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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 22:47

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 Chers Amis,

Le temps qui passe et qui me fait passer est sans doute le meilleur résumé de tout ce que l’on pourrait dire autour du lâcher-prise. L’homme sans chemin spirituel vit le temps comme un enfer, un destin fatal et tragique. C’est une morne répétition d’une mort de tous les instants, un anéantissement toujours en cours et une interminable agonie. Réduire la vie à sa surface temporelle, c’est tomber dans l’abîme du vide et les vertiges développés par les philosophes existentialistes. L’homme victime du temps n’a pas de profondeur. Son univers est démoniaque, il est mangé par l’angoisse, étranger à lui-même, parce que séparé de son intériorité, sans ancrage dans l’être ; tout le disloque en des moments fugitifs et juxtaposés, parfaitement absurdes. Il subit. Et les rares fois où il choisit, c’est pour se réfugier dans les plaisirs et le divertissement, qui eux, se révèlent bientôt tout aussi enfériques, parce que éphémères et donc mortels…

Dans ce destin qui ne cesse de frapper l’homme à mort, le lâcher-prise introduit dans sa vie une révolution copernicienne. Nous ne pouvions l’apprendre que par le Christ : en s’incarnant Il dépose l’éternité dans le temps. Jésus vit alors chaque instant comme un don du Père, dans une réceptivité intégrale et dans une attitude d’abandon total à la volonté de Dieu. Nous apprenons ainsi que le temps est habité, qu’il est donc un lieu de rendez-vous et de communion, c’est-à-dire de don et d’abandon pour nous aussi. Notre relation au temps peut être nuptiale, si tel est notre choix, et cette continuelle naissance à l’amour est inséparablement une naissance sans cesse renouvelée à nous-mêmes, au mystère de notre propre identité. Nous naissons à notre personne qui se définit toujours par le don, à la ressemblance de Dieu lui-même. Par cette attitude d’abandon, qui est à la fois mort et résurrection, le Christ inverse l’instant du vide suprême en suprême plénitude…si bien que le temps n’est pas pour la mort mais pour la Vie (Olivier Clément). L’opposition entre l’éternité et le temps est abolie définitivement. En habitant le temps, le Christ en fait un reflet de la Présence divine et nous invite, au cœur de chaque instant, à cette réciprocité amoureuse où nous partageons avec Lui la Vie qui ne meurt plus.

Le « souvenir » constant de la mort, selon les Pères, nous permet ainsi de laisser mûrir progressivement en nous sa signification profonde, ce mystère abyssal que nous venons d’évoquer. Avec ce travail sur soi, on accède à une vraie connaissance, dont finalement le beau vieillard détient seul le secret. Carl Jung, grand explorateur des labyrinthes de l’âme, rejoignait les anciens en affirmant que la vie ne se développait plus, à partir de la quarantaine, chez les personnes qui n’acceptent pas de mourir. Est de plus en plus vivant celui qui s’accepte de plus en plus mourant. Cela parce que la mort n’est pas destruction mais transformation. Il s’agit d’un processus continuel et fluide qui commence à la conception et ne se terminera pas à la fin de l’existence. Même après la mort du corps charnel ce processus se poursuivra jusqu’à notre complète déification.

Celui qui n’a pas intégré ce devenir, ce changement, au point de s’identifier à lui, d’être un avec le changement, de l’épouser dans une alliance nuptiale avec le temps, celui-là va bloquer la vie dans son essence même : ce désaccord avec la Vie joyeuse et dansante est à l’origine de nos angoisses qui se crispent alors sur le passé, momifient une certaine « jeunesse » et empêchent l’avènement du vieux sage radieux, portant déjà les fruits de nombreuses mutations et se réjouissant profondément de l’ultime surprise qui l’attend…

Selon Jung, ne pas voir dans la mort le but de la vie est la perversion de la culture humaine. On ampute la vie de sa source : la mort. Vivre la mort comme le but d’aujourd’hui, c’est se décrisper dans tout son être et lâcher-prise pour accueillir la nouveauté absolue.

La « nouveauté absolue », révolutionnaire, la voilà : aimer c’est entrer en relation avec Quelqu’un, l’amour c’est Dieu lui-même (1Jn 4,16). A partir de cette découverte et le libre choix d’en faire l’axe de sa vie, tout bascule : nous quittons un mode d’existence égocentrique et accédons à une vie qui ne rencontre plus les limites du temps, de l’espace, de la corruption et de la mort. On peut appartenir à une Eglise ou à une religion, pratiquer une spiritualité, tant qu’on n’a pas d’expérience de la vie comme relation concrète avec Dieu, on est dans des choix morts. Si l’Evangile est une « Bonne Nouvelle », c’est parce qu’il nous propose cette vie radicalement autre. La vie de Jésus avec ses disciples est une initiation quotidienne à cette extraordinaire réalité. Il veut faire d’eux des « nouvelles créatures » afin qu’ils en soient les « témoins » et apportent au monde la même joie.

Les vacances qui arrivent sont proprement le cadeau d’un temps surabondant. Le sens de son « vide » dépendra de nos choix… Peut-être sera-ce l’occasion d’en découvrir le secret, un autre style de vie, l’appel des profondeurs?

Avec toute notre affection, à bientôt !

Père Alphonse et Rachel

animateurs du centre spirituel Béthanie

http://www.centre-bethanie.org

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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 22:10

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Le langage est tellement impuissant à exprimer la plénitude du mystère. C’est la raison pour laquelle le silence absolu de la méditation est d’une telle importance. Nous n’essayons pas de penser à Dieu, de parler à Dieu ou d’imaginer Dieu. Nous nous tenons dans ce silence stupéfiant, ouverts au silence éternel de Dieu. Nous découvrons en méditant, par la pratique et l’enseignement quotidien de l’expérience, que c’est notre milieu naturel. Nous sommes créés pour lui, notre être s’y épanouit et se dilate dans ce silence éternel.

Mais déjà le mot « Silence » dénature l’expérience et peut faire peur à beaucoup de gens, parce qu’il suggère une expérience négative, la privation de son ou de langage. On craint que le silence de la méditation soit régressif, mais l’expérience et la tradition nous enseignent que le silence de la prière n’est pas l’état pré-discursif mais l’état post-discursif dans lequel le langage a accompli sa tâche de nous conduire à travers et au-delà de lui-même et de tout l’univers de la conscience mentale. Le silence éternel n’est privé de rien, et il ne nous prive de rien. C’est le silence de l’amour, de l’acceptation sans réserve et sans condition. Nous demeurons là avec notre Père qui nous invite à être là, qui aime que nous soyons là et qui nous a créés pour être là…

Nous nous connaissons aimés, ce qui nous permet d’aimer. La méditation est une façon d’achever ce cycle de l’amour. Par notre ouverture à l’Esprit qui réside en nos coeurs, et qui, en silence, est amour pour tous, nous entamons le pèlerinage de la foi. Nous finissons dans la foi parce qu’il y a toujours un nouveau commencement à la danse éternelle de l’être-dans-l’amour. La foi et l’amour engendrent l’espoir. L’espérance chrétienne est la confiance absolue en la véracité de Jésus et la réalité de son amour. Nous lâchons tout ce que nous voulons, tout ce que nous savons… Nous le lâchons dans l’abandon de la pauvreté, et nous sommes alors libres de nous élancer dans les profondeurs du mystère qu’est l’amour…

 

Extrait de John Main o.s.b., Word Made Flesh, Darton, Longman, Todd, Londres, 1993, p. 29-30.

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 22:22

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Dieu, cet être unique dans l'univers, peut seul dire: « Je suis » et s'arrêter là. Chaque fois que moi, je dis «je suis », je dois ajouter « Je suis à cause de... » : à cause de mes parents, à cause de mon milieu, à cause de mon hérédité ; et chacun d'entre vous doit ce qu'il est à cause que quelque chose. Mais Dieu, la vie, l'instant suprême. Dieu, la puissance qui tient l'univers entier dans la paume de sa main, est le seul être qui peut dire « Je suis », un point c'est tout.

 

Et ne jamais y revenir. Ne soyez pas assez fous pour l'oublier ! Vous savez, beaucoup de gens oublient Dieu. Ils ne le font pas systématiquement, comme certains l'ont fait à travers leurs théories, ou à travers cette théologie de la mort de Dieu, mais ils se laissent prendre simplement par d'autres choses. Tant de gens se laissent prendre par leurs comptes en banque ou leurs voitures coûteuses qu'inconsciemment ils en oublient Dieu. Tant de gens en viennent à être si éblouis par les lumières de la ville allumées par la main de l'homme qu'ils en oublient la grande lumière cosmique qui se lève chaque matin à l'est et, telle une princesse se promenant dans son palais, s'avance majestueusement dans le bleu du ciel en y peignant tout en technicolor. Voilà une lumière que l'homme n'aurait jamais pu faire ! D'autres personnes sont tellement occupées à contempler les gratte-ciels des grandes villes qu'ils en oublient de penser aux montagnes qui embrassent le ciel comme pour baigner leurs sommets dans le bleu altier. Cela non plus, l'homme n'a jamais pu le faire !

D'autres encore - et ils sont nombreux ! - s'intéressent tellement à la télévision et aux radars, qu'ils en oublient de penser aux magnifiques étoiles qui ornent les cieux, telles des lanternes suspendues là pour l'éternité, telles des broches d'argent piquées dans l'admirable coussin bleu du ciel. Encore quelque chose que l'homme n'aurait jamais pu créer.

 

Tant de gens, en définitive, en sont arrivés à s'imaginer que par leurs propres efforts ils vont pouvoir faire advenir un monde nouveau, oubliant que la terre appartient au Seigneur, et toute sa plénitude. Alors ils finissent par aller et venir indéfiniment sans Dieu.

 

Mais ce matin je vous le dis, mes amis : il est impossible d'en finir avec lui. Tout notre savoir moderne n'ôtera pas un iota à l'être de Dieu ; et de même, le microcosme atomique ou l'immensité des espaces interstellaires, de l'espace intersidéral, ne pourront jamais le rendre insignifiant. L'homme moderne a beau vivre dans un univers dont on calcule les distances en années-lumière, dont les étoiles sont à des milliards de kilomètres de la terre, et que les planètes sillonnent à des vitesses incroyables, il ne peut que s'écrier avec le Psalmiste : « Quand je vois les cieux, œuvre de tes mains, et tout ce que tu as créé, qu'est-ce donc que l'homme pour que tu penses à lui et le fils de l'homme pour que tu te souviennes de lui ? »

 

Dieu est toujours là. Un de ces Jours, vous allez avoir besoin de lui. Les problèmes de la vie vont se mettre à vous submerger, et les déceptions à déferler comme un raz de marée à votre porte; si vous n'avez pas une foi profonde et patiente, vous n'arriverez pas à vous en sortir.

 

Prédication sur Luc 12, 13-21 de Martin Luther King à l'Eglise baptiste de Mont Pisgah, Chicago, le 27 août 1967 *

In : Bulletin du Centre protestant d’Etudes, sept. 1988
Traduction de Janine Philibert

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