Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière. Il va y découvrir l’amitié, la règle, le travail, l’amour et la foi…
LA PRIÈRE Bande Annonce (Film Français, 2018)
Un film réalisé par Cédric Kahn
Acteurs : Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl
Date de sortie au cinéma en France : 21 mars 2018
par Hugo MATTIAS
Au milieu d’un paysage montagneux aussi somptueux que glacial, le jeune Thomas creuse péniblement un grand trou dans la neige. Le visage rougi par l’effort, il se tourne alors vers Pierre, son « ange gardien », celui qui l’a amené sur ce versant isolé de la montagne. C’est sur ses ordres que Thomas a creusé jusqu’à l’épuisement. C’est donc à lui qu’il demande ce qu’il devra faire ensuite. La réponse, absurde, voire cruelle, n’entraîne pourtant aucune contestation : après avoir creusé, on rebouche.
Cette apparente incohérence parcourt, à plus grande échelle, le nouveau film de Cédric Kahn, La Prière. Toute expérience semble ici atteinte du même caractère versatile par lequel l’acte de creuser peut aussitôt se retourner en son exact contraire.
Thomas est un adolescent rebelle et mutique, accro à l’héroïne. Après une overdose, il rejoint une communauté religieuse composée d’anciens toxicomanes et rigoureusement soumise aux valeurs de l’amitié, du travail et de la prière. Du chemin de croix qu’il s’apprête à vivre, on ne verra que peu de choses. La rédemption n’en paraîtra que plus miraculeuse. L’addiction à la drogue se retourne en addiction à la prière. Le goût pour la solitude se change en discours émus sur l’amitié et les « frères ». Celui qui bravait les règles du groupe pour voler une cigarette devient celui qui les défend en confisquant la drogue d’un camarade. Celui qui tentait d’échapper à la compagnie étouffante du groupe participe à son tour aux « battues » organisées pour retrouver les fuyards. Car ici, la solitude est strictement interdite.
Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, La Prière n’est donc pas tout à fait un récit d’apprentissage. Le scénario, qui fait la part belle aux ellipses, laisse dans l’ombre la plus grande partie du calvaire de Thomas, pour se concentrer sur le point de départ et le point d’arrivée. D’une saison à l’autre, Thomas passe du disciple récalcitrant au camarade zélé et enthousiaste. Entre les deux, on ne peut que deviner l’effet produit par les prières quotidiennes, les gospels improvisés et les confessions publiques. En séparant ainsi la cause de l’effet, Cedric Kahn évite l’écueil de l’éloge naïf qui consisterait à montrer sans distance les vertus de cette thérapie par la foi.
La versatilité du personnage de Thomas, aussi bien que celle de son interprète (l’excellent Anthony Bajon, aussi crédible dans la révolte que dans la douceur), peut être vue comme le signe d’une certaine lucidité face aux idéaux de la communauté. La prière n’est pas filmée comme une solution idéale, mais simplement comme une solution possible. On vient là comme on se creuse un trou où passer l’hiver, et peu importe qu’on choisisse de le reboucher ensuite ou d’y rester quelques hivers de plus.
Au milieu du film, la maison des garçons et celle des filles se regroupent pour la fête annuelle. Après les réjouissances, tout le monde s’assied dans l’herbe et écoute ceux qui ont souhaité prendre la parole pour raconter leur expérience. Certains font le récit de leur résurrection, d’autres de leur rechute. Avec une mise en scène neutre, proche du documentaire (les visages sont filmés en gros plan, face caméra), les témoignages s’enchaînent comme autant d’issues possibles au temps passé ensemble, loin du monde, près de Dieu. Certains réussissent à s’en sortir, d’autres échouent et doivent recommencer la thérapie à zéro. C’est aussi cette vérité que montre Cédric Kahn.
Si le penchant documentaire du film s’explique sans doute en grande partie par l’importance de l’enquête de terrain dans la genèse du projet, il laisse sur La Prièreune empreinte tout sauf anecdotique. En évacuant toute complaisance au profit d’une réalisation sèche et d’un scénario elliptique, le film impose une certaine distance critique entre son sujet et le spectateur. S’il sacrifie ainsi une part du romanesque inhérent à tout récit d’apprentissage, nous laissant parfois désorientés, incapables de nous identifier jusqu’au bout au destin de Thomas, il trouve aussi là sa force paradoxale, en parvenant à évacuer de cette histoire de guérison par la foi toute forme de transcendance. La Prière, contrairement à ce que ce titre pouvait laisser craindre, n’a rien d’un chant éthéré, mais tient plutôt de la chronique à hauteur d’homme, modeste, ancrée dans un destin résolument terrestre.
Pour autant, le titre n’a rien d’ironique. Les rites religieux sont inscrits dans une représentation froide et répétitive qui les met à distance, mais ils sont filmés sans mépris, davantage comme un point de départ que comme une fin en soi. Il s’agit avant tout de trouver une raison de relever la tête, quand bien même la foi religieuse n’aurait de valeur que transitoire, comme terreau ou symbole d’une foi plus séculière en soi et en l’avenir.
En ce sens, l’une des plus grandes réussites de La Prière est la place accordée à la nature et à ses paysages grandioses. Les nombreux plans larges sur la montagne, tantôt enneigée tantôt ensoleillée, inscrivent le passage des saisons au cœur même du scénario. Leur rythme devient une alternative possible à celui des prières. C’est là aussi que loge la versatilité du film, qui accueille sans ironie l’ardeur chrétienne de Thomas tout en ouvrant la porte à une interprétation plus profane de sa rédemption comme un simple retour aux sources.
Quand le jeune homme se blesse la jambe après une chute dans la montagne, sa prière est récompensée par une guérison accélérée, dans laquelle il s’empresse de voir le signe d’une intervention divine. Mais la caméra de Cédric Kahn filme autant le miracle d’une communion avec Dieu que le soudain renversement d’un ciel d’orage en une matinée ensoleillée, d’une nature hostile en une nature mère. Si la solitude semble inévitable, même et surtout au sein de la fraternité monolithique du groupe, elle perd toute réalité dès lors que la nature est à nouveau perçue comme une continuité de soi, et non plus comme un ennemi. Aussitôt après avoir remercié Dieu, Thomas s’abreuve à l’eau d’une source. Les deux images, céleste et terrestre, coexistent ainsi à l’intérieur du film. Seule compte la guérison, semble nous dire La Prière, qu’on la pense en termes religieux ou profanes.
Cette ouverture du destin de Thomas aux significations que le spectateur voudra bien lui prêter affaiblit parfois le film, qui semble hésiter entre la fiction et le documentaire, et accepte finalement une certaine absence de propos sur son propre sujet. Mais cette absence de propos sur la religion est aussi ce que La Prière a de plus intéressant à dire. Quand l’histoire de Thomas s’achève sur une note pleine d’espoir, on comprend que le religieux n’a qu’une importance relative dans le destin du personnage. Ce qui importe, c’est d’aller mieux, de retrouver son chemin, et peu importe par quel versant on attaque l’ascension.
BERLINALE 2018 - La Prière (2018)
LE CHEMIN DU RETOUR par Hugo MATTIAS Au milieu d'un paysage montagneux aussi somptueux que glacial, le jeune Thomas creuse péniblement un grand trou dans la neige. Le visage rougi par l'effort, il...
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L’icône byzantine gréco-russe sur bois, très connue en France, n’est qu’une voie particulièrement illustre et prestigieuse de l’art de l’icône, mais il existe beaucoup d’autres styles d’icônes, non byzantins : icônes coptes d’Égypte, éthiopiennes, arabes, arméniennes, sur verre en Roumanie et Pologne...
Il est également peu connu en France que l’art chrétien est né en Égypte dès le IIe siècle, parallèlement à l’art des catacombes de Rome. En effet l’Égypte est un des tout premiers pays chrétiens au monde, dès le IIe siècle ils étaient déjà majoritaires dans le pays, malgré la persécution romaine. Les Coptes sont les inventeurs du monachisme chrétien avec saint Antoine le Grand au IVe siècle.
Aujourd’hui les chrétiens d’Égypte, contrairement à certains chiffres fallacieux donnés par le gouvernement égyptien, ne sont pas 6 millions mais 15 millions, soit 17% de la population égyptienne. Parallèlement au renouveau spectaculaire de l’Église copte depuis 1960, malgré la persécution islamique, on assiste depuis un demi-siècle à la renaissance de l’icône copte. Au patriarcat copte-orthodoxe du Caire, à l’ombre de la cathédrale Saint-Marc, Isaac Fanous (1919-2007), père de ce renouveau, a fondé le Centre d’Art Copte Contemporain. Presque tous les iconographes actuels sont ses disciples, Armia (Jérémie) El Katcha, Ayman Adeib, Evelin Adel, Adel Berty, Emad Bibawi, Ashraf Fayek, Martha Ghaly, Mary Guirguis, Nancy Mikaël, Hany Saweres, Delia Sobhi, Elia Youssef et tant d’autres.
Il les poussait à exprimer leur propre talent, mais on reconnaît « le style Fanous », la marque de l’« école fanousienne ». Ils ont décoré de nombreuses églises à travers l’Égypte, en France (église copte de Chatenay-Malabry) et aux États Unis. Son but fut de ressusciter la peinture d’icônes en Égypte, en un style ni byzantin ni occidentalisé. Il a forgé un style original, creuset de la peinture antique du temps des pharaons, des admirables portraits funéraires « du Fayoum » (Égypte romaine) et de l’icône copte ancienne, mais avec une touche résolument du XXe et XXIe siècle.
La géométrie de l’icône copte commence avec le cercle de l’auréole, au centre de laquelle passe la croix : c’est la forme parfaite et divine qui est la mesure de tout le corps. C’est tout-à-fait en accord avec la spiritualité des Coptes qui vivent une véritable amitié au quotidien avec le Christ et les saints. La technique byzantine, à l’inverse, divise l’icône en carrés. Fanous se flatte qu’aucune influence byzantine n’a approché son atelier. L’art copte est un art de pauvres : pas de couronnes, peu de feuille d’or et de lapis-lazuli. La composition de l’icône copte a une charpente géométrique forte, et une fausse naïveté très savante. C’est aussi un art moins austère que l’icône byzantine : des couleurs éclatantes, des notes d’humour (l’âne de la Sainte Famille a toujours des expressions inénarrables), une possibilité d’innovation sans être prisonnier de la tradition.
La Fuite en Égypte est le sujet copte par excellence. Elle s’appelle ici « Entrée de Notre Seigneur en Égypte », car c’est une fête liturgique importante du calendrier copte, le 1er juin. D’autres icônes représentent le voyage de la Sainte Famille sur le Nil ou le Retour d’Égypte, avec l’Enfant Jésus âgé de six ans guidant ses parents. Les saints préférés des Coptes figurent en bonne place : Georges, Ménas et ses chameaux, les Pères du désert comme saint Antoine le Grand, père des moines d’Orient et d’Occident, ou saint Paul de Thèbes le premier ermite, et son corbeau. Et aussi saint Marc, évangélisateur de l’Égypte, avec son lion, et Jonas, très aimé des Coptes. Fanous a peint les fresques de la crypte de la cathédrale Saint-Marc du Caire, où est vénéré le corps de l’évangéliste, rendu par Paul VI et par Venise en 1968.
Les icônes fourmillent d’allusions à la liturgie copte, à l’Égypte ancienne ou populaire. Certaines sont cernées d’un cartouche comme les hiéroglyphes. Sur l’icône de la Nativité figurent les trois rois, car les orthodoxes, dans leur calendrier, fêtent l’Adoration des mages le jour de Noël. L’icône des Noces de Cana représente les époux couronnés et têtes jointes comme dans la liturgie du mariage copte. A la Multiplication des pains, ceux-ci sont des pains eucharistiques orthodoxes. Les anges sont revêtus de l’étole rouge drapée comme les diacres coptes. Les 4 poissons dans le Jourdain au Baptême du Christ, ou dans le Nil pour la Fuite en Égypte, symbolisent les 4 évangélistes. L’ibis du dieu Thot accueille la Sainte Famille entrant en Égypte, au nom des dieux révolus de l’Antiquité égyptienne.
Isaac Fanous disait « Ma technique et mon système symbolique sont anciens, mais ma "grammaire" est moderne. Il y a une continuité de l’art égyptien de l’Antiquité à l’art copte. Il ne faut pas se complaire dans le passé comme on le fait dans les pays islamiques, c’est un facteur de déclin. » Pour les iconographes coptes, à la suite de Fanous, l’inovation est tout-à-fait autorisée –contrairement à l’iconographie byzantine- du moment qu’elle est conforme au dogme chrétien.
Fanous est l’inventeur de l’« ombre lumineuse » dégagée par les personnages saints. Les personnages négatifs, au contraire, projettent une ombre noire. Le blanc de la tunique sacerdotale du Christ et son manteau rouge sont les couleurs symboliques de la Haute et de la Basse Égypte dans l’Antiquité, reprises dans les deux nappes, écarlate et blanche, qui recouvrent les autels coptes.
L’icône copte est l’incarnation de la Lumière. »
par Marie-Gabrielle Leblanc
L'icône copte, l'art des chrétiens du Nil
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