Quand Gomer revient en permission il trouve tout un peu trop en ordre. Gwinmarie ne cache pas l'autorité qu'elle a acquise en l'exerçant. Le mari enfile ses pantoufles, et se gratte la tête. Il n'est plus l'homme de sa maison. Il repart à la guerre en Lombardie, en Saxe, en Aquitaine. Durant 8 ans, les deux époux se voient très rarement et la muraille entre eux s'élève qui est faite d'ignorance et d'incompréhension.
Chacun de son côté a affermi, seul, son tempérament.
La femme est devenue dure, sévère, et sans doute par crainte d'être mal obéie, elle a fait peser sur les fermiers et les journaliers le poids de ses privilèges. Elle les menace, elle les surveille, elle les punit.
Quand le bon Gomer rentre définitivement, il a tant vu de désordres et d'injustices engendrés et entretenus par le passage des armées, qu'il ne supporte pas du tout la manière dont sa femme gouverne.
En un rien de temps, il invite tout le pauvre monde maltraité chez lui, et remet chacun dans son droit et un peu plus.
Gwinmarie a crié, a griffé, a menacé, mais tant pis ! Gomer ne préfère pas sa femme à l'honneur de Dieu.
La guerre est dans la maison. Gomer n'élève pas la voix, il rassemble quelques amis et s'en va pèleriner jusqu'à Rome, jusqu'à ce que l'orage s'apaise.
Il n'ira pas loin. Un miracle — un arbre abattu qu'il ressuscite -— et une révélation d'un ange l'obligent à bâtir, sur ses propres terres, un couvent et une église.
Voilà Gomer moitié mari, moitié moine.
Il descend assez souvent à Emblehem où Gwinmarie, de plus en plus revêche, est contrainte à admettre ses corrections car si elle ne veut rien entendre aux remontrances et aux leçons, Gomer n'hésite pas à la moucher d'un miracle fort à propos.
Tout finira bien.
La femme, vieillissante, malade, isolée, sans amis, fera appeler Gomer quand elle aura peur de mourir. Gomer viendra la rassurer, et la rafraichir. Elle perdra toute son acidité et, dans les mains attendries et les prières efficaces de son mari elle pourra mourir en paix, comme une fleur.
Gomer la retrouva le 11 octobre 774.
Et ils eurent, sous forme de miracles, beaucoup d'enfants.
On le représente un bâton de marche la main, au long duquel ont poussé des feuilles. C'est en souvenir d'un bâton planté par lui pour fixer le lieu de ses rendez-vous avec un autre saint — Rumold, l'irlandais qui évangélisait les Pays-Bas. En ce lieu prédestiné, il poussa tant de lierre que le nom de Lierre fut donné à la ville qui s'y développa.
Quand entre vous et votre femme le torchon brûle, ne cherchez pas des arguments dans la vie de saint Gomer, mais demandez à saint Gomer une prière, une lumière, un silence, le secret de la paix qui liait saint Joseph à la sainte Vierge Marie.