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28 septembre 2020 1 28 /09 /septembre /2020 19:24

Tous les pays qui n'ont plus de légende

Seront condamnés à mourir de froid...

 

Loin de l'âme, les solitudes s'étendent

Sous le soleil mort de l'amour de soi.

A l'aube on voit monter dans la torpeur

Du marais, des bancs de brouillard immenses

Qu'emploient les poètes, par impuissance,

Pour donner le vague à l'âme et la peur.

Il faut les respirer quand ils s'élèvent

Et jouir de ce frisson inconnu

Que l'on découvre à peine dans les rêves,

Dans les paradis parfois entrevus ; 

Les médiocres seuls, les domestiqués 

Ne pourront comprendre son amertume : 

Ils n'entendent pas, perdu dans la brume, 

Le cri farouche des oiseaux traqués.

C'était le pays des anges sauvages, 

Ceux qui n'avaient pu se nourrir d'amour ; 

Comme toutes les bêtes de passage, 

Ils suivaient les vents qui changeaient toujours; 

Ils montaient parfois dans le cœur  des élus, 

Abandonnant la fadeur de la terre, 

Mais ils sentaient battre dans leurs artères 

Le regret des cieux qu'ils ne verraient plus ! 

 

Alors ils s'en allaient des altitudes 

Poussés par l'orgueil et la lâcheté ; 

On ne les surprend dans nos solitudes 

Que si rarement ; ils ont tout quitté. 

Leur légende est morte dans les bas-fonds, 

On les voit errer dans les yeux des femmes, 

Et dans ces enfants qui passent dans l'âme, 

En fin septembre, tels des vagabonds.  

 

Il en est pourtant qui rôdent dans l'ombre 

Et ne doivent pas s'arrêter très loin ; 

Je sais qu’ils se baignent par les nuits sombres 

Pour que leurs ébats n'aient pas de témoins. 

- Mais si déchirant parfois est leur cri 

Qu’il fige les souffles dans les poitrines, 

Avant de se perdre aux cimes de l'esprit 

Comme un appel lointain de sauvagine. 

 

Et les hameaux l'entendront dans la crainte, 

Le soir, passé les jeux de la chair ; 

Il s'étendra sur la lande -  la plainte 

D'une bête égorgée en plein hiver ; 

Ou bien ce cri de peur dans l'ombre intense 

Qui stupéfie brusquement les étangs, 

Quand s'approchent les pas des poursuivants 

Et font rejaillir l'eau dans le silence. 

 

Si désolant sera-t-il dans les plaines 

Que tressailleront les coeurs des passants ; 

Ils s'arrêteront pour reprendre haleine 

Et dire : c'est le chant d'un innocent ! 

Passé l'appel, résonneront encore 

Les échos, jusqu'aux profondeurs des moelles, 

Et suivront son vol, comme un son de cor, 

Vers le gouffre transparent des étoiles ! 

 

Toi, tu sauras que ce n'est pas le froid 

Qui déchaîne un cri pareil à cette heure ; 

Moins lamentable sera ton effroi, 

Tu connais les fièvres intérieures, 

Les désirs qui brûlent jusqu’à vous tordre 

Le ventre en deux, dans un spasme impuissant ; 

Et tu diras que ce cri d'innocent, 

C'est l'appel d'un fauve qui voudrait mordre… 

 

La quête de joie,

Editions de la tortue, Paris, 1933

Patrice de la TOUR DU PIN

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27 septembre 2020 7 27 /09 /septembre /2020 19:30
L'icône et l'enfant
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26 septembre 2020 6 26 /09 /septembre /2020 19:30

Les sept premiers pas de la Vierge Marie (XIVe siècle). Église Saint-Sauveur-in-Chora (Istanbul).
 

Comment raconter une vie ? Il y a tant de choses, tant d’images à évoquer qu’il est souvent difficile de faire le tri entre les moments vraiment importants et ceux qui le sont moins.

À quoi s’ajoute que, d’une vie à une autre, plusieurs événements sont communs, certains mêmes trop banals pour être évoqués, qui ne disent rien de particulier d’une personne.

Prenons l’exemple de la vie de Marie telle qu’elle est représentée dans les mosaïques qui recouvrent les trois premières baies du narthex intérieur de Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul.

Toutes rendent compte de la vie de la mère de Jésus, depuis sa naissance jusqu’à la dormition, sans rien omettre des scènes les plus connues que l’histoire chrétienne a retenues : Marie bénie par les prêtres, la présentation au Temple, Marie confiée à Joseph, l’Annonciation ou encore la Vierge à l’Enfant.

Avec ces moments clés, d’une mosaïque à l’autre, c’est toute la biographie mariale qui est mise en scène pour les fidèles.

Sauf qu’il y a une autre mosaïque parmi celles-là, une que l’on remarque moins que les autres, un peu comme une photo d’enfance oubliée dans un album ancien, et cette image en dit plus long que toutes peut-être sur la manière de raconter une vie humaine.

Cette mosaïque, c’est celle des sept premiers pas de la Vierge Marie que l’on a sous les yeux.

Minuscule, hésitante, les bras en avant, une fillette s’aventure des bras de sa mère à ceux de son père.

Bien sûr, la tradition hagiographique reconnaît aussitôt Anne et Joachim. Mais à quoi bon le rappeler ici ? La scène est d’une telle grâce qu’il n’y a que ces pas dans la lumière qui comptent.

Ces pas d’une enfant, croira-t-on, sont ceux de tous les enfants du monde quand ils apprennent à marcher.

Mais ils ne sont pas tout à fait les mêmes : sept comme les futures sept douleurs de la Vierge, les sept « glaives » qui ont transpercé son cœur, ils préfigurent tout son destin avant même qu’elle ait fait son chemin.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Chancelante et confiante, elle remet sa marche entre les mains de son père placé devant elle. Une enfant, au fond, à l’image de notre humanité à tous.

Pascal Dethurens, professeur de littérature comparée à l’université de Strasbourg.

Repères

La mosaïque byzantine, dont l’apogée se situe entre le VIe et le XVe siècle, remonte à une longue tradition venue de la Grèce antique et de Rome. À partir du IVe siècle, les Églises chrétiennes ont adopté et adapté cette tradition pour dépeindre des scènes de la vie religieuse, sur les pavements des édifices, les murs et les plafonds. Les artistes byzantins ont ainsi influencé ceux du royaume normand de Sicile au XIIe siècle, ainsi que ceux de Venise et de Rome, mais aussi de Russie et d’autres pays du monde orthodoxe. L’art de la mosaïque s’est estompé ensuite au cours de la Renaissance.

Saint-Sauveur-in-Chora est l’un des plus beaux exemples d’églises byzantines à Istanbul. Convertie en mosquée par les Ottomans en 1511, elle est devenue un musée en 1948. Mais elle vient d’être reconvertie en mosquée – le 21 août 2020 – par décret présidentiel du chef de l’État Recep Tayyip Erdoğan, qui abandonne ainsi l’héritage de Mustafa Kemal, fondateur de la république laïque de Turquie.

https://natureln.librox.net/spip.php?article726

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