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18 avril 2023 2 18 /04 /avril /2023 19:30

 

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17 avril 2023 1 17 /04 /avril /2023 19:30

Sacrifier c’est, littéralement, « faire sacré ».

Comme si l’acte de mettre à mort précédait ce que nous nommons le sacré.

Les travaux de ­René ­Girard vont dans ce sens.

Selon l’anthropologue, le sacré, comme la vie sociale qui s’organise à partir de lui, naît d’un premier meurtre.

Sitôt que les hommes vécurent durablement ensemble, la rivalité s’installa.

Rien ne pouvait mettre un terme à celle-ci, sinon le déchaînement soudain de la violence du groupe sur l’un de ses membres.

Étrangement, ce premier meurtre ramena la paix.

On prêta alors à la victime le pouvoir d’un dieu. De là naquit la pratique sacrificielle dont le rôle est de prévenir le retour de la violence en répétant, sur un mode rituel, le meurtre fondateur.

Un être sans défense, plutôt extérieur à la communauté (un bébé par exemple) ou tenu à son écart (une vierge « consacrée »), est donné en offrande.

On chargeait ainsi « la victime émissaire » de nos violences, de nos fautes, de tout ce dont une communauté voulait se purifier.

Selon ­Girard, le recouvrement de la cohésion sociale par la ritualisation de sa propre violence repose sur l’ignorance du « mécanisme sacrificiel ».

Le groupe ignore l’innocence de la première victime. En sacrifiant l’enfant, il croit satisfaire aux dieux – tandis qu’il ne fait que perpétuer un meurtre.

Il faudra toute l’histoire du peuple juif, puis le Christ, pour enrayer le mécanisme sacrificiel : en déclarant qu’il est Dieu tout en prenant sur lui nos péchés, le Christ révèle que les boucs émissaires sont innocents des maux dont on les charge.

Il n’y a dès lors plus qu’un sacrifice qui plaise à Dieu : le sacrifice de louanges.

La pratique chrétienne tient en un paradoxe : célébrer le sacrifice qui mit fin aux sacrifices.

L’Église apparaît ainsi comme la tentative de former une communauté autour, non plus de la victime sacrifiée (« Tous contre un »), mais du refus commun des mécanismes d’exclusion et de mise à mort.

Que devient le sacrifice dans un monde où la pratique chrétienne, « contre-sacrificielle », ne cesse de reculer ?

Serons-nous d’autant plus affranchis de la logique sacrificielle que nous ignorerons davantage son existence ?

En dehors de tout esprit partisan, éveillé seulement par la pensée de ­Girard, j’ai été frappé d’entendre, dans tous les médias comme à l’Assemblée, discuter de la nécessité de « sanctuariser le droit à l’IVG ». « Sanctuariser » : le mot est fort.

Lui aussi signifie « faire sacré ».

Dans un même registre, lors de son discours au Parlement du 24 novembre, M. Dupond-Moretti entendait, « d’une main tremblante », « consacrer » le droit à l’avortement.

Prendre conscience de la logique sacrificielle, c’est déjà en limiter l’emprise.

Aussi ne s’agit-il pas, dans un débat vain, d’opposer aux droits des femmes ceux de « la vie naissante ».

Les victimes de ce retour du sacré pourraient d’ailleurs être les femmes elles-mêmes : si elles jouissent d’un « droit sacré », les pouvoirs publics ne sont-ils pas légitimés dans le fait de ne plus offrir les moyens décents de les accompagner ?

Il ne fait nul doute qu’il est des situations douloureuses, des vies dont l’accueil nous paraît impossible.

Et certes, ce n’est pas l’acte, mais le droit à l’avortement que le gouvernement veut placer au fondement de notre République.

Il m’apparaît seulement dommage qu’une société qui ne cesse de rendre l’accueil d’un enfant économiquement difficile et plus angoissant, en vienne de surcroît à tenir pour sacré un droit dont la jouissance n’est jamais, en elle-même, une joie.

Martin SteffensPhilosophe (1)

(1) Dernier ouvrage : Être père, c’est… Salvator, 138 p., 9,90 €.

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16 avril 2023 7 16 /04 /avril /2023 19:30
Humour

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