Torah. “Ne fais pas à ton prochain, ce que tu n’aimerais pas qu’il te fasse.” C’est pourquoi concernant les préjudices à l’égard d’autrui, l’expiation et le pardon divin seront inopérants et sans aucun sens, si le repentant n’a pas d’abord fait amende honorable auprès de celui à qui il aurait fait subir des offenses. De la même façon, celui qui a été offensé est invité à ne pas refuser son pardon à celui qui vient le lui demander."

Auteur de "L’Autre, l’image de l’étranger dans le judaïsme", éd. de L’oeuvre.

*Moïse Maimonide (1138-1204), rabbin, médecin, philosophe et grand
commentateur des textes.

Du côté de l'islam

L’idée reçue: dans l‘actualité, ce que nous montre parfois l’islam nous paraît sans pitié.

L’analyse de… Faker Korchane, professeur de philosophie et journaliste spécialisé sur les questions religieuses.

"Le pardon est une notion citée à de très nombreuses reprises dans le Coran, texte de référence de la tradition islamique. On trouve plusieurs termes polysémiques pour le nommer: “Magh ra”, “Rahma”, “Afwu”, “Tawba” par exemple, la sourate 55 (Al-Rahman) considérée comme le plus beau chapitre coranique, s’intitule Le Miséricordieux ou Le Clément, autrement dit “Celui qui pardonne”. L’islam possède une approche pragmatique du pardon, illustrée par ce verset coranique (IV, 28) “Dieu veut alléger pour vous les contraintes, car l’humain fut créé faible…”. Le pardon divin agit ainsi comme une compensation à cette faiblesse primordiale. Sur les 114 sourates du Livre, 113 ont pour formule liminaire, la Basmala, “Au nom de Dieu, Le Tout Clément, Le Miséricordieux”. Porte ouverte rappelée constamment dans le Coran, le pardon n’est jamais donné gratuitement. Le croyant sincère doit le gagner par la repentance. Ainsi, le pardon de Dieu est facile mais ne s’offre pas et s’obtient en le demandant et en priant, si l’offense ou le péché était à l’endroit de Dieu (boire de l’alcool, s’abstraire aux obligations religieuses). 

Par contre, si une personne est offensée, le pardon ne sera possible qu’une fois la faute réparée. Fauter n’est pas un crime impardonnable. Adam, une fois déchu de sa place au paradis pour avoir désobéi, a été pardonné par Dieu. Il n’y a donc pas de péché originel en islam."

 

Le pardon selon les 4 grandes religions

Du côté du bouddhisme

L’idée reçue: le kharma est un destin, il n’y a pas de pardon.

L’analyse de… Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et historien des religions.

"Le pardon est pourtant une vision centrale dans le bouddhisme qui considère que nos pires ennemis sont également nos meilleurs amis. Lorsque quelqu’un nous blesse, il est essentiel de ne pas se sentir victime mais de considérer que cela était prévu pour nous faire travailler et grandir spirituellement. Pour accéder à cette évolution, il est important de ne garder aucun ressentiment, véritable poison qui nourrit l’égo et obstrue l’esprit. Pour s’en libérer, un antidote: le pardon! Regarder l’Autre, en le considérant non pas comme un agresseur, mais avec bienveillance, offre la possibilité de se libérer de ses contraintes et de s’élever. Le pardon est une condition de croissance spirituelle et d’Éveil."

Producteur et animateur de l’émission "Les Racines du ciel" sur France Culture, auteur de L’Âme du monde, éd. Pocket, et de Coeur de cristal, éd. Robert Laffont.

Frédérique Odasso

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commentaires

F
A propos du pardon en Islam et de la vision d'un Dieu miséricordieux , il conviendrait de savoir si ce pardon et cette miséricorde s'exerce à l'égard des non-musulmans, des Juifs, des Chrétiens et des Mécréants.A la lecture du Coran, il me semble que ceci n'est possible que s'ils se convertissent à l'Islam. Souvent on nous cite des versets tronqués , expurgés de ce qui fâche.
C
Merci pour cette vision du pardon très réconfortante
D
Merci pour ces paroles d amour<br /> Ce site est très intéressant