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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 22:00

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Les Grecs distinguaient, ἐχθρός et πολέμιος, l’ennemi privé (ekhthrós) – ennemi selon la modalité de la discorde interne, stásis – et l’ennemi public (polémios) – ennemi selon la modalité de la guerre proprement dite, pólemos. comme les Romains distinguaient inimicus (non ami) pour un ennemi privé et hostis pour l'ennemi public.

Certes, les deux termes étaient eux-mêmes polysémiques en grec comme en latin. Inimicus dans certains textes devient ainsi synonyme d'hostis. Mais les premiers termes de ces paires renvoient nettement, selon les dictionnaires, à la détestation et à la haine, parfois dite « personnelle », alors que les second désignent l'ennemi politique, l'ennemi de guerre, sans cette connotation de détestation.

Nos langues occidentales ne font malheureusement plus cette importante distinction, que le grec possédait car il établissait une nette différenciation entre deux types de guerres : celles contre les étrangers à leur culture, ceux qu'ils nommaient les "barbares", et celles les opposant à d'autres Grecs.

Seules les premières étaient de véritables guerres, les autres étant des agôns ( ἀγών , agốn) c’est-à-dire des combats pour un prix dans des Jeux Publics dit jeux agonaulx, en particulier les Jeux Olympiques, ou des défis qui se tenaien dans le cadre de fêtes religieuses. L'adversaire était donc «l'antagoniste», du grec ancien ἀνταγωνιστής ( adversaire, opposant ) qui donna le latin antagonista - celui qu'en termes actuels on nommerait : le concurrent.

Inimicus dérive du latin amicus ( celui qu'on aime ) assorti du préfixe négatif -in : il peut donc s'agir d'une personne qu'on déteste par un sentiment d'antipathie personnelle, mais certainement pas d'un ennemi absolu, si différent de soi qu'aucune entente, aucune cohabitation ne sera jamais possible.

Cette distinction est capitale parce qu'en comparaison avec les guerres du XXème et XXIème siècle, les guerres inter-européennes de la Chrétienté peuvent être dites agonales puisqu’elles étaient de la nature des combats pour un prix --- celui-ci étant une bande de territoire, un trône, un titre --- et l'idée de détruire la dynastie du royaume perdant n'y était pas présente, car il ne s'agissait point de conflits idéologiques, de guerres politiques.

Hostis quant à lui est issu de l’indo-européen commun  gʰóstis « étranger » (qui donna également le proto-germanique gastiz, et plus tard l'anglais ghost et l'allemand geist, qui désignent des entités maléfiques) ce qui est intéressant car il prouve que les fondateurs de l'héllénisme étaient aryens ; il désigne donc l'ennemi public, l'Autre dont la manière de vivre et le paradigme sont incompatibles avec la sienne.

L'absence de deux mots pour distinguer l'ennemi public et l'ennemi privé en français, et dans d'autres langues européennes, contribue donc à la confusion dans l'interprétation des versets (Mathieu 5 :44; Luc 6 :27) que l'on traduit improprement par «Aime tes ennemis» alors qu'il signifie «Aime tes adversaires». Les originaux grec et latin utilisent le mot désignant un ennemi privé, ils appellent à surmonter des sentiments comme la colère ou la jalousie qu'on peut éprouver momentanément contre un proche, un voisin, un compatriote – ou, dans le cas d’une activité commerciale à l’encontre d’un concurrent plus chanceux.

Ces passages bibliques n'adjurent donc point d'aimer l'ennemi public.

 

Selon Ernest Renan, au temps des persécutions, on appelait également un chrétien « hostis publicus » (et aussi « hostis patriæ », « humani generis inimicus », « hostis deorum atque hominum »)

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