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Rome fut dans le Forum et la Grèce fut contenue dans le Parthénon.
Si dans l'histoire des hommes, celle d'un peuple peut tenir tout entière dans une œuvre particulière, alors la cathédrale résume la France. Et la cathédrale des cathédrales, c'est Notre-Dame de Paris.
C'est la maison du peuple français. Il y a déployé les expressions les plus pures de son génie créateur et a entassé dans le vaisseau renversé nos chimères et nos grimaces.
L'incendie de Notre-Dame a été une allégorie. Celle de la France qui se consume et qui renaît.
Quand, à minuit, je suis allé me coucher, les sapeurs-pompiers avaient livré leur verdict: les deux tours allaient tomber, après la flèche. C'en était fini de Notre-Dame.
Mais le matin, les tours étaient encore là. Notre-Dame avait survécu. C'est l'allégorie de la France.
On croit qu'elle va mourir et elle renaît Il y a au fond du cœur de chaque Français une sorte d'écho aux vicissitudes de la pierre souffrante décapitée.
C'est-à-dire que chacun ressent, charnellement, vibrer en lui toute une France des hautes nefs immémoriales.
Notre-Dame, c'est le souvenir des encens refroidis d'une foule chantante. C'est le souvenir d'un grouillement d'âmes simples. C'est un hymne à l'unité profonde de la symphonie millénaire.
Pour les Français, Notre-Dame, c'est l'accord parfait du burin sur la pierre et du souffle de l'Esprit.
Et d'ailleurs, sans savoir ce qui s'était passé à Notre-Dame depuis sa construction au XIIe siècle, puis sa reconstruction au XIIIe siècle, puisqu'elle a déjà brûlé une fois, c'est toute une histoire vivante qui se fraye
un chemin.
On entend l'âme de la France qui respire. Il ne faut jamais oublier la trace sur la dalle des pas lourds et accablés des cortèges triomphants, le Te Deum de Charles VII sous les voûtes, le vœu de Louis XIII, le Requiem du service solennel des funérailles de Turenne, le Te Deum pour la victoire de Marengo et en 1918, le 17 novembre, le Requiem Te Deum, la mort et l'appel de la vie qui revient. Sans oublier, Emmanuel, le gros bourdon muet depuis 1940 et qui se remet à sonner avec l'entrée des troupes de Leclerc le 24 août 1944.
Mon père me disait souvent: « En France, aujourd’hui comme hier, on fait comme les aïeux: on va au bistrot quand ça va bien et on va à l'église quand ça va mal. »
Il y a un exemple qu'il me racontait qui m'a toujours fasciné: le 10 mai 1940 quand le pays court à l’abîme,
le recours au surnaturel apparaît comme l'unique voie de salut.
Même aux politiques. Que font-ils? Ils se pressent à Notre-Dame le 19 mai 1940 pour s'associer aux prières publiques. Paul Raynaud, alors président du Conseil, entonne une allocution poignante:
« S'il faut un miracle, alors je crois au miracle. » C'est magnifique. C'est la France.
(…)
La muséification de Notre-Dame de Paris signifierait qu'on la transforme en un musée, que la couronne d'épines devienne un colifichet, prenant la valeur d'une pierre diamantée qui n'a plus rien à voir avec
l'histoire vivante.
Le cœur qui bat à Notre- Dame, c’est le cœur baꢅant de la France. Je conclurai par Péguy qui, en pensant à Notre-Dame, saluait cette quintessence du génie d'un peuple: « C’est embêtant, dit Dieu, quand il n'y aura plus ces Français. Il y a des choses que je fais, il n'y aura plus personne pour les comprendre. »
Philippe de Villiers
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