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12 octobre 2019 6 12 /10 /octobre /2019 22:55
Pourquoi les vaches ressuscitent (probablement) ?

Y a-t-il une ménagerie au ciel ? Les animaux, les arbres ou même les cailloux vont-ils au paradis ? Dieu se préoccupe-t-il du salut éternel de ceux qui ne sont pas des êtres humains ?

Pour Franck Dubois, bêtes et plantes attendent d’être sauvées. Mais il ne dépend pas de la vache d’accéder au ciel.

À proprement parler, elle ne « ressuscite » pas, mais elle est associée au mystère de la résurrection des hommes. Ce sont eux qui ont la responsabilité de son salut. Loin d’être « jetable », la création entière est appelée à passer en Dieu.

Elle n’est pas qu’un simple décor, qui sera abandonné à la fin de l’histoire, mais une réalité avec laquelle il faudra compter dans l’au-delà.

Cette communauté de destin entre tous les éléments du monde appelle chacun à la vigilance.

C’est bien le message sous-jacent de ce livre inouï d’originalité : Dieu est présent au coeur de toute réalité matérielle. Il agit sur les âmes et sur les corps. Il ne se désintéresse pas du monde physique.

Tout au contraire, il l’a créé pour qu’il demeure éternellement et qu’il se perfectionne. Y aura-t-il des lions vegans aux cieux ? Le chauve recouvrera-t-il ses cheveux là-haut ? Mon poisson rouge pourra-t-il enfin parler ?

Une chose est sûre, il y aura bien du monde dans « l’ascenseur » qui nous mènera au paradis.

Loin d’être « jetable », la création entière est appelée à passer en Dieu. Cette communauté de destin entre tous les éléments du monde appelle chacun à la vigilance.

C’est bien le message sous-jacent de ce livre inouï d’originalité : Dieu est présent au cœur de toute réalité matérielle !

EXTRAITS

« Dans le livre de la Genèse,l’homme et tous les autres animaux avec lui sont vegan. »

Ma maman se demande souvent si elle retrouvera son lapin Cicéron au Ciel. Ses parents lui ont joué un mauvais tour alors qu’elle était encore adolescente.

Elle était en séjour linguistique en Allemagne, et Bonne-Maman en a profité pour passer Cicéron à la casserole. Transformé en pâté.

Maman s’est longtemps demandé dans quel état elle retrouverait Cicéron au Ciel, si toutefois cela devait se faire. Il lui fallut attendre assez longtemps pour avoir enfin une réponse à sa question.

Mes parents m’ont, en effet, fait la joie d’assister à ma soutenance de thèse sur le thème un peu technique du « corps comme un syndrome, une théorie de la matière chez Grégoire de Nysse ».

L’étude porte sur la façon dont Grégoire, évêque du IVe siècle à Nysse, envisage la création de la matière par Dieu, comme on le verra plus loin.

Maman n’a pas fait deux semaines de théologie, cependant, après avoir entendu les savants échanges entre son fils et le jury, elle eut cette fulgurante formule, résumant en peu de mots ce que je peinais à transcrire en plus de 600 pages : « J’ai compris ! Je sais comment les vaches ressusciteront. »

Elle a dit cela non pas pendant la soutenance, mais lors du repas qui suivit, en présence, comme vous l’imaginez, du corps professoral au complet.

– Et comment donc ? crut bon lui demander un membre du jury.
– En filet !

Sans doute, le menu du jour venait de livrer à maman une juste intuition sur l’état du monde à la résurrection.

Après tout, le Royaume des Cieux est souvent comparé à un repas succulent.

La question reste ouverte de savoir si on y mangera ou non de la viande. L’option assez probable est que non.

Pas seulement pour laisser à Cicéron une seconde chance, mais aussi parce que, dans le livre de la Genèse, l’homme et tous les autres animaux avec lui sont d’abord vegan :

Dieu dit : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture.

À toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des plantes » et il en fut ainsi [Genèse 1, 29-30].

« La solidarité entre l’homme et le reste de la création ne s’interrompt pas avec la mort. »

Il est vrai que peu d’auteurs admettent la résurrection des animaux individuels.

Ils voient mal comment serait possible la résurrection de chaque animal qui a effectivement existé (fourmis, bactérie…).

On peine à s’imaginer un retour à la vie de tous les êtres vivants ayant existé sur terre.

Cela ferait une collection un peu improbable de dinosaures, de poules, de lapins et de moustiques.

À ce sujet, l’écrivain C. S. Lewis écrit dans son livre Le Problème de la souffrance :

« Question : Où mettrez-vous tous les moustiques ?

Réponse : Un Ciel pour les moustiques et un enfer pour les hommes pourraient se combiner très commodément. »

Lewis pense que les animaux n’ont pas de « moi », et cette absence de conscience de soi est un obstacle à leur résurrection personnelle.

Il envisage cependant une exception pour les animaux domestiques qui, selon lui, acquièrent par leur maître une personnalité.

Ceux-là ressuscitent « par » leur maître, grâce et dans la relation qu’ils ont avec eux.

Les animaux sauvages, cependant, ne ressusciteraient pas individuellement.

Chaque lion ne ressuscitera pas mais un « lion type » sera là, représentant officiel de tous les lions qui furent jamais.

C’est l’espèce qui ressuscite, pas l’individu.

Il est difficile de concevoir avec précision la manière dont les animaux et le reste de la création, seront associés à la résurrection finale des hommes.

La question n’a d’ailleurs pas beaucoup d’intérêt. Luther pensait que Tölpel ressusciterait avec une peau d’or et des poils de perles.

Peu importe de savoir quel animal sera présent au Ciel et sous quelle forme.

On peut retenir toutefois que seul l’homme, à proprement parler, ressuscitera, dans et par le Christ.

D’une manière ou d’une autre, le reste des vivants et la création tout entière seront associés à cette résurrection.

Ce qui compte, c’est de comprendre que la solidarité entre l’homme et le reste de la création ne s’interrompt pas avec la mort et la venue du monde à venir.

Or, cela implique des conséquences précises pour l’homme d’aujourd’hui dans son rapport avec la nature. Il ne peut l’abandonner.

Il doit bien plutôt l’embarquer avec lui dans sa course vers les Cieux.

Franck Dubois

Dominicain, Franck Dubois est titulaire d’une thèse sur Grégoire de Nysse. Il a enseigné la théologie à Lille.

Il est actuellement en charge de la formation des jeunes frères au couvent de Strasbourg.

 

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11 octobre 2019 5 11 /10 /octobre /2019 22:55
La guérison du monde

Homélie de Monseigneur Marc

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10 octobre 2019 4 10 /10 /octobre /2019 22:55
Sa lumière se diffuse à travers mes obscurités

La discrète « théologienne du pape »

Il faut, au début, tendre l’oreille pour comprendre sœur Dolores Aleixandre, et pourtant la rencontre est immédiate, dans la gare de Madrid où la religieuse espagnole est venue elle-même nous chercher.

Si elle a perdu la voix il y a quinze ans, et s’exprime difficilement, cette femme vive et tonique de 80 ans est toute en attentions, serrant dans ses bras son invitée, prenant des nouvelles d’une consœur venue l’interviewer quelques années plus tôt…

Théologienne, bibliste, auteure d’une vingtaine d’ouvrages, Dolores Aleixandre n’a rien d’une universitaire déconnectée des réalités du quotidien.

Cette ancienne maîtresse des novices et professeure d’Écriture sainte continue d’écrire, de prêcher des retraites, d’accompagner des personnes mais aussi de travailler avec une association de soutien aux immigrés dans le quartier populaire de Madrid où sa communauté du Sacré-Cœur est installée.

Alors qu’elle cherche aujourd’hui à « rester silencieuse, prier davantage et vivre plus attentive aux battements de cœur de Dieu dans le cœur du monde », ses difficultés d’élocution n’empêchent pas sa voix libre, féministe et fidèle à l’Église, de porter. Son opus Baptisé dans le feu est d’ailleurs l’un des livres de chevet du pape François, ce qui lui a valu – ce qui l’amuse – d’être qualifiée de « théologienne du pape ».

Dans un de vos ouvrages (1), vous associez la vieillesse à la « splendeur » du soir, là où beaucoup y voient une sombre déchéance. Pourquoi ?

Sœur Dolores Aleixandre : Deux textes m’ont mise en marche pour écrire ce livre. Le psaume 65 dit : « Tes signes font jubiler les portes du matin et du soir. »

Cela m’a beaucoup touchée. J’ai moi-même 80 ans. La jeunesse, ce sont « les portes du matin » et, à cet âge, il n’est guère méritoire de vivre sa vie joyeusement, avec intensité.

Mais je vois que « les portes du soir » sont tristes pour beaucoup de personnes, qui vivent cette partie de leur vie dans l’amertume.

Elles regrettent toutes les possibilités qu’elles n’ont plus, se plaignent de leurs problèmes de santé, de ne plus briller professionnellement, de ne plus être reconnues.

Or, à la lecture de ces paroles de Jésus : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10, 10), je me suis demandé si l’on ne pouvait pas vivre une vieillesse d’abondance, au milieu des manques, des pertes et des renoncements qui s’installent…

En grec, le mot perisseia (« abondance ») est très beau, il évoque une exagération, un excès. Mon défi est de le vivre, car l’écrire est encore facile !

Comment le vivez-vous, justement ?

Sœur Dolores Aleixandre : J’ai enseigné la Bible avec passion pendant vingt ans à l’Université pontificale de Comillas, à Madrid.

La dernière année, avant que je prenne ma retraite à 67 ans, j’ai commencé à perdre ma voix.

Cette perte a été très rude pour moi car je donnais beaucoup de cours, de conférences, je prêchais des retraites…

Aujourd’hui, j’arrive dans un bar pour commander, le serveur ne comprend pas ce que je lui demande ; je veux acheter un livre, je dois mettre le titre par écrit. Si je suis avec un groupe, il faut que les autres se taisent sinon on ne m’entend pas.

Il m’a fallu tout un processus personnel pour l’accepter. Au début, j’ai marché dans l’obscurité, mais la lumière est venue d’une certitude absolue : quoi qu’il m’arrive, je suis toujours accompagnée.

Je m’appuie sur cette parole de Jésus : « Mon père est à l’œuvre jusqu’à présent, et je suis à l’œuvre moi aussi » (Jean 5, 17)…

J’ai cette confiance éperdue que Dieu travaille en moi et que ce travail est bon, même si, parfois, je ne comprends pas. L’humour, que j’ai hérité de mon père, m’a beaucoup aidée aussi.

Aujourd’hui, je ne vois plus la perte de ma voix comme un drame, mais simplement comme un inconvénient.

Si je ne donne plus de conférences, je continue en revanche de prêcher des retraites : passé les premiers moments un peu déconcertants, les groupes que j’accompagne oublient l’instrument.

Ce qui ressort, ce ne sont pas mes cordes vocales, mais la parole de Dieu que rien ne peut arrêter. Sa lumière se diffuse à travers mes obscurités.
 

La vie nous dépouille pour mieux accueillir Dieu ?

Sœur Dolores Aleixandre : Oui, c’est sa mission. La vie a pour mission de nous dépouiller. Jean Vanier dit quelque chose d’extraordinaire : « Nous naissons faibles, nous mourons faibles, mais entre les deux, nous passons notre vie à essayer d’occulter notre faiblesse. »

La vieillesse, au contraire, est l’occasion de nous débarrasser de ce masque de puissance, de ne plus nous accrocher à de fausses images de soi.

C’est une bataille terrible, mais accepter les signes de la vieillesse libère beaucoup.

Nous commençons à être et à nous laisser voir tels que nous sommes réellement, avec des côtés lumineux et obscurs à la fois, avec le besoin d’aimer, d’être aimés et entourés d’attentions.

Sur quelles ressources vous appuyez-vous pour garder l’espérance ?

Sœur Dolores Aleixandre : Je me joins au collectif des découragés bibliques !

La Bible est comme ma respiration. En la fréquentant, j’essaie d’apprendre qu’il est possible de vivre à la fois le découragement et l’espérance.

Les premiers chrétiens ont connu le découragement car le retour du Christ n’arrivait pas, il leur fallait encore attendre…

Mais ils n’ont pas désespéré. Ils ont su adapter leur espérance aux situations difficiles. Cette capacité extraordinaire de l’être humain à recommencer sans cesse m’aide beaucoup.

Les prophètes de l’Ancien Testament, en particulier, que j’ai enseignés, m’ont donné beaucoup d’images d’espérance.

Ils sont animés d’une force qui ne vient pas d’eux mais qu’ils reçoivent.

J’aime aussi le réalisme des évangélistes : ils décrivent, sans en atténuer les contours, des situations catastrophiques, avant d’inviter à lever la tête, car « le Fils de l’homme arrive », quelqu’un vient à notre rencontre.

Un Dieu qui vient partager notre condition humaine… C’est le message de Noël, et l’Avent est le temps liturgique des vieux !

Regardez les figures que l’Église nous donne à contempler, Zacharie et Élisabeth, Syméon et Anne !

La conception hébraïque du temps m’aide beaucoup également. Dans notre conception occidentale, le futur est devant nous, le passé derrière.

En hébreu, c’est différent, et plus logique, au fond : le passé que tu connais est devant toi, le futur que tu ne connais pas est derrière.

L’homme est comme un pèlerin qui s’appuie sur ce Dieu qui a été avec lui dans le passé et dont il sait qu’il sera encore à ses côtés aux jours de la vieillesse.

De même, le jour pour nous commence le matin et s’achève le soir dans l’obscurité. Les Hébreux mesurent le jour différemment : il commence la veille et s’achève à midi.

La pensée grecque du temps est marquée par la décadence, le temps biblique, lui, est une marche vers la lumière.

Marcher vers la lumière, à 80 ans, c’est marcher vers la mort ?

Sœur Dolores Aleixandre : Oui, mais la mort n’est pas l’obscurité.

Marthe et Marie de Béthanie ont entendu Jésus leur dire : « Notre ami Lazare repose, mais je vais aller le réveiller » (Jean 11, 11). Et de même, à propos de la fille de Jaïre, Jésus a dit : « L’enfant n’est pas morte, mais elle dort » (Marc 5, 39)…

Ces affirmations me donnent cette audace et cette confiance : je ne marche pas vers l’obscurité de ma mort, je marche vers Toi, la vraie Lumière.

Si nous prêtons crédit aux paroles de Jésus, elles ont le pouvoir de changer notre perspective.

En vieillissant, nous pourrions être tentés de rétrécir notre vie. Cet âge peut être, au contraire, l’occasion de porter notre foi, notre espérance et notre charité jusqu’à leurs ultimes conséquences.

J’ai perdu l’audition d’une oreille, la voix, et bien d’autres choses, et je pourrais me lamenter.

Mais je peux aussi voir les choses autrement. Penser à la manière dont je peux mettre en pratique, à 80 ans, ces paroles de Jésus : « Il y a plus à donner qu’à recevoir. »

Ainsi, le temps est notre bien le plus précieux, et la vieillesse fait que nous en avons beaucoup.

J’ai le temps pour prier davantage le matin, faire du yoga, écouter ceux qui en ont besoin, accueillir des migrants du Honduras que j’accompagne…

Bien des vieux religieux ne sortent pas de leur couvent, alors qu’ils pourraient visiter les gens, ne serait-ce que jouer aux cartes avec des personnes seules !

L’entrée dans la retraite et la vieillesse requiert un discernement particulier ?

Sœur Dolores Aleixandre : L’Évangile dit que celui qui veut bâtir une tour doit d’abord s’asseoir pour calculer.

La retraite devrait être ce temps pour s’asseoir et s’interroger : dans quoi est-ce que je veux investir cette période de ma vie ?

C’est ce que j’ai fait à 67 ans, et j’ai décidé de répondre à l’appel de la Caritas qui hébergeait temporairement des familles sans domicile et souhaitait que des religieuses les accompagnent.

Je suis allée vivre avec trois autres sœurs, chacune d’une congrégation différente, pendant cinq ans. Notre travail consistait à tisser des liens.

Les nuits étaient parfois un peu compliquées car il y avait beaucoup de conflits, mais au-delà des histoires terribles de ces familles, cette expérience m’a donné beaucoup d’admiration pour l’être humain et sa grande capacité de résilience, de lumière.

La vie nous dépouille mais l’Évangile nous donne des clés pour vivre ce dépouillement.

Recueilli par Céline Hoyeau

Sœur Dolores Aleixandre, religieuse espagnole de la congrégation du Sacré-Cœur, bibliste, auteure de Aux portes du soir. Vieillir avec splendeur. J. J. Destouches pour La Croix

(1) Aux portes du soir. Vieillir avec splendeur, Lessius/Fidélité, 213 p., 17,50 €.

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