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7 novembre 2023 2 07 /11 /novembre /2023 20:30

Un moine du Mont Athos, qui avait reçu la tonsure monastique du Grand Schème, quitta le monastère pour mener une vie séculière.

Oubliant ses vœux monastiques, il a d’abord mené une vie de dissipation, se noyant dans ses péchés, pour finalement se marier. Deux fils lui sont nés. Un jour, il s’en alla avec sa famille au bord de la mer. Alors qu’ils étaient assis sur la plage, le plus jeune fils a soudainement demandé :

“Papa, c’est quoi cette croix rouge que tu as sur la poitrine, avec les dessins et les lettres rouges ?”

Le père regarda sa poitrine – il n’y avait rien. Il réalisa alors avec horreur que l’enfant voyait la grâce du Grand Schème monastique. Rentré chez lui, il s’enferma dans sa chambre et y pleura toute la nuit.

Le lendemain, il se rendit chez le prêtre pour se confesser et lui raconta l’incident.

“Malgré vos nombreux échecs et votre détournement volontaire du Christ, le Seigneur vous aime toujours. Il vous a aimé lorsque vous viviez au monastère, Il vous aime maintenant, et Il ne vous prive pas de Sa grâce.” – dit le prêtre.

Ces mots réveillèrent en lui son ancien zèle pour le Seigneur. À la maison, il en parla à sa femme et elle accepta le divorce. Il retourna au monastère, et sa femme éleva ses enfants, puis se rendit au monastère où elle prononça les vœux monastiques.

17 ans plus tard, le plus jeune fils de ce moine, celui qui avait vu la croix et les lettres rouges sur sa poitrine, vint sur la Sainte Montagne de l’Athos et se rendit au monastère où son père était retiré (ce qu’il ignorait).

Il alla se confesser à l’higoumène du monastère et lui raconta alors l’histoire de sa famille :

“Geronda, je cherche mon père. Il est devenu moine et je ne l’ai pas vu depuis des années. Je pense qu’il est quelque part ici sur Athos. Pouvez-vous m’aider à le trouver ?”

L’higoumène comprit de qui il s’agissait et, essayant de cacher les larmes qui avaient involontairement monté dans ses yeux, il répondit au jeune homme :

“Reste avec nous un jour de plus, jusqu’à demain, et je demanderai aux frères.”

L’higoumène se rendit alors auprès du moine, qui était autrefois parti dans le monde, et lui posa une question :

“Père, votre plus jeune fils est ici dans notre monastère, il vous cherche. Vous voulez le voir ?”

Le moine répondit avec une vive émotion :

“Geronda, j’ai vu mon ange gardien et il m’a révélé que dans trois jours, je mourrai ! Dites à mon fils qu’il me verra dans trois jours ! Et une fois mort, vous lui révélerez que j’étais son père ! Je dois souffrir la pénitence pour tous les péchés que j’ai commis et je ne suis pas digne d’une telle consolation…”

Cette décision du moine et son refus de rencontrer son fils bien-aimé était une preuve de repentir complet et d’abnégation totale, et de son amour suprême pour Dieu.

L’higoumène persuada le jeune pèlerin de rester au monastère pendant trois jours de plus. Trois jours plus tard, un service funèbre fut organisé au monastère pour le moine récemment décédé, et auquel le jeune homme prit part. Après les funérailles, il se confessa à l’higoumène :

“Geronda, c’est la première fois que je vois un enterrement comme celui-là ! Le corps du défunt est odorant ! Ce n’est pas un corps, c’est une relique sacrée !”

Et alors l’higoumène a dit au garçon :

“Enfant, ce moine était ton père !”

Archimandrite Ephrem de la Sainte Montagne.

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6 novembre 2023 1 06 /11 /novembre /2023 20:30
L’icône de la miséricorde

A l'occasion de l'année de la Miséricorde en 2015 la communauté de Taizé a fait peindre une icône qui raconte l’histoire du bon Samaritain.

Ce texte biblique du chapitre 10 de l’Évangile de St Luc donne un exemple concret de ce qu’est la solidarité vécue. L’icône a été réalisée par l’atelier français d’iconographie St. Jean Damascène.

Le personnage principal sur l’icône est le Christ, représenté debout au centre. Il est allongé et habillé d’un vêtement d’une couleur blanche tendant vers le vert. Son beau visage accueillant est la partie la plus significative de son corps. Avec sa main droite, il fait un geste de bénédiction et dans la main gauche il tient l’Évangile ouvert qui montre les lettres grecques alpha et oméga.

Le Christ est entouré d’une mandorle faite de strates de couleurs bleu foncé et rouge et de lignes blanches et en or qui animent la surface de la mandorle d’un mouvement ondulatoire.

Une épaisse bande blanche forme le bord de la mandorle. Cette bande ne se limite pas à suivre son contour, elle se détache en lacets qui forment six cercles placés régulièrement tout autour de la mandorle. A l’intérieur des cercles, la parabole du bon Samaritain est représentée en six épisodes.

De gauche à droite et de haut en bas, les images racontent ainsi des deux côtés du Christ ce passage de l’Évangile.

La première image montre les deux brigands qui frappent la victime.

Sur la deuxième, on voit celle-ci allongée par terre, et le prêtre et le lévite en train de passer en priant mais en laissant la victime au bord de la route.

Ensuite le bon Samaritain arrive avec son âne, se penche vers l’homme et le soulève.

Il soigne ses blessures.

À l’auberge l’homme blessé est dans un lit et le bon Samaritain à son côté.

Sur la dernière image finalement, la victime, le bon Samaritain et l’aubergiste sont assis en train de partager un repas autour d’une table.

Au-dessus et en-dessous de la mandorle avec le Christ en son centre, sont représentés quatre anges en train d’adorer Dieu.

Trois sont en rouge et le dernier est d’une couleur bleu verdâtre.

Tout en haut de l’icône, derrière les anges, se trouve une bande rouge qui suit un mouvement ondulatoire et en bas, derrière les anges, une bande verte.

Sur les bandes on peut lire : « Ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).

Signification
Le Christ en blanc est le Christ céleste, transfiguré tel qu’il viendra à la fin des temps. Par sa présence il nous bénit et il nous raconte l’histoire du bon Samaritain.

La mandorle signifie le mystère de Dieu que nous ne pouvons pas comprendre. Mais habillé en blanc comme un nouveau né, le Christ vient chez nous et il nous révèle Dieu.

Sur les images qui racontent la parabole, la victime est représentée également avec un vêtement blanc : le Christ est présent dans l’être humain blessé qui a besoin de notre aide.

Dans plusieurs des images, la position de la victime rappelle des moments de la passion du Christ (la flagellation, la déposition de la Croix).

Le bon Samaritain est habillé en vert, couleur qui symbolise la présence de l’Esprit Saint. Il est vrai qu’il n’est pas facile de venir en aide à ceux qui en ont besoin, mais si nous nous mettons à le faire, l’Esprit saint vient en nous et il agit à travers nous.

Sur la première image nous voyons trois personnes : les deux brigands qui frappent la victime. L’image nous montre une trinité défigurée.

Rappelant le récit du meurtre d’Abel par Caïn au début de la Bible, l’histoire commence par montrer l’harmonie brisée par le péché.

L’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, n’est pas à sa ressemblance.

Sur la dernière image, nous voyons de nouveau trois personnes. Ils sont assis autour d’une table sur laquelle il y a une coupe – comme sur l’icône de la Sainte Trinité : l’harmonie trinitaire a été rétablie.

Tandis qu’une piété qui oublie le prochain, comme celle du lévite et du prêtre qui passent à côté de la victime, n’est qu’une forme d’idolâtrie, c’est l’amour, l’œuvre de charité accomplie par le bon Samaritain, qui restaure l’humanité à la ressemblance de Dieu.

Style artistique
L’icône a été réalisée selon la technique traditionnelle de l’iconographie transmise par l’Église orthodoxe : tempera à l’œuf et dorure sur une planche en bois couverte de lefka (enduit blanc à base de craie).

Comme pour la plupart des icônes, le style des représentations est principalement celui de l’art byzantin.

Mais considérant que l’art de l’icône n’est pas un don réservé uniquement à l’Orient chrétien, différents éléments de la tradition artistique de l’Occident, et spécialement de la région bourguignonne, ont été introduits dans l’expression de la figure du Christ et dans l’ensemble de la composition.

Ainsi le Christ rappelle le Christ en gloire de la chapelle des moines à Berzé, ou le Christ tel qu’il est représenté sur les tympans des églises romanes, par exemple à Vézelay.

L’ensemble de la composition, avec le jeu de lacets de la mandorle, s’inspire de l’art des enluminures.

D’un point de vue artistique, l’intérêt de l’icône se trouve surtout dans le fait qu’il ne s’agit pas d’une copie d’une image traditionnelle mais d’une représentation qui est nouvelle.

De la réflexion sur la parabole du bon Samaritain est née une image qui, à travers ses formes et couleurs, nous révèle l’Évangile avec une nouvelle fraîcheur. L’icône s’inscrit donc dans la tradition vivante par laquelle l’Esprit Saint nous fait toujours à nouveau découvrir la foi.

Les feux de la Miséricorde
Atelier Saint Jean Damascène

L’année de la Miséricorde, inspirée d’un approfondissement spirituelle et proposée par l’église catholique romaine, touche à sa fin.

Nous avons été heureux de participer à ce mouvement de prière et de projets, bien que l’on s’aperçoive que la Miséricorde n’est pas un acte unique et qu’il devrait permettre à nos églises séparées de faire vraiment acte de miséricorde et de se rapprocher l’une de l’autre.

La séparation des chrétiens pose la question suivante : la Miséricorde est elle vraiment pratiquée dans l’église ? comment témoigner de l’unité de l’église dans la division ? La séparation est grande. Un acte de miséricorde ne consisterait-il pas à oser se remettre en question : en sommes nous capable ?

Nous avons eu la joie de réaliser différentes icônes inspirées de l’icône commandées par la communauté de Taizé et intitulée ’icône de la Miséricorde" bien avant la déclaration de l’année de la Miséricorde dans l’église catholique.

L’icône de la miséricorde
L’icône de la miséricorde
L’icône de la miséricorde
L’icône de la miséricorde

L’une d’entre elle a été commandée par la communauté protestante de la Résurrection à Freibourg en Allemagne. Nous avions parlé d’une icône réalisée d’après la technique de la fresque pour diminuer le budget.

Lorsqu’elle a été terminée, il s’est avéré que la taille était trop importante (car le projet de la paroisse était de déplacer l’icône pour les groupes de prières).

Nous en avons donc réalisé une plus petite. Lorsque le docteur Steffer et son épouse sont venus chercher l’icône dans le Vercors, ils ont été touché par les deux icônes.

En fait, Mme Steffer est catholique et a été plus sensible à l’icône de grand format travaillée avec plus de matière tandis que Mr Steffer, protestant a été lui plus sensibilisé par la composition plus « immatérielle ».

Finalement, l’une et l’autre de ces icônes ont correspondu aux sensibilités différentes de ce couple. Ils sont ainsi repartis avec les deux icônes, l’une pour la paroisse catholique et l’autre pour la paroisse protestante.

C’était un clin d’œil du Seigneur pour marquer l’année de la Miséricorde possible seulement si l’on prend en compte les autres communautés et surtout celle protestante qui va célébrer les 500 ans de la mort de Luther.

Le mariage mixte (ce couple s’est rencontré à Taizé) est peut-être l’un des terrains possible de la construction de l’unité (ou au moins de la prise de conscience du fossé de la séparation)

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5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 20:30
Quand la France internait Schweitzer

En septembre 1917, parce qu’ils étaient des Allemands en territoire français, Albert Schweitzer et sa femme Hélène ont dû quitter Lambaréné et l’Afrique pour être internés dans des camps en métropole. Cet internement a duré onze mois.

Le futur prix Nobel de la Paix alsacien est resté philosophe : il s’est efforcé de positiver cette expérience.

Dans l’entrée de la Maison Schweitzer, à Gunsbach, une mosaïque rappelle que ce « bienfaiteur de l’humanité » a été fait, en 1955, citoyen d’honneur de la ville de Saint-Rémy-de-Provence.

Pourquoi Saint-Rémy ? Parce qu’il a soigné des Saint-Rémois quand il y était interné par la France à la fin de la Première Guerre mondiale.

Lorsqu’il a reçu le prix Nobel de la Paix, en 1952, il ne faisait aucun doute pour la France que l’Alsacien Albert Schweitzer était bien français. Mais une quarantaine d’années plus tôt, pour notre pays, ce docteur, pasteur, théologien, musicien et philosophe était à la fois allemand et suspect.

En mars 1913, Albert Schweitzer et son épouse Hélène, née Bresslau, s’embarquent pour Lambaréné, dans l’actuel Gabon, alors territoire français.

En partant exercer la médecine au cœur de l’Afrique noire, l’Alsacien souhaite, rappelle Jenny Litzelmann, directrice de la Maison Schweitzer, contribuer à « réparer les dégâts du colonialisme ».

Les autorités françaises ne l’entendent pas ainsi : elles le considèrent plutôt comme un espion à la solde de l’Allemagne…

Dès la déclaration de guerre, début août 1914, Schweitzer, poursuit la directrice, « est placé sous surveillance militaire. Il devait être accompagné quand il se déplaçait. » Cette surveillance l’empêche de revenir en Europe en 1915, afin de quêter des fonds pour son hôpital, et l’oblige à s’endetter. Et en septembre 1917, parce qu’allemand en France, il doit être rapatrié en métropole et interné.

Albert et Hélène, alors âgés de 42 et 38 ans, sont conduits trois semaines dans une caserne près de Bordeaux, puis dans un camp installé dans le sanctuaire marial de Notre-Dame-de-Garaison, dans les Hautes-Pyrénées.

Ce camp regroupe alors quelque 900 internés. En mars 1918, le couple est transféré à Saint-Rémy-de-Provence. Cet autre camp est installé dans l’hospice où avait séjourné Van Gogh et réservé aux Alsaciens-Lorrains. Auréolé déjà d’une certaine réputation, le docteur est accueilli par des guirlandes accrochées par ses codétenus…

Photo de groupe des internés à Saint-Rémy-de-Provence. Schweitzer est à droite, debout, de profil avec un chapeau (derrière le monsieur assis croisant les bras). Hélène est assise à côté de lui. Photo Maison Schweitzer Gunsbach

Les Schweitzer seront libérés en juillet 1918, dans le cadre d’un échange de prisonniers avec l’Allemagne.

S’ils sont dits de concentration, ces camps ne sont pas comparables à ceux de la Seconde Guerre. Ainsi, le couple a droit à sa chambre.

Dans la Maison Schweitzer est conservé le panonceau de bois qui se trouvait devant la leur à Saint-Rémy. C’était la 49, et Hélène Schweitzer y était désignée comme « chef de chambre ».

Mais ça restait un internement, donc une privation de liberté, longue et injuste, avec une nourriture médiocre, un confort très précaire.

« À Garaison, il faisait si froid qu’il y avait du givre sur les murs intérieurs , précise Jenny Litzelmann. Hélène souffrait de la tuberculose et sa maladie s’est aggravée dans les camps… » Albert a attrapé à Bordeaux une dysenterie qui lui vaudra d’être opéré dès son retour à Strasbourg, en septembre 1918.

Assez naturellement, Schweitzer devient le médecin des internés, voire des habitants des alentours.

Quand il soignait les Saint-Rémois, il acceptait en paiement de la nourriture redistribuée à ses compagnons.

Dans son autobiographie Ma vie et ma pensée , parue à Leipzig en 1931, l’Alsacien a raconté comment cette position en a fait un observateur privilégié de la population internée et de ses « multiples misères. »

Garaison était cosmopolite. « Pour s’instruire au camp , écrit Schweitzer, il n’était pas besoin de consulter des ouvrages. Pour tout ce que l’on désirait apprendre, il se trouvait quelque spécialiste. J’ai largement profité de cette occasion unique. »

On le voit : en cette circonstance comme dans les autres, Schweitzer positive. S’il évoque des misères, il ne les détaille pas. Pour lui, même l’internement est un enrichissement.

« Il ne se plaignait jamais ! , rappelle Jenny Litzelmann. Et il préférait donner l’exemple plutôt que critiquer. C’était quelqu’un de positif, qui avait la foi. Il acceptait ce qui lui arrivait. » Il n’a pas essayé de se soustraire à cet enfermement et n’en a pas voulu aux États. Dans ses écrits, il a dénoncé le nationalisme plutôt que tel ou tel pays.

Forcément, cette guerre a marqué sa pensée. Gunsbach était proche du front et il connaissait la réalité du conflit par ce que lui en disait son père. C’est dans cette période 14-18, en Afrique et dans les camps, qu’il a travaillé à sa Kulturphilosophie (philosophie de la civilisation).

C’est en 1915, en croisant un troupeau d’hippopotames sur un fleuve africain, qu’il eut la révélation de son éthique du « respect de la vie ».

Après un bref passage par la Suisse, il retrouve l’Alsace en août 1918. Il effectue alors des tournées en Europe qui lui permettent d’envisager financièrement son retour en Afrique, effectif en 1924.

À Strasbourg naît la fille unique d’Hélène et Albert. Ils la baptisent Rhéna. Cet hommage au Rhin est sentimental : c’est au bord de ce fleuve qu’ils se retrouvaient, à vélo, quand ils étaient jeunes amoureux.

C’est aussi un manifeste pour l’entente franco-allemande. Comme Albert, Rhéna est née un 14 janvier, lui en 1875, elle en 1919. Cette enfant de la réconciliation a donc été conçue durant la période d’internement.

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