Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 19:27

Ma voisine – pas du tout croyante – se demande pourquoi autant de religieux et religieuses se présentent à la porte de mon cabinet. « Ah bon, ils en ont besoin ? ! », s’exclame-t-elle quand je lui dis que je les reçois en thérapie.

Preuve qu’il n’y a même pas besoin d’être chrétien pour penser que ceux qui ont une vocation deviennent directement des saints, ou en tout cas des anges, sans corps, sans psychisme et sans conflits.

Il semble que nous soyons nombreux à penser de la même manière et que ce soit même une sorte de réflexe conditionné. Quand « il » ou « elle » a reçu un appel à consacrer sa vie à Dieu, n’en fait-on pas un être à part, un peu désincarné ?

Surtout « il », me semble-t-il, quand on voit avec quelle révérence certains peuvent s’adresser au jeune prêtre de leur paroisse.

On a tous besoin d’avoir un idéal. Admirer certaines personnes et nous identifier à elles, c’est ce qui nous aide à avancer. Mais notre problème de base, celui de notre humanité, c’est qu’on veut tout, tout de suite, et complètement.

Les chapitres 2 et 3 de la Genèse constituent à ce titre un magnifique précis de psychologie. Par conséquent, quand on idéalise, on y va carrément, mais c’est inconscient.

On veut avoir tout et, par extension de ce même réflexe, l’autre doit être tout. On aimerait que les gens qu’on admire soient parfaits. On les installe sur un piédestal et ils ne doivent plus en bouger sous peine d’être rapidement voués aux gémonies.

C’est ce qui est arrivé récemment à un certain nombre de fondateurs de communautés. Loin de moi l’idée de vouloir les disculper des terribles dégâts qu’ils ont pu engendrer et de leur responsabilité.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est l’idéalisation qui sous-tend ces réflexes. Parce que, s’il s’agit d’une caractéristique inconsciente de chaque être humain, il y a peut-être aussi une dimension collective à cette tendance à la spiritualisation hors-sol.

Les religieux et les religieuses que je reçois me donnent des pistes. Certes, ils ne sont pas représentatifs de toutes les communautés ni de l’Église dans son entier, mais ce qu’ils me disent résonne avec tous ces scandales des dernières années. 

« Dans ma communauté, il faut s’oublier, ne pas s’occuper de soi, de ses émotions. Tenir compte du psychique, c’est presque un péché. Du coup, personne ne se livre. Au bout d’un moment, on enfile un rôle et on finit tous par jouer des jeux de rôles. On est beaucoup dans le spirituel, mais le réel ne suit pas. Ça manque de parole, de vie, de chair. »

Peut-être avons-nous un peu trop séparé le haut du bas, le spirituel du charnel ? Peut-être que contrairement à ce que pense ma voisine, un cheminement spirituel n’est pas une danse gracile dans des sphères éthérées ?

Est-ce que le spirituel n’a pas eu, longtemps, une connotation de monde d’en haut, séparé du monde d’en bas, celui de la chair, un peu méprisée ?

Alors que pour naître d’en haut, il faut aussi naître d’en bas, c’est-à-dire entrer en relation avec les profondeurs de notre nature humaine, de notre corps, nos instincts, nos pulsions, la partie de notre être traditionnellement considérée comme inférieure.

Pour réellement faire le lien, l’expérience concrète de ce que notre religion de l’Incarnation a à nous enseigner.

Julie Saint Bris, psychanalyste (1)

(1) Autrice de Masculin et féminin face-à-face. Pour une évolution humaine et spirituelle, Médiaspaul, 150 p., 15 €.

Nous accueillons cette semaine Julie Saint Bris, qui assurera cette chronique en alternance avec Jean-Guilhem Xerri. Martin Steffens conserve sa chronique bimensuelle « à proprement parler ».

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0
30 septembre 2021 4 30 /09 /septembre /2021 19:30

 

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0
29 septembre 2021 3 29 /09 /septembre /2021 19:30

Exhortations au combat, châtiments divins, descriptions apocalyptiques… Mis par écrit plusieurs années après la mort de Mohammed, le prophète de ­l’islam, en 632, le Coran contient une violence qui peut paraître difficilement compréhensible aujourd’hui. 

« Elle n’est toutefois pas majoritaire dans le texte coranique, qui insiste sur l’unicité de Dieu et l’imminence de la fin des temps », nuance Francesco Chiabotti, qui enseigne l’islamologie et l’histoire médiévale à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

Aux côtés de versets belliqueux coexistent en effet des versets pacifistes, comme celui-ci : « Quiconque fait périr une vie humaine non convaincue de meurtre ni de corruption sur la terre, c’est comme s’il a tué l’humanité tout entière » (Coran 5, 32).

Il est indéniable que le Dieu du Coran présente souvent un visage rigoureux : il est dit « dominateur » (al-jabbâr), « redoutable » (shadîd)…

Par ses châtiments, il punit ceux qui s’opposent à lui ou perturbent l’ordre du monde. « Il s’agit donc d’abord d’une violence restauratrice censée rétablir la paix entre les hommes et entre les hommes et Dieu », écrit Paul Ballanfat dans un article sur la violence dans le Dictionnaire du Coran (Robert Laffont, 2007). 

« La violence divine est toujours reliée aux idées de préservation, de justice et de paix », ajoute ce philosophe avant de préciser que le Dieu des musulmans, qui présente aussi un visage miséricordieux, est « celui en qui se nouent les contraires ».

Mais la violence qui s’exprime dans le Coran n’est pas uniquement le fait de Dieu. Les croyants ne sont-ils pas encouragés à « combattre dans le chemin de Dieu » et à « tuer les associateurs » (c’est ainsi que le Coran nomme les polythéistes, car ils « associent » à Dieu d’autres divinités) ?

Chargés de défendre et propager la foi au Dieu unique, ils peuvent faire usage de la violence mais, précise le Coran, celle-ci n’est qu’un moyen : seule la paix (salam) est un but souhaitable.

Il est en tout cas manifeste que, pour le locuteur du Coran, la violence fait partie de l’existence. De la même manière que la violence relatée dans l’Ancien Testament était le reflet des conflits sanglants qui opposèrent Babyloniens, Assyriens ou encore pharaons.

Mohammed était-il un chef de guerre ?

L’alliance comme la guerre entre tribus sont centrales dans l’Arabie du VIIe siècle, et le prophète de l’islam ne rompt pas avec ces pratiques. Sa prédication se fait en deux temps, selon la tradition musulmane : d’abord à La Mecque, où il n’est pas reconnu comme prophète, puis à l’oasis de Médine, où il se réfugie avec ses compagnons. C’est là que Mohammed, en butte à l’échec de sa prédication, opte pour la lutte armée.

L’islamologue Francesco Chiabotti voit là une « dimension épique » des récits sur le prophète, la sîra (biographie de Mohammed) valorisant ses faits d’armes et sa supériorité militaire. Or, toute la question est celle de la valeur historique de ces textes, transmis oralement pendant plus d’un siècle avant d’être mis par écrit à partir de la fin du VIIIe siècle, sous la dynastie des Abbassides. « Le calife abbasside avait besoin d’un prophète au visage belliqueux, pour en faire un miroir de sa propre capacité à remporter des guerres », explique Francesco Chiabotti. « Les textes rédigés à cette époque se sont appuyés sur des récits épiques que le Coran livrait déjà, mais de manière décousue et sans contextualisation. »

Comment les djihadistes justifient-ils leur violence ?

C’est sur cette biographie de Mohammed et sur l’abondante littérature composée par des juristes musulmans depuis l’époque médiévale que s’appuient aujourd’hui les mouvements djihadistes pour justifier leurs actes. 

« Tout ce que fait Daech est en théorie permis par le fiqh (la jurisprudence musulmane, NDLR) », affirme ainsi le théologien Mohamed Bajrafil. « Brûler, démembrer des combattants, réduire des femmes yézidies en esclavage, précipiter des homosexuels du haut d’un immeuble… » 

Les théoriciens musulmans, regroupés en différentes écoles, ont en effet disserté sur ces questions dans d’interminables traités.

Ils ont notamment cherché à régler les nombreuses contradictions internes au texte coranique. « L’une des règles qui s’appliquaient était celle dite de “l’abrogeant et l’abrogé”, selon laquelle les versets les plus tardifs abrogent les plus anciens », explique Hicham Abdel Gawad, doctorant en science des religions à l’Université catholique de Louvain (Belgique). 

« Or certains théoriciens ont considéré que le fameux verset de l’épée (Coran 9, 5 : « Tuez les associateurs où vous les trouverez », NDLR) était parmi les derniers à avoir été révélés. Il abrogeait donc d’autres versets plus pacifiques et considérés comme antérieurs. »

Les attentats et persécutions commis au nom de l’islam sont également les conséquences d’une lecture qui se revendique comme littéraliste du Coran, encouragée par l’essor du salafisme saoudien à partir des années 1970.

D’autres lectures ont pourtant existé dès les premiers siècles de l’islam, laissant plus de place à l’interprétation.

Comment interpréter ces textes aujourd’hui ?

« L’Arabie du VIIe siècle ne disposait ni d’une police ni d’un pouvoir central : il est évident que la violence s’y manifestait autrement qu’aujourd’hui ! », reprend Hicham Abdel Gawad, partisan de l’approche historico-critique. « La violence que contient le Coran est un écho à une violence intertribale d’il y a quatorze siècles : si l’on comprend qu’il s’agit d’un passé réalisé, il n’y a aucune raison de vouloir la perpétuer. »

 Si la quasi-totalité des commentaires du Coran restent fidèles, encore aujourd’hui, aux interprétations classiques, de nouvelles exégèses émergent depuis trois décennies, recourant davantage aux méthodes académiques occidentales ou insistant sur les ressources spirituelles de l’islam.

Outre l’islam sunnite traditionnel, d’autres courants de l’islam ont considéré différemment cette question de la violence. Dans le soufisme, par exemple, la violence présente dans les textes de l’islam a été comprise, par certains auteurs, d’abord et surtout comme la métaphore d’une lutte intérieure entre le croyant et son ego.

S'abonner au Blog Seraphim

Cliquer ICI

Partager cet article
Repost0